La psychosociothérapie

Cet article présente une nouvelle méthode pour traiter les maladies psychiques en agissant sur les relations sociales du malade.

2 DÉC. 2017 · Lecture : min.
La psychosociothérapie

La psychosociothérapie est une pratique qui tend à traiter le patient en agissant sur ses relations familiales et sociales. Elle prend son fondement dans trois constations qui valent comme des faits avérés et qui imposent leurs effets à la psychologie du malade.

1/ il est de notoriété publique, depuis les Grecs, que l'homme est un être social ou « politique ». Cela doit s'entendre au sens que nous lui donnons aujourd'hui, savoir qu'il est un être « artificiel », un artefact qui, dès sa naissance (et peut-être même avant), a été fabriqué par la société, comme elle a fabriqué, par l'agriculture et l'élevage, une plante ou un animal.

2/ il est non moins notoire qu'elle a formé ce produit selon son image, ce qui signifie qu'à chaque type de formation sociale correspond un type d'individu, homme ou femme, caractérisé par son mode de vie : habitat, régime alimentaire, mode vestimentaire, type de jeux, etc., le tout reposant sur le mode de production et la division sociale du travail de l'époque.

3/ c'est la succession de ces modes de vie et de production qui fait l'histoire de l'humanité, laquelle fait défiler sous nos yeux différentes formes de sociétés, qui constituent la civilisation humaine.

Il en résulte que l'individu, comme l'ont vu les différentes tendances de la psychologie moderne et en particulier la psychanalyse, est indissociable de sa société et surtout de sa famille. Son état psychique dépend donc de l'état de celle-ci : sain lorsqu'elle est saine, malade lorsqu'elle est malade. La plupart, sinon tous les patients que nous recevons en consultation, souffrent de troubles psychiques résultant de troubles sociaux : père alcoolique, mère suicidée, inceste, divorce, séparation, etc.

Il est certain que, de nos jours, le mode de production capitaliste avancé a imposé, à la poursuite continue du profit, une division sociale extrême du travail, qui a gravement nui aux relations sociales et fortement disloqué la famille. Une patiente dit qu'elle n'a jamais connu ses parents, une autre avoue qu'elle n'a jamais vu sa demi-sœur, etc. Incalculable est le nombre d'enfants nés sous X, ou qui ont été abandonnés par leur mère à la suite d'un divorce, etc. Incalculable aussi bien est le nombre de personnes vivant seules, n'ayant aucune autre communication que celle qu'elles ont « avec la télé », ou « le chat », ou « le chien », ou à travers « les réseaux sociaux »…

Ce phénomène doublement pathologique semble imposer cette règle que le traitement psychologique serait inefficace s'il ne se faisait accompagner et compléter par un traitement social. Autrement dit, réparer la personnalité du patient, doit induire une réparation de sa vie sociale, ce qui revient, dans la plupart des cas, à lui indiquer les moyens de restituer, au moins partiellement, une cellule sociale minimale, où il puisse trouver une ou quelques sources d'affection, un espace de communication, un lieu de détente et de reconstitution de ses forces, afin de faire face aux agressions quotidiennes…

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Pour éclairer cette thèse, voici un cas qu'un psy croit citer comme l'un de ses étonnants succès, étonnant pour lui d'abord :

Une jeune fille entre 20 et 30 ans, souffre d'une « idée fixe » ou « obsessionnelle » de violence et même de meurtre. Cette « idée » qui la poursuit matin et soir, devient irrésistible chaque fois qu'elle est en train de converser calmement avec quelqu'un, soit dans le travail, soit dans un magasin, soit dans un moyen de transport, etc. Elle doit alors fournir un « effort intense et épuisant » pour l'écarter et se trouve, à la fin, obligée d'écourter la conversation et de « s'enfuir ». On comprend alors à la fois l'épuisement que nécessite la lutte continue contre cette « idée », la peur permanente qui traverse ses relations sporadiques à savoir la « peur de passer à l'acte » et l'angoisse continue qui résulte de cette condamnation à l'enfermement dans la solitude.

L'analyse révèle un « lourd passé » traumatique : à l'enfance, parte de la mère à la suite d'un tragique suicide, prise en charge par une grand-mère qui sombre bientôt dans la sénilité, une vie en tête-à-tête avec un père de plus en plus triste et dépressif jusqu'à s'enfoncer dans l'alcoolisme, culpabilisation de la part de ce père qui n'était nullement préparé à élever seul une petite fille, un défilé de femmes dont certaines passaient la nuit à la maison, puis mariage du père en seconde noce avec une femme étrangère, dépressive et méchante ; aucune relation avec une sœur ou une tente, etc. Seule lumière dans le tableau : une relation amoureuse…

Tout en poursuivant l'analyse, des efforts de part et d'autre, finissent par aboutir à former un petit ménage et à y intégrer un petit frère, constituant ainsi une sphère d'amour autour de la patiente, qui lui compense celle dont elle n'a jamais bénéficié… Un jour, le psy a la grande surprise de recevoir les remerciements pour « le bonheur qu'il a donné ».

