Être accompagné : une nécessité pour sortir du burn- out
Comment le burnout peut-il nous affecter ? Découvrez des exemples concrets des formes que peut prendre cet épuisement émotionnel.
Chère lectrice, cher lecteur, si vous lisez ces lignes c’est probablement parce que vous êtes ou avez été touché.e par le burn-out, très directement (vous), directement (votre conjoint.e, vos enfants, adolescents ou jeunes adultes) ou indirectement (un collaborateur, un collègue, un.e ami.e). Donc vous connaissez déjà peu ou prou l’impact physique, psychique et émotionnel de ce syndrome sur la personne qui en est affectée.
Connaissez-vous pour autant les répercussions interactionnelles de ce type d’épreuve ? Et comment le burn-out affecte la personne dans son rapport à soi, aux autres, à son travail, à ses ambitions et finalement à toutes les dimensions de sa vie, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. Tentons d’approcher les différents points de vue des acteurs impliqués (ces exemples s’inspirent de faits réels et ont été anonymisés).
Kinésithérapeute de 58 ans, mariée et mère de deux jeunes adultes déjà dans la vie active : la mère.
J’ai vécu une grande partie de ma carrière (25 ans) en profession libérale. J’avais choisi ce statut pour la liberté d’organiser mon temps et surtout pour un cadre de travail plaisant, dans la maison de santé au cœur d’un village du sud de la Seine-et-Marne. Divorcée, j’ai fait le choix pour élever mes enfants, de réduire mes heures et donc mes revenus. En outre, moi ce qui m’intéresse dans mon métier, c’est le soin ; pas d’encaisser des paiements ! Alors un jour, je n’en peux plus et j’accepte un poste dans une structure qui travaille avec de jeunes personnes en situation de handicap physique.
C’est un changement radical mais je m’y adapte très rapidement, le travail en équipe me plait, surtout que nous nous investissons pour les jeunes (rénovation de la salle kiné – avant, les jeunes fuyaient cet endroit puis nous avons été « envahies », victimes de notre succès). Les deux heures et demie de trajet quotidien pour aller et revenir du travail ? Le prix à payer. Je m’y habitue, j’écoute la radio.
L’enthousiasme de ces jeunes, pourtant très malmenés par la Vie, nous fait oublier les difficultés de notre métier et les années passent. Et, … le COVID, une dégradation des conditions de travail : le cuisinier qui part à la retraite n’est pas remplacé et on ne fait plus de vraies pauses déjeuner ; travailler en sous-effectif devient une constante et on tire sur nos propres réserves (« pour les jeunes ! ») ; les réunions de partage de pratiques disparaissent ; les budgets pour se former sont de plus en plus maigres ; les trajets quotidiens deviennent une source stress de plus en plus insidieuse, surtout les mois d’hiver…
Alors, un jour je craque ! Un soir où je suis seule à la maison, je ressens une sensation d’oppression dans ma poitrine, une douleur aiguë dans le dos. A leur arrivée, les pompiers suspectent une embolie pulmonaire et me transfèrent directement aux urgences ! Après une batterie d’analyses médicales, il
ressort que je n’ai « rien de grave ». Mais les jours qui suivent je me sens constamment épuisée et je me demande vraiment pourquoi ?! Je consulte donc mon généraliste qui me connaît bien, il me dit :
- Ne cherche pas… tu fais un burn-out ! ».
- Quoi ?!!! moi ? un burn-out !!?? ». Pourtant c’est un bon médecin, j’ai confiance en lui. Pourquoi il
me dit ça ? Et je dois faire quoi ?! Me reposer peut-être ! Mais mes jeunes, mes collègues… ils
vont devenir quoi ? - Je t’arrête déjà un mois, tu vas prendre ce médicament et tu vas aller consulter ce psy. Tu verras, il
est très bien.
Psychologue militaire, 27 ans : la fille.
- Eh oui maman, il faut que tu te reposes. Si tu veux t’occuper à nouveau de tes jeunes, tu vas d’abord devoir penser à toi. Tu ne te rappelles plus ce qui m’est arrivé il y a 3 ans ?
- Oh si je m’en rappelle ! Tu étais en stage de fin d’études auprès de ce cabinet de soi-disant « experts » de la santé au travail ! Quand tu es arrivée sur ce poste, tes deux jeunes collègues psychologues en CDI depuis 2 ans étaient déjà au bout du rouleau : arrêts maladie sur arrêts maladie, crises de larmes, pression des rendus écrits…
Et toi tu t’es investie à fond pour ce cabinet qui semble confondre « stagiaire » et « bête de somme à bas prix », en 6 mois, tu as fait tellement d’heures de travail, et très vite on t’a confié la responsabilité de missions qui relevaient de consultants expérimentés. Alors oui, je me rappelle avoir été très démunie pour te venir en aide. Tu pleurais pour un rien, dormais des journées entières, tu étais parfois distance, parfois agressive
quand nous essayions de te venir en aide… tu étais prête à tout abandonner alors que tu touchais au but pour obtenir ce master.
Directeur d’un établissement d’enseignement supérieur par l’alternance et en reconversion professionnelle, 51 ans : le beau-père.
