Besoins et conséquences dans le lien transférentiel autour de la notion de reconnaissance
Le lien transférentiel qui apparaît dès la naissance, voire, in utero, entre l'enfant et sa mère participent de cette notion de reconnaissance, du "naître avec".
Les liens d'attachement traduisent la "reconnaissance" de l'enfant à la mère dans une réciproque qui permet de voir l'épanouissement de l'enfant au gré de son évolution. Mais qu'en est-il lorsque ce lien fait défaut ou lorsqu'il est ambivalent ? Quels troubles peuvent en émaner ? Quels types de transfert s'imposent-ils alors ?
Les travaux de John Bowlby, de Mary Ainsworth, mais de bien d'autres théoriciens, ont permis de modifier les approches selon les perspectives proposées par chacun. Il n'en reste pas moins que dès la conception, la "graine" d'attachement s'immisce entre le "à naître" et la mère déjà "née".
Bien sûr, nous pourrions inclure dans cet article l'aspect transgénérationnel qui n'est pas à évacuer lorsque l'on sait comment, de génération en génération, certaines pathologies, certains troubles ou certains comportements, alors qu'ils n'ont pas été abordés, ou si pu, "génèrent" sans discontinuer, les mêmes "maux".
Cette première approche du besoin de lien transférentiel entre la mère et l'enfant n'apporte ici qu'un petit éclairage qui ouvre la porte sur des auteurs qui ont largement contribué à ce que nous savons déjà.
Besoins et conséquences dans le lien transférentiel autour de la notion de reconnaissance
Les travaux de Bowlby, initialement et de façon majeure, ont largement contribué à mettre en évidence les conséquences d'un défaut de lien transférentiel entre la mère et l'enfant et les troubles de l'attachement qui peuvent en émerger, entre autres. Aussi notre travail portera t-il pour une large part sur la théorie de John Bowlby dans la problématique qui nous préoccupe : « En quoi le manque de lien transférentiel peut-il être source de troubles de l'attachement ou être facteur de pathologies ? ».
Le préalable appelle à se pencher sur l'étymologie et les sens historiques du mot « reconnaissance ». Ceci nous permettra d'y voir plus clair sur l'étendue des propositions, surtout celles concernant plus spécifiquement le champ psychanalytique. Puis, nous reviendrons sur les grands principes de transferts et sur ce que nous en disent les théoriciens, notamment, mais pas que, sur ce qu'est le transfert dans la cure. Enfin, nous mettrons en perspective les impacts générés par le manque de lien transférentiel entre la mère et l'enfant et étudierons plus spécifiquement les apports de J. Bowlby en la matière.
I – RECONNAISSANCE : POINT DE VUE ETYMOLOGIQUE ET HISTORIQUE DANS LE CHAMP DE LA PSYCHANALYSE
Le sens du mot « reconnaissance » est pluriel. Il touche bien des domaines (administratif, armée, …) ce qui le rend très intéressant, car avant de le situer en psychanalyse, il nous faut bien appréhender ses définitions plus en détail.
Ainsi, « reconnaissance » peut-elle être une action par laquelle on retrouve dans sa mémoire l'idée, l'image d'une chose ou d'une personne quand on vient à la revoir. Ce peut être celle aussi d'examiner en détail et avec soin certains objets pour en constater l'espèce, le nombre, …
Ce peut aussi être un acte par lequel on reconnaît qu'on a reçu quelque chose, soit par emprunt, soit en dépôt, ou pour reconnaître qu'on est obligé à quelque chose. Il peut s'agir d'un aveu, d'une confession d'une faute, mais aussi de la gratitude ou un souvenir de bienfaits reçus, de la considération, un repérage sur la nature d'un terrain dans le domaine militaire, … une identification, …
Dès avant notre naissance nous sommes investis comme un être humain appelé à prendre une certaine place dans le désir d'un autre, de plus d'un autre. Sur cette base, nous sommes identifiés et reconnus comme sujets d'un ensemble, et nous pouvons alors nous reconnaître comme tels. Les rapports entre identifiant (les signes qui permettent d'être identifié) et identifié (ce qui est perçu et reconnu) peuvent fonctionner.1
II – NAISSANCE DU LIEN TRANSFERENTIEL : PROCESSUS PSYCHANALYTIQUE
On peut imaginer que l'angoisse se manifeste d'ores et déjà in utero. Les expériences désagréables (stress de la mère, doute quant à la conception et aux enjeux familiaux, …), s'associant au sentiment de sécurité ou plutôt d'insécurité, préfigureraient la dualité de la relation à la mère.
