Faut-il renoncer à sa liberté pour être heureux ?

On ne peut pas être esclave et heureux. Pourtant de nos jours le bonheur a pris le masque de la sécurité.

19 SEPT. 2017 · Lecture : min.
Faut-il renoncer à sa liberté pour être heureux ?

Aujourd'hui le bonheur est un moyen privé par lequel on peut jouir d'un certain nombre de choses, de biens matériels ou de spectacles, et même d'humains transformés en instruments ou encore en spectacles. Tout le monde aspire au bonheur, et le bonheur, d'après les anciens, est inséparable de la liberté et notamment de la liberté politique, qu'on nomme aussi la liberté du citoyen. Ainsi on ne peut pas être un esclave heureux, l'esclave étant un instrument animé. Sommes-nous donc autre chose aujourd'hui que des instruments animés ?

Cette liberté dont nous parlons n'englobe pas seulement la liberté de se mouvoir, de jouir de ses biens mais cette liberté est inséparable aussi de la liberté politique, qui se réfère à la dignité du citoyen. Les commerçants, les artisans ne pourraient donc pas être libres car ils sont intéressés. Et à partir du moment où ils sont intéressés, ils ne peuvent pas être heureux. Il n'y a donc pas de liberté s'il y a une logique d'économie, et on ne peut pas être heureux s'il y a une logique d'économie.

La recette du bonheur : dignité, liberté et reconnaissance

Pour pouvoir être libre, heureux et digne, il faut la reconnaissance des autres, de nos semblables. Le tyran ne peut donc pas, en définitive, être libre.... Pour être heureux, il faut donc trois choses : être digne, être libre et avoir de la reconnaissance.

Une société de l'égalité de droits politiques suppose aussi qu'on ait suffisamment de temps pour réfléchir à la finitude de la condition humaine, sur notre rapport à la mort. On n'est pas libre si on n'a pas le temps libéré pour pouvoir penser philosophiquement le rapport à l'existence humaine qui implique la reconnaissance de sa finitude.

shutterstock-398480584.jpg

Le temps libre dont nous disposons aujourd'hui est le temps libéré de notre travail. Mais ce temps libéré est devenu un temps occupé. Nous l'occupons à faire nos loisirs, divertissements, qui visent à nous faire oublier la finitude de notre existence. Nos loisirs sont très souvent séquencés, modélisés de la même manière que notre travail. Combien de temps passons-nous réellement à ne rien faire ?

Nous faisons face à un quadrillage du temps, des relations sociales, pour répondre à des normes (faire l'amour 4 fois par semaine, dormir dans telle position, manger 5 fruits et légumes par jour, etc.). De la même façon, nous subissons une inflation des lois et une normalisation des mœurs. La loi est maintenant une manière d'organiser nos existences alors qu'elle était présente à la base pour marquer des interdits. Les normes, au fil du temps, s'accroissent et avec, l'idée que ça protège de désagréments, de méfaits.

Notre bonheur a-t-il besoin de normes ?

Le bonheur passe-t-il alors par des normes que l'on nous impose ? Le bonheur a non seulement une dimension politique (via notre liberté) mais aussi une dimension spirituelle. Le bonheur dépend surtout de chacun d'entre nous car nous sommes des êtres responsables.

Il faut savoir aussi que notre droit au bonheur est inaliénable, c'est-à-dire qu'il est mis au même niveau que notre droit à la vie et notre droit à la liberté. Les gouvernements politiques doivent donc trouver leur légitimité dans leur capacité à installer les conditions du bonheur de leurs citoyens. Un gouvernement qui n'offre plus ces conditions de bonheur peut se faire renverser. C'est implicite et c'est un point considérable dont il faut se rappeler.

On va donc passer petit à petit passer du bonheur publique au bonheur privé. Pour la démocratie, la bonne décision, la vérité va résulter d'une confrontation entre les arguments de citoyens égaux. On ne connaît pas la bonne décision en amont du débat mais en aval, c'est une décision à laquelle tout le monde adhère.

shutterstock-520010704.jpg

La société de consommation mène-t-elle au bonheur ?

Être heureux aujourd'hui revient à trouver la technique qui va me permettre de me procurer ces objets. La consommation de ces objets est véritablement la fabrique des objets de sujets humains. L'homme se fabrique en fabriquant, et ce fabricant fabrique un type d'humanité. Une imposture qui va jusqu'à produire des produits financiers qui sont des virtualités abstraites. L'économie elle-même est financiarisée sur un mode spéculatif ou elle crée des fantômes d'objets, des fantômes de spéculation. Ces choses-là affectent la manière dont nous voyons le bonheur.

La passion de se faire une meilleure place pour vivre dans ce monde a modifié le monde, mais a également eu pour conséquence qu'au cours de ce processus d'amélioration tout le monde a oublié ce que "To live" veut dire. On veut se faire une meilleure place pour vivre mais on ne sait plus ce que vivre veut dire. On peut vivre aujourd'hui dans le meilleur des mondes possibles tout en ayant perdu le sens de la vie elle-même. Une problématique à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés : dans cette raison instrumentale on a laissé de côté une chose - le monde des valeurs.

shutterstock-556266412.jpg

Victimes de la société de consommation ?

Ce rationalisme morbide a pour conséquence de générer des mouvements qui le suivent comme son ombre : les mouvements terroristes. Cette force d'opposition vient faire objection à ce découpage purement rationnel. Les choses ne sont pas dissociées, ce sont des manières opposées de donation des objets, des êtres vivants dans le monde. Un lien indissociable entre le pouvoir et la manière dont d'autres pouvoirs résistent à ce pouvoir. Ces formes de résistance montrent ce que ce pouvoir a laissé de côté et ce qu'il a fait prévaloir.

Le bonheur n'est donc plus qu'une rhétorique au nom de laquelle on exige une soumission sociale à laquelle on a librement consenti. On exige une manière de se comporter pour que l'on soit heureux, ce qui aboutit à une perte de substance spirituelle et politique considérable.

"J'ai reconnu le bonheur au bruit qu'il faisait en partant.", Jacques Prévert

Alors, d'après vous, doit-on renoncer à sa liberté pour être heureux ?

Photos : Shutterstock

D'après Roland Gori, professeur de psychopathologie clinique à l'Université d'Aix Marseille et psychanalyste membre d'Espace analytique

PUBLICITÉ

psychologues
Écrit par

Psychologue.net

Notre comité d'experts, composé de psychologues, psychothérapeutes et psychopraticiens agréés, s'engage à fournir des informations et des ressources précises et fiables. Toutes les informations sont étayées par des preuves scientifiques et contrastées pour garantir la qualité de leur contenu.
Consultez nos meilleurs spécialistes en développement personnel
Laissez un commentaire

PUBLICITÉ

Commentaires 1
  • ROZELYNE751

    Je suis veuve et ai 67 Ans, j'ai l'impression d'être tiraillée et d'être commandée comme une petite fille, je ne me sens absolument pas sure de moi ! J'ai peur en permanence, je me sens "Engrillagée" ...... Tout me fait Peur ! Merci de me rassurer ! Que dois-je faire pour m'en sortir ?

derniers articles sur développement personnel

PUBLICITÉ