La dépression de la personne âgée

Le vieillissement physique de la personne âgée peut-il entrainer une dépression ? Existe-t-il d'autres facteurs qui peuvent entrainer une dépression de la personne âgée ?

1 FÉVR. 2016 · Lecture : min.
La dépression de la personne âgée

La dépression de la personne âgée peut s'exprimer par des comportements tels qu'un faciès figé, un regard fixe, une certaine lenteur dans la coordination des gestes. La personne présente généralement une apathie, un manque d'intérêt et le sommeil devient alors un lieu de refuge. Elles expriment souvent des idées suicidaires du fait qu'elles ne perçoivent généralement pas qu'une guérison est possible et qu'elles ne souhaitent plus être une charge pour les leurs. Malgré le fait d'avoir conscience de ses troubles, la personne âgée déprimée semble avoir peur de tout, semble être paralysée, se replie sur elle même et refuse de participer à toutes activités, de rencontrer d'autres personnes.

Le vieillissement : un changement 

Le vieillissement de la personne impose des changements et obligera la personne à y faire face. Il y a dans un premier temps, le vieillissement physique avec son lot de douleurs somatiques, de dégénérescence sensorielle (vue, ouïe principalement) qui peuvent de fait isoler la personne. Le risque de dépendance impose un choc psychologique et la personne âgée sera confrontée à accepter une succession de pertes et deuils. D'autres facteurs peuvent également être à l'origine ou induire une dépression telle que le changement de lieu d'habitation, d'entrée en structure telle que les maisons de retraite, une chute, une hospitalisation, l'isolement géographique, la perte de ses proches ou d'une dépendance financière.

Il semblerait que la dépression soit due au fait que la personne âgée soit confrontée à tellement de deuils et de pertes qu'elle n'aurait peut-être pas le temps de tous les élaborer psychiquement. C'est alors au moment ou la personne ne présente plus d'énergie suffisante pour faire face que la dépression semble s'installer.

Se pose alors la question : quels sont les éléments différenciateurs qui permettent de faire la distinction entre une crise liée au vieillissement et un état dépressif ? Existe-t-il une causalité ? Et comment les identifier ?

Des échelles ont été développées pour repérer certains signes de la dépression. Du fait des pathologies cognitives de type Alzheimer, Fronto Temporal ou des accidents vasculaires cérébraux ont des incidences sévères sur la capacité de la personne à exprimer ses ressentis, les échelles sont à différencier en fonction des capacités restantes. Ainsi l'échelle GDS est employée pour des personnes pouvant s'exprimer, l'échelle NPI et Folstein sont réservés pour effectuer un bilan cognitif et pour des personnes présentant des démences apparentées.

Pour répondre aux différentes questions précédentes, c'est dans l'anamnèse de la personne qu'une recherche d'une dépression antérieure doit être recherchée ou un passé chargée d'événement traumatique. Il est également important de prendre en considération tout changement brutal comme une perte d'autonomie, de pathologies invalidantes ou un changement de comportement tel que le refuge dans l'alcool. Un risque iatrogénique peut également causer un épisode dépressif par l'utilisation de certains médicaments dans des pathologies de type parkinson, cancer, etc.

Plusieurs formes de dépression

La dépression de la personne âgée est complexe dans la mesure où il existe en différentes formes.

La dépression masquée sans trouble de l'humeur est sans doute la plus difficile à repérer du fait de l'absence de tristesse et un déni des sentiments. Ce n'est que par le repérage de troubles somatiques à répétition et par la présence de troubles du sommeil qui deviennent prédominants, qu'un diagnostic de dépression masquée pourra être établi.

Une autre forme de dépression est extrêmement difficile à prendre en charge en dehors d'une structure spécialisée. Il s'agit de la dépression à caractère mélancolique. Il s'agit d'une urgence vitale, car le risque de suicide est très élevé. Il y a une présence d'un ralentissement somatique et l'hospitalisation en structure spécialisée est une nécessité. Généralement, un syndrome de glissement est présent. La personne se trouve dans un mutisme, refuse de s'alimenter et de se lever.