En effet, les événements extérieurs jouent un rôle vital dans la relation mère-enfant (à ne pas exclure, un accouchement difficile, …). Le sein maternel peut ne pas être le bon sein. Soit le lait est accepté avec plaisir et le bon sein est intériorisé, soit il ne l'est pas du fait d'une mère trop angoissée et qui peut être en difficulté.
Si allaiter est un facteur clé dans la relation mère-enfant, c'est aussi introduire la frustration, car l'enfant ne fait déjà plus un avec sa mère. Et dans le lien transférentiel, tout ne se réduit pas et ne se limite pas à nourrir ou à être nourri.
L'amour maternel doit être manifeste dès le premier stade de la vie. C'est la mère qui écarte l'angoisse et les pulsions destructrices.
Néanmoins, l'amour et la haine sont en conflit. Avoir le bon sein, puis le perdre génère obligatoirement du conflit mais l'environnement apaisé devient de fait apaisant favorisant ainsi la construction d'un lien sécure entre la mère et l'enfant.
Le sein de la mère, prototype de bonté maternelle, de patience et générosité, serait alors le « noyau du Moi »2 qui favoriserait chez l'enfant, la constitution et le fondement de l'espoir, de la confiance et de la croyance dans le bien.
Mais si la mère prive l'enfant du sein, alors, l'avidité et l'angoisse de persécution accroissent. Le sein devient alors mauvais car il est devenu parcimonieux. Le sein est donc un objet inaccessible dans l'infini.
C'est cette envie primitive qui pourra être revécue parfois dans la situation transférentielle entre le patient et l'analyste. Le transfert permettra de découvrir la racine de l'envie lorsque les situations émotionnelles vécues sont ramenées à des stades précoces.
II – Le TRANSFERT : POINT DE VUE GLOBAL DES THEORICIENS
Selon Laplanche et Pontalis, le Transfert désigne, en psychanalyse, « le processus par lequel les désirs inconscients s'actualisent sur certains objets dans le cadre d'un certain type de relation établi avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique. Il s'agit là d'une répétition de prototypes infantiles vécue avec un sentiment d'actualité marqué. C'est le plus souvent le transfert dans la cure que les psychanalystes nomment transfert, sans autre qualificatif. Le transfert est classiquement reconnu comme le terrain où se joue la problématique d'une cure psychanalytique, son installation, ses modalités, son interprétation et sa résolution caractérisant celle-ci ».3
Freud dit du Transfert que c'est une répétition dans le transfert des expériences du passé, des attitudes envers les parents. Mais l'on parle ici de réalité psychique, donc, du désir inconscient et des fantasmes connexes. D'autre part, les manifestations transférentielles ne sont pas des répétitions à la lettre, mais des équivalents symboliques de ce qui est transféré.
Mais ce qui nous intéresse ici n'est pas tant le transfert en analyse que l'organisation du transfert entre la mère et l'enfant puisque la problématique interroge à ce niveau.
À ce sujet, Françoise Dolto s'exprime autrement : « Chez l'adulte, dit-elle, le transfert se fait sur l'analyste, mais chez un enfant, l'Œdipe se fait avec les parents et il n'est pas transférable sur l'analyste. Si l'enfant n'a pas passé l'Œdipe, il faut attendre qu'il l'ait fait, pour voir éventuellement après.»4
Ce qui ne l'empêche pas d'affirmer par ailleurs que « la psychanalyse avec les enfants de moins de cinq ans est, avec celle des psychotiques, la psychanalyse pure ».
