Être parent ici, ailleurs et hier...

Poser un regard curieux et ouvert sur la parentalité dans d’autres cultures et d’autres époques permet de mieux comprendre nos choix de parents d’aujourd’hui, nos certitudes et nos doutes.

20 JANV. 2014 · Lecture : min.
Être parent ici, ailleurs et hier...

Les psys, ses propres parents parfois, les amis, le pédiatre… définissent les règles de ce qu'il faut faire, de comment il faut faire, tant et si bien qu'il arrive que ses propres idées du parent que l'on veut être, deviennent inaudibles.

La science également, multiplie les possibles. Les médias nous permettent de savoir comment ça se passe ailleurs, et les lois sont différentes d'un pays à un autre, par exemple l'insémination artificielle est autorisée pour une femme homosexuelle en Belgique, alors qu'elle est interdite en France.

Tout cela nous ouvre des choix toujours plus nombreux, toujours plus lourds de conséquences au moins imaginaires. On pense aujourd'hui la période de l'enfance comme charnière pour le développement intellectuel, langagier et psychologique des personnes. Au point que dans notre société circulent des idées selon lesquelles tout se joue avant 6 ans. Heureusement non.

Il ne s'agit pas de dresser un catalogue des pratiques parentales bonnes ou mauvaises à copier ou à rejeter. Il s'agit de mieux comprendre comment nous agissons, comment nous pensons et comment nous ressentons le fait d'être mère et d'être père avec notre imperfection, notre droit à l'erreur, au doute et à l'hésitation. Car enfin pourquoi nos enfants nous quitteraient pour aller chercher mieux ailleurs si nous étions parfaits, si nous les comblions totalement, si nous avions toujours et en toute circonstance la bonne réaction ?

La fonction parentale comporte plusieurs dimensions

  • la parentalité biologique : géniteur ;
  • la parenté sociale : celui qui élève au quotidien ;
  • la parenté généalogique : qui inscrit l'enfant dans une lignée.

Quelle que soit l'époque et quel que soit le lieu, deux dimensions de base sont présentes dans toutes les pratiques parentales du monde :

  • l'affection : la sensibilité parentale, le sentiment d'amour, écoute des besoins de l'enfant et le soin apporté ;
  • le contrôle : les règles qui définissent l'autorisé et l'interdit, le négociable et le non négociable.

En analyse transactionnelle, on parle du Parent Nourricier et du Parent Normatif qui peuvent être constructifs, c'est-à-dire aller dans le sens de l'autonomie de l'enfant, ou au contraire l'empêcher en devenant Sauveteur(sur-protecteur, prévenant les besoins, empêchant l'enfant d'aimer ailleurs) ou Persécuteur (multipliant les règlesnon protectrices, sanctionnant violemment les transgressions).

Le lien affectif est universel, c'est une question de perpétuation de l'espèce, mais il ne s'exprime pas partout et de tout temps selon les mêmes modalités. En revanche on observe beaucoup de différences dans les règles et leur application.

L'amour et le soin

Au Moyen-Âge, l'amour que les parents portent à leurs enfants s'observe en particulier lorsque ces derniers viennent à décéder : les pères vont jusqu'à déménager et à fermer la maison pendant plusieurs mois pour tenter d'oublier,les femmes pleurent des jours durant… "Il est fou celui qui s'efforce d'empêcher la mère de pleurer la mort de son enfant jusqu'à ce qu'elle soit bien vidée de ses larmes et soûlée de pleurer", écrit un grand bourgeois parisien à la fin du XIVe siècle. "Alors seulement il est temps de la réconforter et d'adoucir sa douleur par de douces paroles."

Une psychologue anthropologue a comparé les pratiques parentales dans certaines régions du Cameroun, en Inde, en Grèce et en Allemagne et au Costa Rica.

Les mamans ont les mêmes comportements envers leur enfant de 3 mois : la même dispensation des soins, la même proximité physique, les mêmes sollicitations pour prendre des objets et les manipuler, les mêmes interactions en face à face. En revanche ce qui est différent tient à la durée de chacune de ces pratiques. Ainsi l'interaction de face à face est plus longue en Occident qu'en Afrique et en Inde. En Afrique, le temps de proximité physique est plus long : les enfants sont portés plus longtemps pendant les activités quotidiennes des mères.

