Le secret des espagnols pour être heureux

L'attitude face à la vie des Espagnols les différencie des autres cultures et leur apporte des bénéfices leur vie durant.

16 MAI 2018 · Lecture : min.
Le secret des espagnols pour être heureux

Vous avez certainement pu voir ces mots dernièrement : hygge, ikigai, fika, lagom, oosouji... Ils décrivent des philosophies de vie nordiques et orientales supposées garantir le bonheur. Ils ont donné naissance à pléthore d'articles et ont inspiré énormément de livres.

Nous collectionnons les philosophies d'autres pays pour essayer d'être meilleurs, pour nous sentir mieux au quotidien. Comme des explorateurs des temps modernes qui, plutôt que de ramener des plantes, meubles et animaux de contrées lointaines, découvrent de nouveaux modes de vie. Mais, sans nécessité de survoler des continents, nos voisins sont aussi de belles sources d'inspiration.

Pour les espagnols, le monde est soutenu par quatre piliers : plaisir, contentement, divertissement et allégresse. Quatre mots que, justement, l'Académie Royale Espagnole utilise pour définir un joli terme, un peu désuet, que l'on revendiquer pour baptiser cette sensibilité espagnole : "holganza", l'oisiveté. Ce terme se réfère aussi au repos et à l'absence de travail (à ne pas confondre avec "holgazán", qui signifie "fainéant"), ce qui rappelle l'idée de la sieste si chère à l'Espagne.

Comme le résume le psychologue spécialisé en rigologie (thérapie par le rire) José Elías Fernández González, directeur du Centre Joselías de Madrid :

"Si l'Espagne peut exporter quelque chose dans le monde, c'est bien son bonheur, son humour, son allégresse qui naissent de notre soleil, de notre proximité et de la parole avec les autres".

Rire de tout : un antidote contre le stress

L'un des traits qui définit le mieux cette philosophie est le divertissement, et il est vrai que les espagnols savent rire de tout. Se saluer le matin au bureau ne se limite pas à un "bonjour", il doit être accompagné d'une anecdote concernant le match de la veille ou d'une expression amicale. "Passer dans n'importe quel endroit en faisant des blagues est le sceau de notre identité", confirme José Elías Fernández.

"C'est bénéfique, parce que cela nous aide à voir le bon côté des choses, à profiter et à partager l'inventivité avec les autres. Et en plus, souvent, nous rions des peines, ce qui nous permet de prendre un peu de recul et de mieux les surmonter. D'un autre côté, c'est une façon de se lier avec les personnes que l'on connaît et de jouer avec la réalité pour se divertir ou qu'elle ne nous opprime pas tant", ajoute-t-il.

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Car l'humour aide effectivement à se sentir mieux. Comme le note ce spécialiste, "il contribue à relativiser les problèmes, c'est un antidote contre le stress, il augmente l'estime de soi, aide à combattre la timidité et la dépression, à exprimer des émotions, fortifie les liens affectifs, décharge des tensions et stimule la créativité et l'imagination".

De plus, il a des bénéfices physiques. Selon une étude de l'Université de Loma Linda, en Californie, il protège contre les maladies cardiaques, stimule des réponses antitumorales et antivirus et, par la production de beta-endorphines qui agissent comme des neurotransmetteurs cérébraux, il a un effet analgésique contre la douleur et régule le système immunitaire. Ces résultats sont confirmés par une étude de l'Université de Kentucky Ouest, tandis que l'Université d'Indiana a découvert qu'il relaxait la tension musculaire, baissait la tension artérielle, aidait à brûler des calories (car nous mobilisons 400 muscles du corps en riant), et d'autres études coïncident sur le fait qu'il réduit la production d'hormones qui causent le stress.

"L'illusion" et l'envie de tout raconter

Cette dérision est associée à une riche vie sociale. Personne ne peut être drôle sans public, et le fabuleux climat de l'Espagne favorise les relations sociales, souvent à l'air libre. Ceci les différencie, entre autres, des habitants des pays nordiques, où le manque de lumière fait que les personnes se renferment plus chez elles et en elles-mêmes.

Selon José Elías Fernández, la communication est nécessaire "autant pour transmettre les joies que pour les perpétuer, mais aussi pour commenter les peines, pour nous décharger, souvent recevoir la compréhension des autres et éliminer un peu de l'importance de ce qui nous arrive".

"Parler est fondamental", explique la psychologue Lecina Fernández, "ça aide beaucoup parce qu'on communique avec une autre personne et que cela implique une structuration intérieure préalable, ce qui fait que nous disons souvent 'je me suis déchargé'".

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Les "likes" des réseaux sociaux se reçoivent en vrai et en direct en Espagne.

"Dans les bars et les terrasses, nous partageons en général notre quotidien, nous recevons de la tendresse et de l'affection, renforçant les liens affectifs avec les autres, ce que nous aide à nous rendre compte que nous sommes importants pour les autres et que l'on n'est pas seuls, il y a des personnes à nos côtés avec lesquelles nous partageons des moments heureux", assure José Elías Fernández.