Son cheminement amène donc à segmenter le cours du Transfert avec cette rupture qu'elle place au moment de l'Œdipe et qui devient un « transfert aux parents », tandis qu'avant et après cette période, le transfert est de nature psychanalytique.
Une autre façon d'étudier le transfert chez l'enfant prend sa source chez D. W. Winnicott, pédiatre et psychanalyste qui a travaillé toute sa vie avec les enfants. Ses travaux, issus de Mélanie Klein s'en éloigneront et reconnaîtront la fonction de l'objet externe et l'influence de l'environnement primaire. Il insistera sur le « tenir » : le holding et le handling. Il développera la conception originale d'un espace de création, l'espace transitionnel, qui se situe comme intermédiaire dans le champ de la relation précoce et est à la base de la culture. La mère est le premier miroir de l'enfant et la représentation du vécu corporel de l'enfant passe par l'image du corps de la mère. La relation objectale la plus ancienne contient aussi la menace d'annihilation. La présence excessive ou empiètement double l'angoisse d'abandon liée à l'absence de l'angoisse d'intrusion, source de désorganisation. La capacité anticipatrice de la mère ne doit pas excéder les besoins de l'enfant sauf à éteindre son dynamisme propre.
Nous voyons ici pourquoi D.W. Winnicott insiste particulièrement sur le nécessaire équilibre. Trop d'investissement objectal de la mère, mène à l'annihilation. Trop de présence ou d'empiètement mène à l'angoisse d'abandon et à l'angoisse d'intrusion.
Quant à Mélanie Klein, elle a mis au point la technique de la psychanalyse par le jeu. Elle défend d'emblée l'idée d'un transfert au sens complet du terme et analyse les aspects négatifs du transfert toujours présents dès le début de la cure et qu'il faut savoir reconnaître et interpréter pour abaisser le seuil d'angoisse. Ce fait suppose de considérer l'existence précoce d'un Surmoi sévère chez l'enfant.
C'est au cours des « Controverses » que Mélanie Klein décrira un concept particulièrement fécond pour la compréhension de la vie psychique et de la fonction analytique. Il s'agit d'un ensemble mécanisme/fantasme : l'identification projective. Avec le clivage, le déni et l'idéalisation, l'identification projective organise la base de la santé mentale. Corrélativement, leur pathologie peut laisser le sujet dans un état de fragmentation. L'intégration du Moi dépend donc des relations d'objet. Avec l'identification projective, ce n'est plus la pulsion seule qui est projetée dans l'objet mais bien des parties du self. Ce mécanisme-fantasme permet d'expulser une partie de soi que l'on ressent comme dangereuse ou en danger à l'intérieur de soi. Il est aussi à l'origine de la perception d'une avidité de l'objet dans lequel a été projeté l'avidité de l'enfant. 5
Cette notion d'avidité de l'enfant se conçoit différemment de l'envie. Alors que l'avidité se joue dans l'introjection, l'envie se joue, elle, dans la projection. Dans « Avidité », le désir est impérieux et insatiable et va au-delà du besoin du sujet et au-delà de ce que l'objet peut ou veut lui accorder. Pour ne revenir qu'à cet exemple, allaiter c'est donner ou ne pas donner, dans la limite du raisonnable car il ne s'agit pas que le bébé se « goinfre » jusqu'à en vomir. Cette avidité, cherche à vider, épuiser ou dévorer le sein maternel. C'est donc lié aux premières frustrations.
Et puis, l'envie est elle-même à différencier de la jalousie qui est la crainte de perdre ce que l'on possède, tandis que l'envie est la souffrance de voir quelqu'un d'autre posséder ce que l'on désire pour soi-même.
Ces notions ramènent inévitablement à la haine de l'enfant qui ne peut obtenir tout le temps, le « tout » qui existe.
Ces bases et approches théoriques ont permis d'éclairer les processus de transfert et les différents points de vue n'ont eu de cesse que de les affiner. Bien sûr, l'on peut être d'accord avec l'un plutôt qu'avec l'autre des théoriciens. Mais ici n'est pas notre propos puisque celui-ci demande seulement à ce que l'on ait cette vue d'ensemble des mécanismes.