La sensibilité maternelle, la capacité à percevoir et à répondre rapidement et adéquatement aux signaux de détresse de son enfant est la même partout. Les mères japonaises attirent l'attention vers elles alors que les mères allemandes détournent l'attention du bébé vers un objet. Les premières réagissent plutôt avant (proactif), les secondes plutôt après (réactif). L'objectif est le même : rassurer et sécuriser l'enfant.

Dans la dispensation des soins, l'allaitementnaturel tient une place particulière : en Norvège et Suède, 98% des mères allaitent leur bébé dans les premiers mois et 50% dans la première année. En France le taux est le plus bas d'europe avec 50% au premier mois.

La famille

Dans beaucoup de sociétés aujourd'hui, les enfants sont mis au monde pour aider à subvenir aux besoins de la famille. C'est un ingrédient du lien parent/ enfant très différent de notre ici, l'utilité de l'enfant dans la famille.

Dans beaucoup de cultures et notamment en Afrique, on considère qu'à partir de 7 ans l'enfant est assez responsable pour s'occuper de ses frères et sœurs en l'absence de ses parents : les faire jouer, donner à manger, veiller leur sommeil. En Afrique on dit qu'il faut tout un village pour éduquer un enfant.

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En Birmanie, au Laos, au Vietnam et en thaïlande, les petits garçons entre 7 et 9 ans partent vivre dans un monastère entre 7 jours et 3 mois. Ils partagent la vie des prêtres, apprennent l'humilité et la frugalité. Ils prennent un bol de riz et des fruits le matin avant la prière puis ils partent mendier leur nourriture. Il s'agit de se souvenir adulte que rien n'est jamais acquis dans la vie et que l'on doit rester maître de soi malgré la faim.

Au Moyen-Âge, la famille est nombreuse : jusqu'à huit ou dix enfants. Cette famille "nucléaire" n'est pas plusstable que celle d'aujourd'hui, non à cause du divorce (interdit par l'Église) mais par la mort qui sépare les familles : le père décède souvent avant la mère, obligeant celle-ci à se remarier pour nourrir sa progéniture.

La plupart des enfants habitent donc avec un beau-père ou une belle-mère. Le père a la responsabilité d'élever et de protéger les enfants. À chaque nouvelle naissance, il est particulièrement sollicité, car la mère, rendue impure par son accouchement et les suites de couches, est soumise à une obligation sociale et religieuse qui la contraint à garder le lit entre trente et quarante jours après la naissance, jusqu'à ses"relevailles", sa purification à l'église. Pendant cette quarantaine, le père trop pauvre pour entretenir une servante – ce qui est le cas de la majorité des familles rurales ou artisanes – doit continuer son activité professionnelle tout en assurant la totalité des tâches domestiques : le ménage, les courses, l'épuisant approvisionnement en eau, la cuisine, sans omettre lessoins des enfants déjà nés. La mère assure, avec l'aide des aînés, voire d'une nourrice, le gros des soins aux tout-petits, qui demeurent longtemps dépendants d'elle en raison d'un allaitement de longue durée.

Elle transporte le dernier-né partout grâce à un porte-bébé en tissu ou en bois, ou à un petit berceau qu'elle porte sur la tête. La mère assume aussi des rôles qu'on aurait cru réservés au père. Elle est chargée de l'éducation morale et de l'instruction cathéchistique. Les enfants ont peu de contacts avec leurs grands-parents qui habitent souvent dans une ville différente ou sont décédés depuis longtemps. Les oncles et les tantes contribuent également à leur éducation.

Dans les milieux aristocratiques, les oncles, notamment maternels, assurent la formation chevaleresque de l'enfant.On connaît moins leur rôle dans les milieux modestes. Quand une famille ne peut s'offrir le luxe d'une nourrice, la garde des tout-petits est alors confiée aux aînés, garçons ou filles, parfois dès 3 ans. Selon leur âge, il peut s'agir d'une responsabilité de quelques minutes ou de quelques heures. Le premier-né, évidemment, n'a pas cette chance; la mère doit se résoudre à le laisser à la maison sous la protection d'un saint… Ces pratiques peu fiables sont la cause d'accidents domestiques variés qui entraînent la mort de nombreux enfants.

Dans un monde où les pères laissent souvent des enfants orphelins, l'établissement de bonnes relations entre frères et sœurs est une obligation de survie. Face aux tâches de la vie domestique, garçons et filles sont sur le même plan. C'est leur rang dans la fratrie qui leur confère leur rôle social; l'aîné, quel que soit son sexe, est toujours investi d'une responsabilité de type parental.

