Education à la Santé Sexuelle en collège et Islam sont-il compatibles?

Les personnes travaillant dans les établissements scolaires sont régulièrement confrontées aux questions de sexualité, et de religion, questions qui parfois se téléscopent brutalement.

13 JANV. 2020 · Lecture : min.
Education à la Santé Sexuelle en collège et Islam sont-il compatibles?

Etat des lieux

Régulièrement aujourd'hui, les personnes qui interviennent dans les établissements scolaires autour des séances d'éducation à la vie affective et sexuelle (Une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles et par groupes d'âge homogène. Ces séances présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes. Elles contribuent à l'apprentissage du respect dû au corps humain. Elles peuvent associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d'autres intervenants extérieurs conformément à l'article 9 du décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement. (Article L312-16 du code de l'éducation) sont confrontées aux questions religieuses, et notamment (pas uniquement) à la question de l'Islam. Il n'est pas rare, en effet, que des jeunes refusent d'assister aux séances, ou d'évoquer certains sujets, parfois choisissent de se boucher les oreilles. Sous le prétexte que parler de sexe, c'est « haram ». En période de ramadan, le phénomène s'amplifie.

Il est évident que pour ces jeunes, l'Islam est une référence morale incontournable.

Il guide leurs codes vestimentaires (tenue pudique des jeunes filles, voile, parfois jilbab, souvent retirés en entrant dans l'établissement et remis dès la grille passée), leurs relations filles/garçons (distance prudente, surveillance par les pairs) et leur vie amoureuse.

En ce qui concerne cette dernière, pour les filles elle reste en apparence simple : rien avant le mariage.

Mais la réalité est parfois plus nuancée : parfois le petit copain est toléré, si on ne dépasse pas le bisou. D'autres fois, on peut aller plus loin, tant que la sacro-sainte virginité est respectée. Reste à savoir ce que recouvre ce concept ! Pas de contact physique pour certaines, pas de génitalité pour d'autres, pas de pénétration vaginale pour les dernières. Ou alors à moitié ? Avec toujours, l'idée que le sexe salie les femmes. Une jeune-fille qui a « craqué » se sent définitivement souillée. Sans compter l'immense sentiment de trahison qu'elles ressentent parfois vis à vis de leur famille : elles ont fauté, irrémédiablement. C'est ainsi que les centres de planification regorgent de jeunes femmes qui, outre l'angoisse d'être peut-être enceintes (l'absence d'éducation sexuelle en France, ajoutée à la certitude qu'hier encore elles avaient de ne jamais craquer, rendant l'idée même de contraception inaccessible), traînent une culpabilité gigantesque. Et une foule de questionnements : « si on l'a fait, mais qu'on n'a pas fini, est-ce que je peux considérer que je suis encore à moitié vierge ? ». Chez ces jeunes-filles pour lesquelles le sexe est de toute façon une salissure, mais en même temps (paradoxe !) un cadeau que l'on fait à son futur mari, l'idée même de désir sexuel féminin est une aberration. C'est pourquoi elles sont dans le refus et l'incompréhension totale de ce qui « leur a pris »: comment ont-elles pu céder ?

Chez les jeunes hommes, les interdits sont moins prégnants, en apparence : si la virginité est censée être de mise également, on peut s'autoriser quelques écarts : la « nature masculine » excuse tout. D'autant que l'idée générale que le désir masculin est provoqué par les femmes justifie tout : c'est elle, après tout, qui l'a allumé. C'est un homme, il ne peut pas résister au charme féminin.

Surtout à notre époque, et ce point n'est pas à négliger : ces jeunes garçons, chez qui le sexe est considéré, de la même manière, comme une salissure pour la femme (combien m'ont avoué : « j'aimais cette fille, vraiment, elle se respectait, mais une fois que j'ai couché avec elle…plus moyen de la regarder. Je la trouvais sale, et je m'en voulais de l'avoir salie»), sont confrontés en même temps à la sexualité omniprésente dans notre société : pubs, clips, télévision, qui reprennent sans vergogne les codes du porno, et pornographie en ligne, consommée en masse, on le sait, par les jeunes dès le collège (dès qu'ils ont un smartphone/une tablette/un ordinateur entre les mains, en réalité). Comment, dès lors, composer entre un désir sexuel effréné, dû à la conjugaison puberté+ porno, une image main stream de la sexualité, et des interdits religieux stricts ? Cette injonction en apparence contradictoire met ces jeunes hommes dans une situation impossible.

De la nuance

Alors, bien sûr, on serait tenté d'incriminer l'Islam, et d'appeler ces jeunes à s'ouvrir aux lumières de l'occident et aux grandeurs de la France féministe (féministe surtout ces dernières années, depuis que la question de l'Islam se pose dans les médias). Mais ce serait oublier ceci :

tout d'abord, il ne s'agit pas ici de jeunes nés hors de France.

Ces enfants ont été biberonnés à la culture française. Et c'est pour cette raison que ces « codes » qui nous semblent d'un autre âge ont si bien poussé en eux : ces codes, ce sont les nôtres. Notre culture est profondément latine ; nous avons bien plus en commun, en ce qui concerne les rapports hommes-femmes, avec nos voisins du Sud, qu'avec ceux du Nord.

L'idée d'une sexualité dégradante pour les femmes, d'un désir masculin impérieux, d'une nécessité pour la femme de se soustraire au regard concupiscent du mâle, tout cela fait partie de notre culture. Et nous est régulièrement resservi.

Simplement, tout cela est exprimé avec plus de nuances.

Mais l'idée de fond est la même.

Ainsi, dans les établissements scolaires moins mixtes socialement, où les jeunes, majoritairement français de souche, catholiques ou athées, ont appris à s'exprimer plus aisément, les mots sont moins durs, les interdits moins visibles.

Mais au fond, l'idée générale reste la même :

les hommes ont des besoins, les femmes sont des putains.

Il semble donc inutile d'incriminer telle ou telle religion. L'Islam, c'est sûr, devient plus visible ces dernières années. La tentation du repli religieux est une vraie question de société, on le voit dans les quartiers chauds, et également dans les quartiers chics

Cependant, couper l'arbre qui cache la forêt ne sert à rien, sinon à stigmatiser encore plus une frange de la population, déjà fragilisée.

Ainsi, dans les séances d'éducation à la vie affective et sexuelle, jamais la méfiance préalable de ces jeunes, pour des raisons religieuses, ne m'a empêché de mener mon animation. Parce qu'en réalité, ces collégiens, autant que les autres, ont des questions, des représentations, des peurs, liées à la sexualité, et en ayant une approche délicate, en agissant avec tact, on arrive toujours à échanger de manière enrichissante.

Enfin, en se focalisant sur une petite part de la population, on oublie un peu trop facilement de se poser les vraies questions : quelle vision de la femme en France, aujourd'hui ? De l'homme ? De l'homosexualité ? Quelle société proposons-nous à nos enfants ? Quel avenir à nos filles, à nos fils ?

Quelles femmes voulons-nous qu'elles soient, quels hommes voulons-nous qu'ils soient ?

Il me semble donc indispensable, aujourd'hui plus que jamais, d'éduquer les jeunes, dès le plus jeune âge, ainsi que le prévoit la loi, aux questions d'égalité, de tolérance, afin que leur société soit moins inégalitaire et stéréotypée que la nôtre.

En refusant que la religion prenne le pas sur toutes les autres considérations, dans nos pratiques professionnelles, certes, mais aussi dans nos débats.

Penser l'humain, avant de penser le croyant.

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