Grandir avec un parent narcissique : Projection du mal et intégration de la honte

Cet article examine les dynamiques des relations codépendantes et narcissiques en analysant les contes l’Enfant de Marie, Blanche-Neige et La Petite Sirène. Il explore également les conséquences de devoir porter l'ombre d'autrui.

25 NOV. 2024 · Lecture : min.
Grandir avec un parent narcissique : Projection du mal et intégration de la honte

Le conte de l'Enfant de Marie illustre les effets destructeurs de grandir avec une figure parentale narcissique. L'histoire raconte comment une jeune fille de 14 ans, enlevée à l'âge de 3 ans et surprotégée tout en étant négligée par la Vierge Marie au Ciel, est cruellement punie pour sa désobéissance et son mensonge. Chassée du paradis et abandonnée dans la forêt, elle incarne les enfants victimes d'abus narcissiques, utilisés comme de simples extensions de leurs parents, sans reconnaissance de leur individualité, de leurs besoins ou de leurs droits propres.

Pour plus d'information : lire d'abord "Grandir avec un parent narcissique : Préparation à l'échec". https://www.psychologue.net/articles/grandir-avec-un-parent-narcissique-preparation-a-lechec

La jeune fille du conte est abandonnée dans la forêt, sans aucun contact humain ni chaleur. Contrairement à Blanche-Neige, qui avait les nains pour l'accompagner, l'enfant de Marie est totalement isolée, accablée par la culpabilité et la honte.

Cependant, elle se trouve enfin sur Terre, qui lui offre abri, nourriture et chaleur. L'arbre creux, symbole de la Mère Terrestre, la protège, et les racines ainsi que les baies sauvages lui fournissent bien plus que les douceurs du paradis. En cherchant sa propre nourriture, elle devient plus forte et apprend à subvenir à ses besoins, abandonnant les vêtements dorés, désormais usés, du ciel.

Elle découvre sa nature sauvage, fait l'expérience des plaisirs de son corps, et c'est alors qu'un Roi la trouve. Fasciné par sa beauté, il l'invite à son château, et après quelque temps, ils se marient.

Cependant, ce mariage semble menacé. Lorsqu'il lui demande de le rejoindre, elle ne peut répondre, car Marie lui a enlevé sa voix. Cela rappelle le conte de La Petite Sirène, où Ariel sacrifie sa voix pour vivre sur terre et gagner l'amour du Prince, mais se retrouve incapable de montrer qui elle est vraiment.

Symboliquement, l'enfant de Marie ne peut établir de relations profondes tant qu'elle reste muette. Leur amour demeure superficiel, fondé sur des apparences et des projections, sans possibilité de véritable connexion.

Mais la vie continue, et un an plus tard, elle donne naissance à un fils, un attachement qui ne nécessite pas de voix. C'est alors que sa mère de substitution, Marie, intervient, lui proposant de retrouver sa voix en échange d'une confession sur sa désobéissance à l'origine de son expulsion, tout en menaçant de lui enlever son bébé si elle refuse.

En mentant à nouveau, la reine perd son enfant et son entourage, ne comprenant pas où est passé le nouveau-né, la perçoit comme une ogresse mangeuse d'enfants. Un an passe et la situation se répète.

Un autre an s'écoule, et elle donne naissance à une fille, mais elle ne peut toujours pas assumer ses responsabilités, ou en d'autres termes : intégrer son ombre, et perd ainsi son troisième enfant. Cette fois, même le roi ne peut la sauver. Comme elle ne peut pas parler et se défendre, elle est condamnée au bûcher pour avoir mangé ses enfants.

L'amour du roi sauve la reine à deux reprises, mais il ne peut la protéger une troisième fois. Cela rappelle l'histoire de Blanche-Neige, sauvée par les nains à deux reprises, mais qui ne parvient pas à échapper à la sorcière lors de sa troisième attaque empoisonnée.

L'erreur de Blanche-Neige est claire : consciente de la menace de la sorcière, elle aurait dû se méfier de la pomme de l'inconnu. Sa leçon porte sur le discernement, c'est-à-dire apprendre à identifier le mal et à s'en protéger.

Tant que nous ne prenons pas conscience de notre propre ombre, nous ne pouvons ni l'identifier chez les autres ni nous prémunir contre leur cruauté. Nous restons vulnérables aux personnes qui nous nuisent jusqu'à ce que nous apprenions cette leçon essentielle. Même après avoir rompu le lien avec notre parent narcissique, son poison persiste, contaminant nos pensées et nourrissant cette petite voix intérieure qui nous critique.

L'erreur de l'enfant de Marie réside dans son refus d'assumer la responsabilité de ses actes en continuant à mentir. Elle ne re-connaît pas non plus sa propre ombre. Cependant, ce n'est pas parce qu'elle est innocente, comme Blanche-Neige, qui ne connaît pas le Mal. Au contraire, l'Enfant de Marie porte en elle le Mal de son parent narcissique, croyant que c'est son propre Mal.

Son entêtement, illogique au point de la conduire à la mort, s'explique par la projection : tout comme un enfant ne s'attend jamais à ce que ses parents soient mauvais, elle ne pouvait imaginer que sa mère de substitution agirait avec tant de cruauté. Ainsi, chaque punition, quelle que soit sa sévérité, lui semble méritée. Elle vit alors la part perverse de son parent narcissique, persuadée qu'elle est têtue et mauvaise, justifiant inconsciemment sa propre souffrance sur le bûcher.

Les enfants de parents narcissiques peuvent développer une conviction intérieure de leur propre malice, se manifestant par des symptômes physiques, des comportements autodestructeurs, des sabotages dans leur carrière, des relations dysfonctionnelles, un perfectionnisme extrême et des difficultés à poser des limites, car ils ne connaissent pas leur propre valeur. Ces schémas peuvent se transmettre de génération en génération, perpétuant un cycle de souffrance et de honte.

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Écrit par

Peggy Vermeesch

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Bibliographie

Peggy Vermeesch (2023). Peut-on être envahi par l'ombre maléfique d'un autre ? Espace Francophone Jungien.

The Original Folk and Fairy Tales of the Brothers Grimm : traduction anglaise de 2014 par Jack Zipes à partir des deux premières éditions des Contes de l'enfance et du foyer des frères Grimm de 1812 et 1815.

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