A vrai dire, il n'a rien donné ; il n'a fait que réparer un morceau de tissu social qui était disloqué et qu'il a contribué à recoudre. Il avait compris, comme nous l'avons soutenu plus haut, que le déchirement psychique ne pouvait venir que du déchirement de ce tissu social et que l'un ne pouvait être « recousu » sans l'autre. L'analyse classique d'un cas de ce genre aurait pu durer, s'éterniser, peut-être sans rien « donner ». Car, un individu ne peut jamais réparer, à lui seul, son psychisme atteint de dislocation, parce que cette dislocation lui vient d'ailleurs, du milieu dont il est la victime. Aussi les psychanalystes devraient-ils méditer cette phrase :

Et vous ne tarderez naturellement pas à vous rendre compte dans quelle mesure le succès ou l'insuccès du traitement dépend du milieu social et de l'état de culture de la famille[1].

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Il en résulte que l'on peut considérer la psychosociothérapie comme une synthèse de la cure psychanalytique et du traitement cognitivo-comportemental, en y ajoutant une dimension psychosociale. Elle réunit l'exploration et la compréhension du cas par l'analyse, l'intervention du comportementaliste, et l'intelligence du psychosociologue. Sur le plan théorique, elle repose en profondeur sur une psychosocianalyse dont nous avons donné, plus haut, quelques éléments et dont la thèse générale est l'appartenance organique de l'individu à son milieu et l'impossibilité de l'en séparer. Toute anomalie atteignant le milieu ne peut que se répercuter sur l'individu. D'où l'on doit conclure que traiter celui-ci nécessite un traitement de celui-là.

Bien entendu, le psy ne peut « refaire le monde », ni réorganiser la société. Nous savons que c'est parce que celle-ci est malade qu'elle produit des malades, que c'est parce qu'elle repose sur des systèmes criminels d'exploitation et de spoliation, qu'elle engendre le crime et la violence, et que le psy est désarmé face à ces phénomènes qui sont essentiellement politiques. Toutefois, d'avoir en tête ce théorème qu'on ne peut traiter l'individu qu'en traitant, tant soit peu, son micro-milieu, en l'aidant à reconstituer une micro enceinte humaine, en l'orientant vers la réorganisation de ses relations sociales, peut lui faciliter sa tâche et couronner ses efforts d'un certain succès.

Il faut préciser, en outre, que la psychosocianalyse se distingue de la thérapie de groupe, au moins par deux points fondamentaux. En premier lieu, elle n'a affaire qu'à un individu et non à un ensemble d'individus ; ce qui rend le traitement infiniment plus simple. Car s'il fallait attendre, pour traiter un patient, de traiter toute sa famille ou son milieu, on risquerait d'attendre fort longtemps pour le faire, si jamais cela pouvait être fait. En outre, étant entendu, comme nous venons de le dire, que toute la société est malade, cela mettrait la thérapie de groupe en face du paradoxe de Zénon, et la condamnerait à soigner toute la société avant de traiter un seul patient ! En deuxième lieu, contrairement à celle-ci, la psychosocianalyse ne préjuge rien quant à la santé ou à la maladie psychique du milieu du patient. Elle y opère uniquement une sélection et s'intéresse aux éléments qui pourraient être d'un certain apport affectif et de réconfort au patient, avec lesquels elle l'invite à renforcer ses liens, lui suggérant, réciproquement, d'éviter ceux qui peuvent lui être nuisibles. Elle agit non sur les individus entourant le patient, mais sur les relations de celui-ci, et l'oriente vers le meilleur usage qu'il puisse en faire afin de s'assurer un périmètre de santé psychique et mentale.

Enfin, si l'on voulait chercher un fondement philosophique à la psychosocianalyse, il n'y aurait aucune difficulté à lui en trouver un dans toute la philosophie politique depuis Platon. Mais il suffit d'évoquer ici le concept de symbiotique, forgé par Johannes Althusius (juriste allemand du début du XVII° s) à partir d'un modèle biologique très simple, celui de la symbiose, définie par les naturalises comme l'association d'organismes différents, mais vivant ensemble dans une unité naturelle et nécessaire, de sorte que la vie de l'un dépend de celle de l'autre : exemple, un lichen est la symbiose d'une algue et d'un champignon. Tuez l'un, l'autre en périra sûrement…

Amor Cherni

Choisy le Roi (Val-de-Marne)

Photos : Shutterstock


[1] S. Freud, Introduction à la psychanalyse, III, 1916, Petite bibliothèque Payot, p. 172.

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Écrit par

Cherni Amor

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