Ce qui est certain, c'est que plus l'environnement est sain et stable, plus la mère ou la figure d'attachement est présente, soucieuse sans être angoissée, bonne et généreuse sans être intrusive, plus le lien transférentiel se crée naturellement.
III – ATTACHEMENT : THEORIE SELON BOWLBY ET TROUBLES
La théorie de l'attachement est née dans le contexte historique de la guerre, qui entraîne séparations, pertes et deuils et John Bowlby en fut le théoricien précurseur dans ce champ d'investigation. Pour lui, une psychopathologie peut se développer à partir de troubles de l'attachement. Il s'appuie sur la cybernétique, l'éthologie, le constructivisme, ...
Ses premières recherches sur les carences relationnelles et l'impact sur les risques de délinquance vont l'amener à décrire des « personnalités dépourvues de tendresse » des enfants ayant subi des séparations d'avec leur mère. John Bowlby va révolutionner scientifiquement les fondements de la communication lorsqu'il décide que pour mieux comprendre le bébé et son développement, il faut se servir des autres modèles du vivant et utiliser la compréhension d'un certain nombre de lois du développement du vivant en inscrivant l'homme, justement, dans ces lois.
Il est vrai que la théorie analytique ne pouvait adhérer à cette théorie de l'éthologie puisqu'elle n'existait pas à l'époque de Freud, ou si peu. Et sachant que toute théorie est remise en cause par la suivante, la question de la Théorie de l'Attachement aura peut-être pris d'autres chemins dans une centaine d'années.
L'idée de ces systèmes d'attachement, de systèmes de soins parentaux, de systèmes motivationnels sont des concepts issus de l'éthologie. Il s'agit là d'une théorie révolutionniste et si ces systèmes existent toujours dans les espèces actuelles c'est qu'ils contribuent à leur survie.
Mais voyons ce qu'est la théorie de l'attachement, comment fonctionnent ces modes de communication qui fondent les interactions du bébé avec les figures d'attachement et comment se traduisent les troubles, ce qui nous permettra d'apporter, peut-être une réponse à la problématique.
Là encore, John Bowlby se réfère à Sigmund Freud (1931) en le citant « J'ai avancé les deux faits qui m'ont frappé par leur nouveauté : que la forte dépendance de la femme vis-à-vis de son père ne fait que recueillir la succession d'un attachement à la mère aussi fort et que cette phase plus ancienne persiste pendant une période d'une durée inattendue. […] Tout ce qui touche au domaine de cet attachement originel à la mère m'a paru si difficile à saisir analytiquement ... »
Cela le conduit à sa première réflexion : « Pour comprendre la réaction d'un enfant à la séparation d'avec la mère ou à la perte de celle-ci, il est nécessaire de comprendre le lien qui l'attache à cette figure maternelle. »6
Il oppose le point de vue psychanalytique, qui renvoie à la relation d'objet, à la sienne qui préconise la terminologie « attachement » ou « figure d'attachement ».
Il considère que finalement toutes les recherches sont consensuelles dans le fait que dans les douze premiers mois, un nourrisson établit un lien puissant avec une figure maternelle. Mais, ce qui n'est pas consensuel, ce sont les modalités de sa construction.
III.1 – De la nature à la fonction du comportement d'attachement, une synthèse nécessaire
Tout d'abord, John Bowlby s'appuie sur la théorie de la pulsion secondaire qui se caractérise par le fait qu'aimer être avec d'autres membres de son espèce résulte du fait que l'individu est nourri par eux (Dollard et Miller, 1950). Mais il s'appuie aussi sur la réflexion de Sigmund Freud (1940, SE23 : 188) à ce sujet : « Si le nourrisson manifeste un désir si vif de percevoir la mère, ce n'est que parce qu'il sait par expérience qu'elle satisfait tous ses besoins sans délai. »
Il met en parallèle ce postulat avec celui de Hull qui dénombre finalement peu de besoins primaires (besoin de nourriture, de liquide, de chaleur et besoin sexuel). Les autres besoins découlant d'un processus d'apprentissage.
