Il n'y a rien ce soir à la télé !

« Y a rien ce soir à la télé ».... qui n′a pas prononcé ou entendu cette petite phrase qui tombe comme un couperet quand il s′agit de meubler sa soirée.

5 FÉVR. 2019 · Lecture : min.
Il n'y a rien ce soir à la télé !

« Y a rien ce soir à la télé ».... qui  n′a pas prononcé ou entendu cette petite phrase qui tombe comme un couperet quand il s′agit de meubler sa soirée. Et pour cause, avec 150 chaînes, la vidéo à la demande, les séries en illimité, le replay, les enregistrements.... c′est sûr qu′il n′y a pas grand chose à se mettre sous les yeux  !  Aussi varié que de regarder sa lessive tourner derrière le hublot de la machine à laver.

Et après ça quelle soirée, puisque dès lendemain on nous dira (ou nous dirons)  sur un ton blasé : « j′ai rien fait hier soir .... j′ai regardé la télé ». Par contre, qu′une panne d′électricité nous prive vingt minutes de notre lucarne magique ou qu′une grève surprise nous fasse rater le tirage du Loto, et là c′est panique à bord avec menace de ne plus payer la redevance.

Bon, on l′aura compris. Au pays de Descartes, nous ne sommes pas à un paradoxe près. Quand on ne sait pas quoi faire de sa soirée on regarde la télé, sachant que de toute façon y aura rien à voir à la télé. Élémentaire mon cher Watson !

Demandez le programme

Pis, il n′y a pas si longtemps un sondage demandait à un panel de téléspectateurs de porter un jugement sur les programmes de télévision, leurs souhaits, etc.....

Résultats : une écrasante majorité classait ces programmes en deux catégories : d′un côté ils déploraient des émissions commerciales, les jeux de fric, la télé-réalité débile, la pub omni-présente... et de l′autre déclaraient préférer les émissions de qualité faites de documentaires, émissions culturelles, débats de société.

Or la même semaine, les mêmes téléspectateurs étaient sondés pour savoir ce qu′ils avaient effectivement regardé. Et là , (demi)-surprise !, ce même panel avait très majoritairement regardé .... les émissions jugées commerciales et débiles.

Comme quoi le décalage est là entre nos attentes déclarées et nos choix effectifs. Mais plus largement tout cela en dit long sur notre manière de nous situer par rapport à tout ce que nous donnent en permanence les médias et en définitive, par rapport à tout ce qu′on nous pousse à consommer.

shutterstock-235690564.jpg

La télé... mais aussi tout le reste

Car finalement le propos ici n′est pas tant la télé que notre manière de combler nos envies de consommation en général via la profusion qui nous est imposée.

En quelques années, avec la multiplication des offres des chaînes de télévision, Internet, Youtube..., la généralisation des smartphones qui permettent de savoir depuis son canapé ou depuis n′importe où et de manière quasi instantanée, ce qui se passe à l′autre bout du monde, jamais dans l′histoire nous n′aurons été confrontés à une telle masse d′informations. Sans oublier le bourrage de crâne avec les fake-news depuis que tout un chacun peut dire tout et n′importe quoi, soit de manière caricaturale (plus c′est gros, plus ça passe) soit en revêtant de manière opportuniste l′habit d′un expert qui va délivrer depuis son clavier les pires inepties. Et si on ajoute la possibilité de savoir d′un simple clic tout ce qui est à vendre sur la planète, le vertige nous prend.

Au secours, je me noie

Nous voici donc en ce début de siècle confrontés à une nouvelle source de désarroi. Alors que nos grands-parents se contentaient de ce qui se présentait, étaient heureux de découvrir avec seulement une ou deux chaînes leur Journal Télévisé, un film le dimanche soir, quelques variétés en semaine.... nous voilà désarçonnés quand vient le moment de faire des choix. Heureusement pour nous, la multiplication récente des écrans dans une même famille évite le plus souvent les engueulades pour savoir si on va regarder la finale de foot ou l′épisode 3 saison 5 de Joséphine ange gardien. Néanmoins l′offre est devenue tellement pléthorique, si ce n′est en qualité du moins en quantité, que nous sommes bloqués lorsqu′il faut enfin se décider. Souvent on abdique avec ce fameux : « y a rien à la télé »

Que ce soit avec un célèbre moteur de recherche sur Internet, dans un hypermarché, sur les sites de ventes en ligne.... qu′un étudiant cherche une info pour réaliser un exposé, qu′une famille cherche où passer ses vacances au meilleur prix, on passe son temps à faire le tri avant de se lancer. Résultat des courses, l′impression après coup de ne pas avoir forcément fait le bon choix, qu′on est sûrement passé à côté de quelque chose de mieux.....que si on avait attendu une semaine de plus on aurait eu droit à la promo, et que... et que... tout cela ne facilite pas la tâche pour peu qu′on soit du genre perfectionniste tendance obsessionnel.

Force est de constater que notre rapport à la consommation s′est progressivement inversé. Alors qu′autrefois il fallait se creuser la tête pour avoir un maximum de choix, maintenant on se prend la tête à en éliminer le plus possible.

shutterstock-1272185191.jpg

D′accord, c′est vrai qu′avoir l′embarras du choix n′est pas si désagréable après tout, aussi bien pour la télé que pour toutes nos envies de consommation. Et penser que « c′était mieux avant » fait un peu vieux beauf réac′. Mais il y a le revers de la médaille : quand beaucoup d′entre nous n′ont pas l′embarras du choix pour la simple raison qu′ils ne peuvent pas choisir. Quand ils doivent se décider entre le paquet de pâtes et le gigot d′agneau, entre le kilo de cerises et le pack de yaourts, entre le coiffeur et une paire de lunettes, le « choix » est vite fait. Entre l′offre pléthorique et les besoins essentiels, pas de dilemme cornélien pour eux, c′est la survie qui est en jeu. N′ayant pas accès aux promesses d′un monde d′opulence pensé pour eux, les laissés-pour-compte sont contraints de penser le monde en se débrouillant avec les moyens du bord.

Finalement cette profusion de possibilités parmi toutes les offres de consommation nous rend-elle plus heureux et plus libres pour autant ? Ne serait-il pas temps de revoir là où on veut placer le curseur entre le superflu et le nécessaire ? Ne faudrait-il pas de temps en temps relativiser un peu nos frustrations quand l′abondance qu′on nous inflige à longueur de temps finit par tuer nos propres désirs ?

Sommes nous encore en capacité de désirer - par et pour - nous-mêmes ?

« Y a rien à la télé... » avez-vous dit ? C′est quand même moins dramatique que lorsqu′il n′ y a rien dans le frigo.

Photos : Shutterstock

PUBLICITÉ

Écrit par

Maurice Gaillard

D.E.S.S PSYCHOLOGUE & Victimologie - Après une longue expérience auprès des personnes en difficulté professionnelle, il s’est spécialisé dans l′aide aux victimes pour élargir ensuite sa pratique à toutes les personnes en souffrance ou ayant besoin de faire le point sur des moments clefs de leur vie.

Consultez nos meilleurs spécialistes en
Laissez un commentaire

PUBLICITÉ

Commentaires 1
  • Ludovic decaix

    On est en droit d avoir un programme de qualité avec leur télé réalité de m .... Avec candidat qui ont 2 de QI ensuite leur émission débile qui n intéresse personnes sans compter leur redif , alors oui on est en droit de demander un programme de qualité il nous pompe avec leur taxe audiovisuelle on n'a le droit d avoir un programme de qualité

derniers articles sur actualités

PUBLICITÉ