Le syndrome de Cotard est également une forme clinique extrême d'une dépression anxieuse. La personne a le sentiment de n'avoir plus d'organes ou elle sent que ses organes se putréfier et se détruire. Ce syndrome associe une anxiété extrême, des hallucinations, des automutilations. Ce délire de dénégation fait qu'elle nie sa propre existence et a le sentiment de ne plus avoir d'âme. Quelques fois, la personne croit être condamnée à la souffrance éternelle en regard du prix qu'elle doit payer pour ses pêchés.

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Si aucun repérage ni aucune prise en charge de la dépression ne sont faits, le risque de suicide est très important. Cependant, il est à noter que très peu de structure et professionnels sont formés à repérer les signes d'une crise suicidaire, et ce bien que le gouvernement ait mis en place un plan adapté.

Quels sont alors les moyens de prise en charge d'un épisode dépressif ?

C'est en fonction des antécédents médicaux qu'un traitement peut être mis en place. Les antidépresseurs sont efficaces dans le traitement de la dépression. Cependant, certaines personnes sont résistantes aux différents traitements. C'est pourquoi la sismothérapie a été développée en hôpitaux psychiatriques. Elle est efficace chez le sujet âgé dans les dépressions sévères, mélancoliques ou résistantes aux traitements antidépresseurs.

Pour les personnes ne présentant pas de résistance aux traitements, le rôle du psycho-analyste clinicien en structure est également d'accompagner ce traitement médicamenteux par des thérapies qui peuvent être individuelles, groupales ou systémiques. Ils ont à leur disposition, une palette de thérapie qu'ils pourront adapter en fonction de la situation de la personne.

La thérapie comportementale et cognitive est particulièrement adaptée aux cas de dépressions. Il s'agit pour le thérapeute d'aider la personne, à repérer que ses schémas de pensées dysfonctionnels et par par la suite en changer le comportement. Aaron Beck a été l'initiateur de cette thérapie et a permis à de nombreuses personnes de sortir de l'état dépressif. Il a élaboré dix schémas de pensées négatives, à travailler sur l'apathie et les moyens de s'en sortir ainsi que sur la colère qui est associée à ces états. L'avantage de ce type de thérapie est qu'elle est basée sur l'ici et maintenant et qu'elle est brève sur le nombre de séances. Grâce aux systèmes de repérage et de changement de comportement, la personne sera en mesure de changer sa manière de penser et d'agir.

L'entretien en individuel est souvent l'occasion qui permet à la personne âgée d'évoquer certains points qu'elle ne souhaite pas évoquer en thérapie familiale, car elle ne souhaite pas faire de la peine à ses proches et ne souhaite pas exprimer devant eux son désir de mourir.

Cependant, la thérapie systémique permet souvent de faire comprendre aux membres de la famille qu'ils ont tendance à surprotéger, à infantiliser la personne âgée. Cela s'explique par le fait de l'incapacité d'acceptation par l'entourage de la diminution des capacités et de la régression de leurs proches.La dépression étant très souvent mal vécue, car il est très difficile de comprendre et de se mettre à la place de la personne âgée pour comprendre ce qu'elle ressent. De plus, se joue également un « effet miroir » de sa propre régression et de la mort. Personne ne souhaite être confronté à une perte d'autonomie. C'est d'ailleurs pour cela que les structures de type EHPAD ont mauvaise réputation dans l'opinion publique malgré une prise en charge de qualité.Et personne ne souhaite être confronté à sa propre mort alors que la pulsion de conservation est plus importante.La thérapie familiale permet d'identifier les relations qu'entretiennent les personnes au sein de la famille et de pouvoir les refondre en fonction de la situation pour en améliorer le fonctionnement et pour pouvoir aider la personne âgée à aller mieux.

En globalité, je pourrais exprimer que toutes les thérapies ont un point commun et ont pour objet de renforcer le Moi et de rechercher les causes et les impacts dans la vie de la personne qui ont généré la dépression. Bien souvent, l'origine des problèmes vient de la période infantile où des traumatismes ont été mal vécus.

À côté des thérapies analytiques, d'autres techniques de thérapie centrées sur le corps sont complémentaires et peuvent être déployées au sein des institutions en vue de prévenir la dépression ou d'aider certains patients déprimés. La relaxation, les massages, la réflexologie plantaire, la zoothérapie ou la thérapie gestuelle et corporelle avec la méthode Feldenkrais ont pour objectif de réinvestir un corps qui est en souffrance par les effets dévastateurs du vieillissement pour en arriver à un état de plénitude, de relaxation et d'apaisement. Le fait d'être moins douloureux, de sentir son corps réagir comme il le doit et non plus comme il veut, agit directement sur le moral des personnes. Elles reprennent ainsi le contrôle, ne subissent plus ce corps traître et vieillissant.