Mais ces théories ont été remises en question par Lorenz lors de son travail sur « l'empreinte ». Ses multiples expériences sur les canetons et les oisons ont démontré que ces derniers pouvaient s'attacher même sans nourriture.
John Bowlby met en lien les observations précédentes avec l'attachement humain. Il repère des invariants : la capacité de s'agripper, à aimer la compagnie humaine, la capacité de babiller, de sourire. Il n'est pas question ici de nourriture. John Bowlby prend également en compte le fait qu'un enfant puisse s'attacher à d'autres du même âge, donc confirme que le comportement d'attachement peut se développer et être dirigé vers une figure qui n'a rien fait pour répondre aux besoins physiologiques (cf .travaux d'Anna Freud et de Sophie Dann, 1951, sur des enfants ayant vécu en camp de concentration). Il pourrait donc réfuter la théorie de la pulsion secondaire. Mais, dans le cas d'affections névrotiques ou psychotiques, qui prennent leur origine au stade oral, il dit : « Sur la base de la théorie de la pulsion secondaire, de tels symptômes sont faciles à expliquer parce qu'ils sont considérés simplement comme des régressions à une phase normale antérieure lorsque les relations d'objet ne sont rien d'autre qu'orales. Si cette explication n'est plus acceptable, quelle autre explication s'offre à nous ? Il y a trois façons dont on peut aborder ce problème. En premier lieu, quoiqu'après l'hypothèse avancée le comportement d'attachement est conçu comme se développant indépendamment de la nourriture, il ne se développe pas indépendamment de la succion, paradoxe qui sera examiné en détail au chapitre suivant. La théorie de la régression, par conséquent, n'est pas entièrement écartée. »7
Il préconise donc d'autres recherches pour démontrer que la théorie du comportement d'attachement peut trouver d'autres explications que celles, traditionnelles, des symptômes oraux basées sur la théorie de la tendance secondaire.
III.2 – L'idée de l'empreinte
Pour John Bowlby, l'enfant humain a un comportement d'attachement proche de celui d'autres mammifères ou d'oiseaux. Il s'appuie en cela sur les recherches de Lorenz, notamment. Car, dans les deux cas, il y a centration sur une figure distinguée des autres et suffisamment semblable.
A l'heure où il écrit, John Bowlby ne peut s'appuyer que sur les quelques connaissances du moment relatives au comportement d'attachement chez les animaux, notamment chez les oiseaux, qu'il va tenter de mettre en lien avec le comportement d'attachement chez les humains :
- 1 / Chez les nourrissons humains, les réponses sociales de tout ordre sont d'abord suscitées par un large éventail de stimuli et, plus tard, par un éventail bien plus étroit qui se limite après quelques mois à des stimuli provenant d'un ou de quelques individus particuliers.
- 2/ On a la preuve qu'il y a une tendance marquée à répondre socialement à certains types de stimuli davantage qu'à d'autres.
- 3/ Plus un enfant a l'expérience d'une interaction sociale avec une personne, et plus son attachement à cette personne devient fort.
- 4/ Le fait d'apprendre à discerner différents visages suit habituellement les périodes où l'enfant fixe et écoute attentivement, ce qui fait penser que l'apprentissage par exposition peut y jouer un rôle.
- 5/ Chez la plupart des enfants, le comportement d'attachement à une figure préférée se développe au cours de la première année de la vie. Il semble probable qu'il y ait une période sensible au cours de cette année où le comportement d'attachement se développe plus facilement.
- 6/ Il est peu probable qu'aucune phase sensible commence avant six semaines et il se peut que ce soit plusieurs semaines plus tard.
- 7/ Après six mois, et de façon marquée après huit ou neuf mois, les nourrissons sont plus enclins à répondre à des figures étrangères par des réactions de crainte et plus disposés aussi à y répondre avec une frayeur marquée que lorsqu'ils étaient plus jeunes. En raison de la fréquence et de la force croissantes de ces réactions de crainte, le développement de l'attachement à l'égard d'une nouvelle figure devient de plus en plus difficile vers la fin de la première année et ultérieurement.
