La thérapie secrète
On s’imagine parfois la thérapie comme une longue histoire où l’on ressasse cent fois le même problème en présence d’un thérapeute qui somnole sur son fauteuil. Et pourtant...
Les lacunes de la thérapie
S'étalant sur des mois ou des années, la thérapie fait peur ou rebute beaucoup de gens. Une approche classique, historique, nécessite de répéter inlassablement son histoire, son problème, en y trouvant toujours plus de détails, de liens.
Bien que ce procédé permette probablement d'avancer dans la connaissance de soi, il a parfois des effets délétères. En effet la longueur du travail et son apparence routinière peuvent installer une forme de monotonie, une lassitude. On va alors « voir le psy » chaque semaine comme on fait ses courses. Avec le temps se construisent des schémas, des habitudes, dans la relation thérapeutique. Il s'installe alors une sorte d'espace neutre à l'intérieur duquel semble se rejouer éternellement la même pièce. À ce moment-là la communication tourne en rond et le travail s'enlise.
Cette critique n'enlève rien aux compétences des praticiens. Nombreux sont ceux qui mettent du cœur à accompagner leurs patients. Seulement ils se retrouvent parfois pris dans un engrenage qui leur fait perdre une part de leur liberté. Attentes des patients, considération des confrères, étiquette de leur pratique… Ceux qui aident les autres à changer se retrouvent parfois, et c'est humain, dans l'incapacité de se changer eux-même !
L'apport des nouvelles thérapies
Au milieu du XX ème siècle a commencé à se développer le courant que l'on nomme " Thérapies brèves ". On emploie le pluriel car on y trouve différentes pratiques comme l'hypnose ericksonienne, la PNL, la systémique etc. Elles visent toutes à condenser le travail, à l'épurer et au final aller vers plus d'efficacité.
Il a alors été envisagé de s'intéresser davantage aux processus qui peuvent mener à une solution qu'à l'histoire de la problématique. L'idée est que si le problème est né dans le passé, son impact se renouvelle dans le présent, chaque jour. C'est donc là qu'il faut agir! On a ainsi écarté le monologue narratif pour s'orienter vers un questionnement concret, pragmatique. Le but est de découvrir la structure du problème plus que son contenu. On arrive à un travail plus actif et interactif. On cherche à répondre à « comment ça fonctionne? » plutôt que « comment c'est arrivé là? ». Il s'agit d'un renversement stratégique qui a une forte influence sur le déroulement de la thérapie.
La thérapie secrète
La thérapie secrète, bien qu'encore peu pratiquée, est l'aboutissement de cette approche. Il s'agit pour le thérapeute de ne pas chercher à nommer la problématique de son client. Parfois même de l'ignorer complètement. Il s'appuiera sur des sensations, des symboles, représentations mentales voire intuitives de ce qui pose problème. Bien sûr ce positionnement peut sembler étonnant voire paradoxal. Il présente pourtant des avantages non négligeables.
En premier lieu il peut favoriser l'entrée dans le travail de ceux qui ne sont pas à l'aise avec leur problématique. Qui ont besoin de préserver leur intimité. » Il y a quelque chose qui me pose problème mais je n'arrive pas à en parler ». Ou alors « je ne me sens pas bien mais je ne sais pas ce qui se passe ». Il est probablement plus facile pour certains de parler d'une boule dans le ventre que d'un blocage sexuel !
La thérapie secrète s'appuie fortement sur l'idée selon laquelle le thérapeute n'a pas la solution du problème. Libéré d'une compréhension analytique, qui n'est pas infaillible, il ne risque pas de projeter ses limites, ses faiblesses ou une erreur d'interprétation sur son client. Ce dernier avance donc dans son univers propre vers la résolution de son problème qu'il est de toute façon le seul à vraiment connaître. En outre cette pratique permet d'aller à l'essentiel en élaguant la séance d'un descriptif long et finalement moins utile qu'il n'y paraît.
Un travail d'exigence
La thérapie secrète représente en revanche pour l'accompagnant une contrainte et une exigence de qualité importantes.
En effet il avance dans le travail sans repères pré-établis. Il doit alors faire preuve d'une totale adaptation. Guider en se laissant guider et faire preuve d'une totale présence à l'autre. C'est une approche très engageante pour le thérapeute. Il ne peut se permettre de laisser son esprit divaguer un seul instant au risque de perdre le lien précieux qui l'unit à son client (voir cet article pour mieux comprendre l'enjeu de la présence thérapeutique).
Au final c'est une approche très puissante car elle passe immédiatement au-delà des frontières conscientes de la compréhension du problème. Cela peut être très déstabilisant pour le patient comme pour le thérapeute. Celui-ci est donc soumis à un très haut niveau d'exigence quant à la qualité technique de son travail d'une part mais surtout dans sa présence à lui-même et à l'autre. On arrive à une forme d'accompagnement qui peut alors être qualifiée d'art thérapeutique.
Photos : Shutterstock
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