Le ventre, le siège et le reflet de nos émotions

Vous connaissez cette expression littéraire « les luttes intestines »? C'est l'image de toute la complexité voir même de toute la violence que l’on imagine se mener au cœur de nos entrailles

14 MAI 2021 · Lecture : min.
Le ventre, le siège et le reflet de nos émotions

Se faire des nœuds à l'estomac,

Avoir une boule au ventre,

Se faire de la bile ou bien ravaler sa colère,

Vivre une expérience nous laisse un goût amer,

Digérer un affront,

Être pris aux tripes,

D'abord cela nous reste en travers de la gorge,

Puis on a du mal à digérer,

On est rongé de l'intérieur, on se fait bouffer,

D'autre diront « c'était viscéral je n'ai pas pu… »,

Ou « Ça me gonfle » (sous-entendu le ventre).

Sentiment de peur, de rejet, vécu stressant ou oppressant, il n'y a guère que le lexique amoureux qui nous fait basculer vers des émotions, on peut l'imaginer, agréables : avoir des papillons dans le ventre, être en proie à une passion dévorante ou avoir un appétit sexuel insatiable.

Le ventre est le siège des émotions

Notre ventre digère les aliments mais aussi nos émotions. Dès tout petit, l'enfant qui n'a pas envie d'aller à l'école dira qu'il a mal au ventre. Le ventre vit au rythme des émotions. Je prenais l'exemple de l'enfant mais quel adulte n'a pas eu mal au ventre, une constipation, une diarrhée lors d'une contrariété, d'un stress, d'un changement de rythme de vie. Pour être claire, si on est en proie à des troubles affectifs ou émotionnels, on a de grands risques de souffrir par là-même de troubles du transit.

L'inquiétude, l'angoisse nous coupent la faim : L'estomac se détend, s'étend et s'étire à l'envie, mais il a quand même ses limites : des émotions comme le stress ou la peur peuvent nuire à la dilatation de ses muscles lisses et nous sommes après plus vite rassasiés ou déjà écœurés par une petite portion.

Au contraire les contrariétés peuvent nous pousser à nous réfugier dans une alimentation doudou et réconfortante.

Toute situation stressante influe sur l'intestin. Quand la peur nous saisit, notre cerveau arrache notre gros intestin à sa tranquillité. Celui-ci n'a plus assez de temps pour résorber les liquides et nous avons la colique. " Chier dans son froc " " se chier dessus " est donc le résultat d'une réalité scientifique.

Les pensées, les émotions, les sentiments, les obsessions et les soucis sont autant d'événements émotionnels qui sont reliés à la fois au cerveau et au ventre. Si l'événement est considéré comme bon, il passe la barrière psychique sinon il est évacué. Le corps fait le tri ! Quand on a mal au ventre, c'est une manière de dire que quelque chose ne va pas… Le corps se manifeste et envoie un signal d'alarme.

Le ventre est appelé le 2ème cerveau

Depuis plusieurs années, on entend largement que le ventre serait un "deuxième cerveau". Ce que la médecine occidentale découvre depuis peu, les anciens Taoïstes, il y a plus de 400 ans, en étaient parfaitement conscients. Pour eux, le corps humain est sous le contrôle de deux cerveaux : le cerveau cérébral et le cerveau abdominal.

Petit retour en arrière, il s'agit d'un fait établi depuis longtemps : le cerveau de l'Homo sapiens a plus que triplé depuis la période des Australopithèques il y a 4 millions d'années. Mais pourquoi ? Le cerveau de nos ancêtres s'est-il développé au gré de ses besoins, afin de maîtriser leur environnement et de survivre ? Ou est-ce au contraire, parce que leur cerveau a évolué qu'ils ont pu mettre en place des relations sociales et culturelles plus développées ? Depuis des décennies, les chercheurs avancent des thèses plus différentes les unes que les autres, alors je ne vais pas me lancer dans un débat du type qui de la poule ou de l'œuf, mais noter que dans tous les cas si nous avions disposé d'un seul cerveau, celui du "haut", l'être humain aurait été absorbé en permanence par ce processus très complexe qu'est la digestion et n'aurait pas pu développer d'autres activités intellectuelles. Le fait d'avoir deux cerveaux a joué un rôle majeur dans notre évolution.