- 8/ Une fois qu'un enfant s'est fortement attaché à une figure particulière, il tend à préférer cette figure à toutes les autres et une telle préférence tend à persister en dépit de la séparation.
III.3 – La fonction du comportement d'attachement
Pour John Bowlby, le comportement d'attachement a pour fonction la protection à l'égard des prédateurs. Mais pas uniquement puisqu'il se réfère à un article de Murphy (1964) qui écrit : « … la mère ne satisfait pas seulement les besoins nutritionnels et autres besoins corporels ... mais favorise aussi le développement des fonctions spécifiques du Moi ... »
Il considère lui-même que le danger de mort est aussi important que le danger de mourir de faim.
La protection à l'égard des prédateurs serait la fonction majeure du comportement d'attachement. Il prend à son compte trois faits reconnus du point de vue éthologique : « Il paraît évident d'après les observations de bien de espèces d'oiseaux et de mammifères, qu'un animal isolé risque davantage d'être attaqué et d'être saisi par un prédateur qu'un animal qui reste en groupe avec d'autres congénères. … Le comportement d'attachement est suscité particulièrement facilement et intensément chez les animaux qui, en raison de l'âge de la taille ou de la condition, sont spécialement vulnérables aux prédateurs, par exemple les petits, les femelles grosses, les malades. .. Le comportement d'attachement est toujours déclenché avec une très grande intensité dans des situations d'alarme, qui sont couramment des situations où un prédateur est soit senti soit suspecté. »
Le dernier point est intéressant lorsque l'on considère l'aspect « punition ». En effet, dès que le jeune s'approche du danger, le parent le puni. Il en résulte que plus le jeune est puni, plus son attachement est grand et plus il recherche la proximité.
Si la position de John Bowlby est désormais claire quant à la fonction du comportement d'attachement, il n'en reste pas moins qu'il se pose deux questions majeures : « Pourquoi le comportement d'attachement persisterait-il dans la vie adulte longtemps après la terminaison de l'apprentissage, comme cela arrive chez beaucoup d'espèces de mammifères ? Pourquoi le comportement d'attachement serait-il suscité avec une telle intensité lorsque l'animal est alarmé ? »8
III.4 – Attachement ou Dépendance ?
La distinction est claire quant à ces deux notions. Pour John Bowlby : « Dans quelle mesure l'existence d'un individu est assurée par un autre, tel est logiquement ce à quoi renvoie le mot « dépendance », qui a donc une référence fonctionnelle ; alors que l'Attachement, tel que nous l'utilisons ici, se réfère à une forme de comportement et est purement descriptif. Comme conséquence de ces différentes significations nous notons que, alors que la dépendance est la plus grande à la naissance et diminue plus ou moins constamment jusqu'à la maturité, l'attachement est entièrement absent à la naissance et n'est pas puissamment en évidence avant que l'enfant ait dépassé ses six premiers mois. Les mots son loin d'être synonymes. »9
Il considère par ailleurs que le terme « dépendance » s'oppose à « indépendance » et est donc moins valorisé que le terme être « attaché », qui lui, a toujours une valeur positive, contrairement à « détaché ».
III.5 – Comportement d'Attachement vs comportement sexuel ?
Les travaux de Sigmund Freud sur la sexualité infantile ont influencé John Bowlby. Il considère que le comportement d'attachement et le comportement sexuel, bien que distincts, sont unis par des liens particulièrement étroits.
Dans la théorie psychanalytique sur la sexualité infantile, la forme prise par le comportement sexuel d'un individu quand il est adulte est très influencée par la forme prise par le comportement de l'individu envers la mère et/ou le père, quand il est petit. Les deux comportements étant des expressions différentes d'une seule force libidinale. Partant de ce postulat psychanalytique, John Bowlby estime que ses recherches doivent mener à expliquer le lien qui unit le comportement d'attachement et le comportement sexuel.
En effet, il estime courants les chevauchements entre le comportement d'attachement, le comportement parental et le comportement sexuel. Et que bien que distincts, il n'en demeure pas moins que la vision psychanalytique doit être préservée dans la compréhension globale.