"Nous avons besoin de partager avec les autres. Nous trouvons plus de bonheur dans le fait de donner que de recevoir. Lorsque nous communiquons sur des évènements heureux, nous donnons du bonheur, et si nous parlons de peines ou d'évènements négatifs, nous libérons de la tension en les partageant", continue l'expert.

L'illusion (ou "ilusión", que l'on pourrait traduire par "enthousiasme") est une autre caractéristique spécifique de l'attitude des Espagnols face à la vie, mise en avant par Lecine Fernández. Comme l'explique l'autrice du livre "Ilusión positiva" (2017), alors que dans les autres langues ce mot se traduit comme "altération de la perception des sensations", c'est-à-dire voir quelque chose qui n'existe pas en réalité (comme dans "illusionisme" ou "illusion d'optique") ;

"Il existe en espagnol une acception positive, en relation avec l'espoir d'atteindre quelque chose et la joie de vivre. Lorsque vous demandez à un espagnol ce qu'est l'illusion, il ne pensera jamais à l'acception négative. Ça attire beaucoup l'attention des étrangers. Il y a en nous cette lumière allumée, qui ne l'est pas dans les autres cultures".

"Les pays nordiques sont obscurs et froids, et le Japon est très introverti. Au contraire, notre enthousiasme va de l'intérieur vers l'extérieur. De l'obscurité à la lumière. C'est un patrimoine national. Et comme nous avons grandi avec lui, nous ne sommes pas conscients de la richesse que nous possédons", signale Lecine Fernández.

Vivre avec illusion, enthousiasme, a des effets positifs sur notre esprit. Comme le dit Lecina Fernández : "cela nous stimule pour grandir, car en développant un projet enthousiasmant nous menons à bien des activités qui nous enrichissent. Cela nous permet de transformer la réalité et de nous empouvoirer. Cela nous aide à développer la capacité d'union, parce qu'elle nous entraîne à passer d'un rêve à une réalité, de l'interne à l'externe. Elle favorise le mieux vivre, le bonheur et l'optimisme".

"L'illusion" est ce qui donne aux espagnols l'envie de se lever le matin, et, comme l'ajoute la psychologue, "c'est le pôle opposé de la dépression".

Savoir dire les choses pour maintenir l'équilibre

En plus de cette joie qui caractérise les espagnols, ils n'ont pas peur de la confrontation. Souvent, ils sont même à l'opposé de ce que nous nommons "polis" (éducation, courtoisie). Ils n'est pas rare de voir les espagnols envoyer tout le monde bouler... Et rester meilleurs amis du monde.

José Elías Fernández rappelle que :

"Albert Ellis [père de la thérapie rationnelle-émotive], qui a écrit sur l'humour et le rire, conseille de temps en temps de dire les choses, car cela nous aide à nous décharger et à exprimer clairement notre émotion, qu'il s'agisse de colère, de haine, etc. Lorsque nous entrons en conflit ou discutons, une manière habituelle de libérer la tension est de ne pas mesurer nos paroles, et de nous exprimer le plus sévèrement possible, même si par la suite nous demandons pardon si nous avons offensé quelqu'un. Être mesuré dans ces cas-là ne nous aide pas beaucoup, car nous gardons l'émotion négative".

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Pour Lecine Fernández, être aussi viscéral est très positif, tant que c'est fait avec équilibre : "l'important est de reconnaître la situation dans laquelle nous sommes, d'identifier les émotions et de savoir les gérer. Mais les extrêmes ne sont jamais bons".

Imagination et ingéniosité pour résoudre les problèmes

Une autre vertu qui caractérise les espagnols, et qui est d'ailleurs très reconnue dans les autres pays, c'est leur spontanéité. Loin d'être carrés, ils ont recours à l'imagination pour résoudre les problèmes.

"Dans des pays comme l'Allemagne, par exemple, on est très méthodique et on suit au pied de la lettre les protocoles... Nous ne sommes pas si habiles pour cela, mais si un contretemps survient dans ce protocole, l'espagnol sait le gérer avec plus d'ingéniosité", précise Lecina Fernández.

Cette ingéniosité, documentée dans la littérature picaresque, nourrit les espagnols dès l'enfance.

Mais, pour José Elías Fernández, personne n'est parfait, et pour profiter de ces vertus, il faut apprendre à atténuer un trait négatif : l'envie.

Photos : Shutterstock

"Nous devons apprendre à rire de nous-mêmes avec les autres, au lieu de rire des autres. Si nous apprenions à rire de nous avec les autres, nous éliminerions l'envie, qui est ce qu'il nous manque pour vivre heureux".

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Commentaires 1
  • Apache

    Je ne vis plus depuis mars, suite à une séparation difficile.

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