Regardons l'intestin de plus prêt pour savoir ce que lui vaut ce statut émérite de 2ème cerveau :

  • Comme lui il est pourvu de neurones, d'accord me direz-vous mais le corps humain tout entier en est pourvu, c'est son grand nombre qui fait la différence, le nombre total de neurones du cerveau humain est estimé en milliards, quand celui de l''intestin s'estime en millions, et le cœur seulement en milliers.
  • Il sécrète quelques 20 neurotransmetteurs identiques à ceux produits par le cerveau, parmi eux retenons la sérotonine dite hormone du bonheur qui participe à la gestion de nos émotions et qui est produite - excusez-moi du peu - à 95% dans l'intestin, son rôle est important dans l'équilibre psychique, dans la régulation de l'humeur, des comportements alimentaires ainsi que du sommeil.
  • Il possède son propre système nerveux, avec un nerf qui assure une communication constante entre le ventre et le cerveau, un peu comme un téléphone rouge qui relie en permanence nos deux cerveaux pour parer à l'urgence. 80% des messages et signaux de notre corps, tels que la faim ou la douleur sont générés dans notre ventre avant de se propager jusqu'au cerveau.

L'intestin est le reflet de notre pensée et l'acteur de notre bonne santé

Le professeur Mickael D. Gershon, spécialiste d'anatomie et de biologie cellulaire, a écrit dans son livre « le second cerveau » : « Nos deux cerveaux, celui de notre tête et celui de notre ventre, doivent coopérer. Si ce n'est pas le cas, il y a chaos dans le ventre et misère dans notre tête ».

A l'entendre on peut donc utiliser le ventre comme une fenêtre sur ce qui se passe dans le cerveau.

Des études scientifiques récentes ont montré que l'intestin et sa flore microbienne sont l'un des maillons phares de notre santé, un système digestif mis à mal se reflète sur l'état général et entraîne des conséquences sur l'ensemble de l'organisme. Intestin et flore microbienne jouent un rôle déterminant dans l'apparition de nombreuses pathologies a priori très éloignées des problèmes intestinaux mais aussi dans leur prévention car l'intestin est le siège de notre immunité à 80 %.

Stress, angoisse, culpabilité ou peur sont autant d'émotions qui influent sur la météo intestinale et une mauvaise météo intestinale (j'entends par là une altération de la composition du microbiote) provoque par exemple des maladies de peau, de la dépression, du surpoids, en passant par la maladie de Parkinson et des allergies, des intolérances alimentaires, des douleurs, des maladies chroniques, même des maladies psychiatriques.

On étudie donc de près, l'impact de certains probiotiques sur la guérison de maladies comme la Dépression et l'hypersensibilité au stress. Car La sérotonine a été identifiée comme déficiente chez les individus souffrant de troubles dépressifs et on pourrait tenter de guérir certains troubles psychiques par le ventre.

Notre intestin (en réalité l'état de notre flore) influence notre état général bien plus que nous ne le pensons. En avoir conscience aide à mieux s'occuper de soi. Ecouter son corps, c'est se soigner plus facilement.

Écouter, mais aussi dire

Le rôle de la psychologie dans le mal de ventre n'est plus à démontrer. Cela passe notamment par l'importance de dire, dire pour guérir. Dire sa colère, par exemple, ne pas la ravaler pour ne pas se rendre malade. Winston Churchill a dit " En avalant les méchantes paroles qu'on ne profère pas, on ne s'est jamais abîmé l'estomac ". Et bien trompez-vous. De mon expérience personnelle et de celle de mes accompagnements je sais que si l'on ravale notre colère elle va nous faire mal à l'intérieur. L'hypnothérapie et la gestalt thérapie sont particulièrement indiquées pour soigner les maladies psychosomatiques ou les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin mais aussi toutes formes de maladies qui proviendrait d'un mal à dire.

Un petit retour en enfance, comme je les aime, pour terminer en vous parlant des contes, les contes qui aident les enfants à s'endormir et les grandes personnes à s'éveiller.

Les contes où l'on a peur de se faire dévorer par l'ogre, où la grand-mère se fait manger par le loup, où les enfants mangent la maison en pain d'épice, où Blanche-Neige croque la pomme et où Boucle d'Or goûte à la soupe des 3 ours.

Les contes sont l'expression de notre nature intérieure et de notre nature extérieure, ils en sont les miroirs-frontières. Les contes montrent des chemins possibles pour se rencontrer et se réconcilier avec soi-même. Ils nous disent que toute transformation intérieure s'accompagne d'une transformation extérieure.

Être à l'écoute de son imaginaire, c'est être à l'écoute de nous-même et accepter nos processus internes, compréhensibles ou non, c'est découvrir notre nature intérieure, c'est apprendre à la connaître et à jouer avec elle, à l'apprivoiser.

Digérer, manger, mettre à l'intérieur, s'approprier, autant de processus physiques et psychologiques qui s'activent dans un travail thérapeutique pour aller mieux, dépasser un moment douloureux ou envisager un présent et un avenir plus paisibles.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Diane Richard-Lambert

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Bibliographie

  • Le charme discret de l'intestin - Giulia Enders

  • Les secrets de l'intestin, filtre de notre corps - Dr Louis Berthelot - Dr Jacqueline Warnet

  • Yoga thérapie, soigner les troubles digestifs - Dr Lionel Coudron - Corinne Miéville

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