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Avec la zoothérapie, l'animal devient un médiateur qui sert à renforcer l'estime de soi par le fait d'aimer et d'être aimé.

Toutes ces thérapies complémentaires jouent un rôle non négligeable dans la prévention et l'amélioration de la dépression.

En ce qui concerne les évolutions de la maladie, elles dépendent également de plusieurs facteurs, de la rapidité de la prise en charge de celle-ci et des antériorités d'épisodes dépressifs.

À mon sens, une équipe pluridisciplinaire permet de mieux appréhender la maladie et d'adapter une réponse sur mesure pour la personne. En effet, les médecins vont pouvoir expliquer à la personne que les douleurs somatiques sont liées au vieillissement et qu'elles peuvent s'expliquer par une pathologie. Elles peuvent être soignées par un traitement médicamenteux. L'équipe soignante étant là pour repérer les différents signes d'amélioration ou de dégradation de la maladie et permettre aux médecins d'ajuster le traitement.

Le psycho-analyste clinicien va pouvoir « accompagner » ce traitement et va pouvoir aider la personne psychologiquement à aller vers un mieux-être.

La prise en charge par les psychomotriciens, kinésithérapeutes, peut permettre à la personne d'envisager un futur, par exemple en cas d'aggravation de la dépendance. Ils pourront faire sentir à la personne âgée qu'il est tout à fait possible de vivre avec ses handicaps et qu'ils peuvent être adaptés avec du matériel et de la prise en charge, à la vie de la personne.

Le suivi par l'équipe soignante composée d'infirmiers et d'aides-soignants permet non seulement de repérer les changements, mais c'est aussi grâce à elles et à la prise en charge de qualité des soins au quotidien que la personne âgée peut se sentir valorisée et prise en compte individuellement. De plus, le suivi des traitements médicamenteux permet d'éviter comme c'est souvent le cas à domicile que la personne réduise d'elle même ses traitements et évite par la même les rechutes ou les récidives.

Toutes les statistiques effectuées sur la dépression démontrent qu'une dépression prédit un épisode de récidive dans les cinq années suivantes, et ce malgré toutes les prises en charge de qualité qui peuvent être déployées. C'est pourquoi la recherche scientifique est en pleine mutation pour trouver si des facteurs biologiques ou génétiques ne seraient pas en cause dans les pathologies des troubles de l'humeur.

Les scientifiques sont partis du postulat qu'il semblerait qu'un parent ayant vécu une dépression, son enfant aura entre 2 et 4 fois plus de risque également de présenter une dépression au cours de sa vie. Les avancées en recherche médicale auraient démontré qu'une vulnérabilité d'ordre génétique serait en partie responsable du symptôme dépressif et que le stress perturberait profondément chez certaines personnes le système de cognition.

Néanmoins, l'environnement de la personne jouerait également un rôle primordial dans la dépression, car certaines personnes soumises à des perturbations dans leur enfance présenteraient des symptômes dépressifs contrairement à d'autres personnes qui présenteraient uniquement une vulnérabilité génétique.

Du fait que l'exploration du cerveau est rendue très difficile, les causes de la dépression ne sont pas pour l'instant toutes connues à ce jour.

Les causes de la dépression étant multiples, le vieillissement en est certainement une des causes.

C'est pourquoi tous les outils thérapeutiques doivent être mis en œuvre pour permettre à la personne âgée de comprendre son mal-être, de lui apporter de l'espoir et lui permettre de retrouver un second souffle pour lui permettre de terminer sa vie sereinement.

Photos : Shutterstock

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Commentaires 3
  • Reus Candice

    Un article humain, plein d'empathie et nourri d'expérience ...

  • noel alain

    je vous remercie pour cet article. il est facile d'accès et très compréhensible. De plus, j'ai appris beaucoup de chose sur la dépression.

  • Sabrina ( Toulouse).

    Brillant exposé dans lequel on retrouve des problématiques de vie très précises et concrètes. cela ne manquera pas d'éclairer des familles en détresse face à ce très difficile problème.

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