Manager : facilitateur ou stresseur ?

Les entreprises sont plus à l'aise pour fixer des objectifs que pour aider les personnes à les atteindre et pourtant...

16 MARS 2017 · Lecture : min.
Manager : facilitateur ou stresseur ?

Quelque chose m'a semblé être l'élément essentiel de l'action des personnes dans l'entreprise, et c'est la question du « sens ». Prendre la décision d'agir vers un but suppose que celui-ci est du sens pour son soi existentiel. Plus l'action est dépourvue de sens plus la personne va chercher à en donner dans l'action à réaliser.

Bien manager

En outre pour qu'une action soit valorisée par une personne, il faut que celle-ci lui permette d'exprimer sa liberté réflexive, conceptuelle et émotionnelle. La réflexion que la personne va accepter de mener lui apporte quelque chose, ce quelque chose constitue le véritable sens de l'action. Donc le processus de réflexion, de maturation de la personne contient son véritable sens qui est le plus souvent immergé et caché.

Deuxième aspect important dans l'acte de décision est la notion de confort. Toute personne va privilégier sa propre survie et sa croissance, le confort peut représenter, pour lui un moyen de l'exprimer. Cette notion rentre en jeu dans la décision de faire mais encore plus dans la décision de réfléchir à faire. Chaque personne devient donc en capacité de se faire croire et de faire croire qu'il se prépare à décider de faire quelque chose car réfléchir à une nouvelle situation visée c'est déjà la changer ! C'est éventuellement aussi se mettre en insécurité donc en situation d'inconfort. Le vécu émotionnel de cette situation d'inconfort s'inscrit dans ses mémoires cellulaires et indique à la personne à son système, quelque chose comme : « J'ai mal ».

Réfléchir à quelque chose d'inconfortable, réfléchir à faire quelque chose de nouveau et par relation faire quelque chose d'inhabituelle peut être vécu comme « souffrance ». La personne fondamentalement est en recherche d'équilibre pas de souffrance. La notion d'insécurité va être souvent opposée à celle de développement personnel. Tout élément d'information extérieur inconnu peut provoquer l'inconfort puis l'insécurité. Cela va produire des systèmes de défense plus ou moins perfectionnés qui vont passer notamment par se faire croire et faire croire que l'on réfléchit au fait de faire quelque chose et conduire une stratégie pour faire échouer l'action.

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Bien animer une équipe

Animer une équipe et des compétences dans l'organisation passe par mettre en place un accompagnement qualitatif dans l'aide à la réflexion dans toutes les situations où il est demandé à un acteur d'agir. La qualité de l'accompagnement du processus de maturation de la décision induira l'efficacité, la rapidité et la performance de l'action après la décision. Entendons-nous quand je parle d'accompagnement, je ne parle pas de dépendance et de pouvoir, de pression, de stress ou d'injonction, je parle plutôt «d'éclaireur de processus». Éclairer un processus c'est aidé l'autre à accepter qu'il soit en insécurité et en situation d'inconfort, c'est aider l'autre à conscientiser à chaque étape que son insécurité peut lui donner des indications, une orientation vers ce qui constitue le processus de développement des compétences qui est porteur de sécurité intérieure nécessaire à l'équilibre du « système » humain.

« On a peur de ce que l'on désire ». Dans mon expérience de vie, je me suis souvent aperçu que la peur et l'insécurité cachaient une piste de travail qui pouvait ouvrir vers la croissance et le développement. L'approche systémique nous fait bien comprendre que tout nouvel élément d'information entrant dans un système entraîne des déséquilibres. Tout déséquilibre est facteur déterminant de la pérennité et du développement du système à condition qu'ils soient intégrés dans un rythme biologique et psychologique adapté à la personne et qu'il n'est qu'une étape pour retrouver un équilibre. Il n'y a pas de performance et d'adaptation sans respect des rythmes et des personnes. Ceux qui pratiquent et croient le contraire sont en train de mener les collectifs au travail dans le mur (burn-out et suicide).

Le sentiment d'insécurité

La sécurité, une notion qui nous renvoie à notre actualité et qui en même temps nous laisse des leçons de vie et de communication humaine. Les notions de sécurité et d'insécurité sont liées fortement au conditionnement biologique de la survie des espèces.

Nous avons un point commun avec toutes les espèces vivantes et par le moindre, nous allons mourir. Ce qui fait notre singularité dans les êtres vivants c'est que nous le conscientisons et nous créons et produisons du langage pour nous servir à savoir que nous le savons. L'action humaine renvoie donc à la conscientisation de la précarité de la vie et de la proximité irréversible de la mort. Chaque action nouvelle conduit donc l'Homme à l'insécurité par le fait qu'il est confronté à sa relative existence. Agir pour nous tous est une nécessité que nous nous sommes donnés pour donner du sens humain à ce qui ne l'est pas forcément « à première vue » : MOURIR.

Le sentiment d'insécurité est fortement lié à une peur profonde, insondable. Il est une traduction fidèle et significative de notre instinct de survie mais plus élaboré. Ce sentiment est utile car il nous permet de nous mettre en garde et en vigilance pour mobiliser nos énergies. La peur de la mort à des aspects constructeurs c'est de prévoir, d'anticiper, de s'assurer des prises pour avancer mais elle a des méfaits, celle de développer la non-action, la répétition de comportement qui vont faire vieillir prématurément le système et finalement le faire disparaître à terme. L'entreprise n'échappe pas à cette logique.

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Se décider à faire quelque chose et se mobiliser réellement pour se préparer à le faire dans une organisation (quel que soit le poste et le statut) suppose selon moi :

  1. La prise en compte et l'acceptation d'un risque de disparition de la situation vécue au présent : ce qui est aujourd'hui ne sera pas demain ;
  2. L'acceptation du sentiment d'insécurité et d'inconfort quant aux situations nouvelles pouvant se présenter ;
  3. L'abandon du pouvoir sur l'autre ;
  4. La concentration sur l'action dans l'ici et maintenant ;
  5. L'acceptation et la possibilité d'expression et de mise en mots des sentiments et des émotions dans l'organisation pour tous , dans « tout » ce qui est et sera vécu dans un climat facilitant.

Grâce à la prise en compte de ces axes d'accompagnement le processus de maturation, de réflexion devient beaucoup plus ouvert et plus créatif et favorise des attitudes ouvertes au changement dans le quotidien du poste et les nouveaux projets de l'organisation.

Toutefois un climat relationnel est nécessaire pour cela :

  • Une empathie de soi et des autres ;
  • Un regard inconditionnel positif vers les actions des personnes y compris les erreurs ;
  • Une authenticité et une congruence loin des postures managériales distantes, froides et impersonnelles.

Le manager et le dirigeant doivent pouvoir devenir des facilitateurs relationnels et cognitifs loin des injonctions,des pressions et des pouvoirs rigides. Telle est l'évolution nécessaire pour remette la personne au centre de l'entreprise et favoriser un développement gagnant-gagnant. À méditer ?

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Jean Yves Caen

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