Moi aussi j’ai mal vécu de vous voir flancher ! Et ce sentiment d’impuissance face à vos symptômes… Je ne savais dire qu’une chose : il faut te reposer, ça va s’arranger. Ce qui déclenchait au mieux un accord résigné et au pire une affirmation irréfragable comme « mais je ne fais que ça de me reposer ! et je me sens toujours aussi fatiguée… j’en ai marre de me reposer !
Et puis…. Moi aussi ça m’est tombé dessus ! Alors que depuis 7 ans je me débattais en vain pour réorganiser un service sur lequel je n’avais aucune prise, que je me formais pendant mes 4 heures de transport par jour, les dimanches, en vacances et que j’avais commencé à pratiquer mon futur métier de
thérapeute le samedi… j’ai dû gérer en plus tout le quotidien que, toi ma femme, tu prenais en charge depuis tant d’années (faire les courses, préparer à manger, s’occuper du linge, du ménage…).
Notre vie tournait autour du travail, de la formation et des tâches domestiques. Trop peu de temps pour nous, pour notre couple. C’est arrivé d’un seul coup ! Alors que j’étais plutôt fier de tout mener de front. Je ressentais de plus en plus souvent le goût amer de l’inachevé et l’impression de « tout faire à moitié ! ».
Un constat très difficile à vivre pour une personne perfectionniste et idéaliste comme moi. A vouloir exceller en tout, je devenais « bon à rien ». Je devenais de plus en plus distant, voire cynique et toutes les douleurs physiques que je ressentais (maux de tête, tensions dans le dos, douleurs musculaires), je les traitais par l’autohypnose et le paracétamol. Et le COVID m’a séché sur place ! Je suis resté 5 jours entiers au lit. Et une fois, guéri, quand j’ai voulu reprendre… quelque chose en moi criait « non, non, non… je ne PEUX pas y retourner ! ». Je suis allé voir mon généraliste, le même que ma femme. Sans pouvoir rien contrôler, je me suis effondré en larmes dans son cabinet. Et vous l’aurai deviné : même verdict ! Il m’a carrément dit : « je t’interdis d’y retourner ! ». Alors, que retirer de ces récits !
Premièrement, même si l’on nous avertit, même si au fond de nous on le voit venir, à un moment donné, notre corps reprend le contrôle aux dépend de notre volonté consciente. C’est le burn-out, cette phase décrite par Hans SELYE dans les années 30 lorsqu’il travaille sur ce système adaptatif qu’est le stress. Passé la phase d’alarme, celle de résistance dure autant que le corps peut tirer sur ses propres réserves d’énergie et soudain, c’est l’effondrement : la phase d’épuisement. Il n’y a alors qu’un seul remède : le repos (pour reconstituer ses réserves d’hormones corticosurrénales).
D’où l’importance de consulter son médecin généraliste ou un psychiatre, afin de bénéficier d’un arrêt de travail (lorsque l’on est salarié) et éventuellement d’un traitement médicamenteux s’il le praticien de santé le juge nécessaire. On met environ 2 à 3 mois pour sortir d’un burn-out, à partir du moment où l’on a accepté ce diagnostic. Car c’est une étape importante. En effet, le premier réflexe est souvent : « moi ?! un burn-out ?! non, je dois avoir une vraie maladie, je suis tellement épuisé ! ». Eh oui, car contrairement aux idées reçues ce syndrome touche avant tout les personnes motivées par leur travail, consciencieuses, voire perfectionnistes et idéalistes.
Les causes du burn-out sont multiples, et bien souvent, le sens commun amène à les considérer comme des variables individuelles. « Si elle/il a eu un burn-out, c’est qu’il y a un truc qui ne va pas chez elle/lui, une faiblesse, une faille… ». Le problème, c’est que cette donnée est intégrée par la personne elle-même qui ne veut pas être rangée dans cette case « faible ». Ce qui génère souvent de la honte, de la culpabilité, de la tristesse, une perte de confiance en soi et d’estime de soi.
Mais en réalité, les causes sont à rechercher du côté de l’environnement professionnel, plutôt qu’au niveau de l’individu. Des chercheurs américains ont par leurs travaux ont montré que les causes du burn-out pouvaient être « identifiées à partir de six disparités entre les personnes et leur poste (…) : le surmenage, le manque de contrôle, le manque de récompense, la dégradation de l’esprit de groupe, l’absence d’équité et les valeurs conflictuelles » (Maslach C., Leiter M., 2016).
Donc, il est vraiment crucial, en plus du repos physiologique obligatoire, de profiter de ce moment pour prendre du recul sur sa vie, ses projets professionnels et personnels. Une psychothérapie est très utile, quelle que soit la discipline du thérapeute, en plus d’un traitement éventuel par les médicaments.
Pourquoi ? Car comme j’ai tenté de le montrer avec les 3 récits plus haut, la personne en burn-out a déjà beaucoup de mal à s’accepter elle-même dans ce moment de faiblesse, à se comprendre, à ne pas culpabiliser, à chercher moultes tentatives pour se sortir de là… que la communication, avec les proches, avec ceux qu’elle aime peut s’avérer délicate. Et même parfois, les tentatives des proches pour aider la personne prise dans ce mal-être, maintiennent, voire aggravent le problème. C’est bien connu, il vaut mieux ne pas se débattre lorsque l’on est pris dans des sables mouvants.
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