L'adolescence

La fin du parentage n'est pas la fin du lien, c'est la fin du soin.

  • Dans la Rome antique : L'âge légal minimum du mariage est de 12 ans pour les filles, 14 ans pour les garçons, mais ceux-ci se marient en général vers 20 ans.
  • Dans l'Antiquité : on devient adulte à 14 ans, les filles se préparent à se marier et avoir des enfants, les garçons àla vie publique. Les enfants d'esclaves deviennent esclaves.
  • Au Moyen âge, 10-11 ans est une phase charnière, juste avant l'âge adulte. En Europe occidentale, c'est l'âge de la majorité pour les filles et celui d'une pré-majorité pour les garçons. Ainsi, 12 ans est l'âge minimum pour prêter serment et le témoignage d'un jeune de cet âge est jugé recevable dans une affaire criminelle.

Les attentes d'autonomie (choisir seul ses vêtements, définir son emploi du temps) sont plus tardives chez les chinois que les américains. En cas de difficulté et de conflit, les parents latins et asiatiques vont plus chercher à se faire obéir alors que les parents américains et européens ont des méthodes plus inductives, cherchant ensemble la solution au problème, favoriser la discussion et l'implication de l'adolescent. Les cultures asiatiques, africaines, latines sont plus exigeantes pour les tâches et obligations familiales.

Aujourd'hui dans notre société, on parle d'adulescence pour des personnes qui restent enlisés dans l'adolescence jusqu'à la trentaine.

Le jeu

  • le jeu est principalement exploratoire (manipulation d'objets) en Amérique et en Europe. Il met l'accent sur laréussite individuelle, sur l'exploration de son environnement et sur l'action sur l'environnement, il développe l'autonomie.
  • le jeu est plus souvent symbolique (jouer des situations imaginaires)par exemple en Argentine et au Japon. Ce sont des sociétés plus collectivistes qui mettent plus l'accent sur l'interdépendance et sur les relations interpersonnelles.

Le sommeil

Dans beaucoup de pays les familles vivent dans une seule pièce. Dans beaucoup de pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique du Sud, il est inconcevable pour la mère de se séparer de son bébé pour dormir. Les enfants dorment avec un adulte. Le sommeil n'est une activité privée que dans les sociétés occidentales industrialisées.

Chez les Maoris, en Nouvelle Zélande, les mères réveillent doucement leurs enfants avant d'aller à l'école car leurs croyances disent que l'esprit quitte le corps pendant le sommeil, il faut donc lui laisser le tempsde le réintégrer correctement. En France beaucoup d'enfants sont réveillés tôt pour courir chez une nourrice ou à l'école.

Conclusion

Beaucoup de choses dans l'être parent ne dépendent pas de nous, tels que :

  • la richesse du pays,
  • la taille des habitations et le nombre de pièces,
  • un mode de vie rural ou urbain,
  • l'espérance de vie et les liens entre les générations,
  • le système scolaire : obligation scolaire, besoin d'argent et nécessité dutravail des enfants, durée de la scolarisation,
  • le nombre d'enfants par famille,
  • le système de santé, conditions d'hygiène, mortalité infantile,
  • les lois qui régissent les liens familiaux (autorisation des divorces, autorisationdes mariages ou de l'adoption pour les couples homosexuels, etc).

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Pour les autres questions il y a nos choix, nos grands choix : le nom que portera l'enfant, le mode d'accouchement, l'accompagnement de l'école, les valeurs que nous voulons transmettre ; et nos petits choix, si nombreux, et que nous n'avons pas toujours l'impression de maîtriser : nos réactions quand il ne veut pas manger, quand il pleure, quand il embête son petit frère…

Parfois ces choix nous ressemblent et nous sommes d'accord pour répondre de leurs conséquences. Mais il arrive que nous nous comportions comme nos parents le faisaient avec nous, ou comme la tradition, la culture, l'époque nous l'édicte…Regarder autour de nous pour comprendre, prendre conscience et accorder nos actes à nos valeurs nous permet d'être des parents plus heureux.

Références principales : HALMOS. Claude : Pourquoi l'amour ne suffit pas, Nid Eds, 2006

http://www.attachmentacrosscultures.org/francais/recherche/

http://classes.bnf.fr/ema/famille/

Photos : Pixabay

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Écrit par

Nathalie Francols

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