III.6 – Les schèmes de comportement d'attachement (d'après Mary Ainsworth, Main et Salomon)
Les observations empiriques de Mary Ainsworth (1978) lui ont permis de conceptualiser les styles d'attachement.
Trois types majeurs de réactions sont observées chez le jeune enfant lors de ses expériences menées en « situation étrange ».
- A/ L'Attachement sécure
Celui-ci est favorisé par une figure d'attachement réceptive, sensible aux besoins de son enfant. La mère est donc utilisée pour explorer l'environnement. L'enfant va en effet rechercher le réconfort de la mère ou du substitut maternel lors de la séparation. Dès son retour, l'enfant se calme rapidement et reprend son activité exploratoire. Le juste équilibre est présent entre la recherche de réconfort et l'activité d'exploration.
Plus l'enfant est sécure, plus sa capacité d'autorégulation émotionnelle sera importante. De même que sa capacité à explorer son environnement et son aisance dans sa relation à autrui seront de belle qualité.
- B/ L'Attachement insécure évitant
Dans ce deuxième cas de figure, l'enfant que l'on appellera, insécure évitant, se détourne de sa figure d'attachement et masque sa détresse émotionnelle en se détachant de la situation en se raccrochant à l'environnement physique. Au retour de sa mère ou du substitut maternel, il fera preuve d'indifférence, il évitera le contact avec elle pour ne se consacrer qu'à ses jouets. C'est le manque de disponibilité de la figure d'attachement qui engendre l'indifférence de l'enfant. Pour ne pas souffrir du manque de réponse, l'enfant n'a pas d'autre choix que de désactiver son système d'attachement en choisissant cette stratégie qui laisse parfois paraître une indépendance précoce. L'anxiété et l'angoisse émergeraient du sentiment d'insécurité de l'enfant qui ne peut avoir confiance en sa figure d'Attachement et c'est en s'adaptant à cette situation qu'il se « sauve » lui-même.
- C/ L'Attachement insécure ambivalent
La figure d'Attachement est trop ambivalente et ses réactions sont imprévisibles, incohérentes, incertaines. D'où un désarroi profond auquel l'enfant doit faire face. Au moment de la séparation, il manifeste sa colère et il est difficile de le rassurer. Son angoisse est telle qu'il ne peut se consacrer à l'exploration de son environnement. L'angoisse de séparation prend toute la place et le système d'attachement est hyper-activé. L'accès à l'autonomie est difficile car l'enfant est obnubilé par ses besoins d'attachement.
Ces trois styles d'Attachement, conceptualisés par Mary Ainsworth à la suite des travaux de John Bowlby, ont été complétés par un quatrième style développé par M. Main et J. Salomon (1986), l'Attachement désorganisé.
- D/ L'Attachement désorganisé
Ce quatrième style a été développé par M. Main et J. Salomon (1986) chez les enfants qui ne réagissent pas de manière caractéristique ou prévisible à la situation étrange. Dans ce style d'attachement, le jeune enfant présente des attitudes contradictoires, inconsistantes et souvent déroutantes. Il pourra, par exemple, s'agripper à la figure d'attachement tout en détournant le regard ou pleurer à son départ sans vouloir s'en rapprocher.
IV- CONCLUSION
La question posée initialement « Besoins et conséquences dans le lien transférentiel autour de la notion de reconnaissance » génère une problématique explicite. Oui, il y a besoin de lien transférentiel dans la relation mère-enfant, oui, il y a des conséquences lorsque défaut il y a. Mais, les réponses apportées par les mères ou les figures maternelles ne sont pas aussi simples car l'environnement extérieur y est également pour beaucoup dans le système complexe qui prend forme.
Les troubles ou pathologies liées au manque de lien transférentiel, naissent du défaut de reconnaissance. Avoir connu in utero, connaître à nouveau à la naissance, connaître en lui/elle, le « moi-même » de la mère, est un processus simple finalement à comprendre mais compliqué à investir lorsque l'on ne « connaît » pas soi-même les impacts à moyen et long terme sur le développement du processus psychique de l'enfant.
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