Le trouble de la personnalité évitante. Une perspective gestaltiste
Le trouble de la personnalité évitante est caractérisé par une extrême sensibilité au rejet, entraînant des comportements pathologiques

Le trouble de la personnalité évitante est caractérisé par une extrême sensibilité au rejet, entraînant des comportements pathologiques. Les personnes atteintes évitent les contacts sociaux par peur d'être rejetées. Elles présentent souvent une faible estime de soi, une timidité exacerbée et une réticence à faire des confidences. La thérapie gestaltiste peut aider les personnes atteintes à développer une meilleure estime de soi et à réduire leur anxiété.
Introduction (de quoi s’agit-il ?)
Les individus affectés par ce trouble se caractérisent par une extrême sensibilité au rejet, ce qui détermine leurs comportements pathologiques typiques. Ils évitent tout type de contact social, non pas parce qu'ils le refusent en soi, mais en raison de la crainte d'être rejetés. Ils ne peuvent envisager de nouer des relations que lorsqu'ils sont assurés d'une acceptation totale.
Ces personnes présentent souvent une réticence à faire des confidences, manifestent une timidité exacerbée et sont socialement inhibées. Parler en public, être au centre de l'attention, ou encore entretenir des relations étroites avec d'autres personnes les angoisse.
Au travail, leur rendement est souvent faible, non pas en raison d'un manque de compétences, mais par peur de voir leur responsabilité augmentée. Cette peur les pousse fréquemment à refuser des postes à responsabilité ou des emplois nécessitant une certaine interaction sociale.
Les individus évitants redoutent les rencontres avec des inconnus, évitent les fêtes et les réceptions, et craignent d'établir de nouvelles relations, à moins d'avoir des garanties solides quant à leur acceptation. Ils ont tendance à fréquenter les mêmes endroits et à répéter des expériences familières. Leur solitude découle de leur crainte des étrangers et de leur hésitation à initier de nouvelles relations.
Ces personnes sont particulièrement sensibles aux sensations aversives. Leur comportement d'évitement est fondé sur une vigilance constante, à l’affût de signes de danger. Il est typique pour elles d'ignorer les indices de plaisir.
La symbolisation chez le client évitant est souvent encombrée de préoccupations incessantes liées au rejet, au ridicule et à l'humiliation. La mobilisation du client évitant est centrée sur l'évitement de la douleur.
Son comportement tend à être contenu, hésitant et empreint de crainte. Le contact avec autrui est perçu comme anxiogène. Le retrait devient alors la position privilégiée du client évitant, dominant l'ensemble de son expérience.
Symptomatologie (comment ça apparaît ?)
Selon le Guelfi (Guelfi et al. 2004) la personnalité évitante est une personnalité marquée par un isolement social, un peu comme dans la personnalité schizoïde.
Les caractéristiques de la personnalité évitante :
• repli et isolement, malgré le désir d’entretenir des relations sociales et malgré le désir d’être aimé et approuvé par autrui
• défaut de l’estime de soi
• réactions aggressives ou dépressives
• anxiété, dépression ou colère de par l’incapacité à entretenir des relations sociales.
Selon F. Lelord et C. André (1996) il y aurait 2 types de personalités évitantes :
• de grands anxieux qui arrivent à nouer des relations positives avec quelques personnes (souvent, les relations parents/enfants étaient saines)
• des anxieux susceptibles, qui n’arrivent pas à faire assez confiance pour nouer des relations positives durables et qui vivent dans une douloureuse solitude (souvent l’enfance a été caractérisée par des relations parents/enfants malsaines : jugement des parents, attentes trop élevées).
À noter que beaucoup d’adolescents passent par une phase du développement de leur caractère qui ressemble fort à la personnalité évitante. Mais peu à peu les expériences réussies, le sentiment d’être accepté et reconnu par les autres, vont leur donner plus de confiance en eux. Pour les personnalités évitantes, cette évolution heureuse ne se produit pas. Elles restent incertaines d’elles mêmes, et cherchent la sécurité à tout prix.
Repérage DSM-5
Le Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5, en anglais) inclue le trouble de la personnalité évitante dans le Groupe C, c’est-à-dire la personnalité craintive et anxieuse. Il s’agirait d’un mode général d’inhibition sociale, de sentiments de ne pas être à la hauteur, et d’hypersensibilité au jugement négatif d’autrui qui apparaît au début de l’âge adulte et est présent dans des contextes divers, comme en témoignent au moins quatre des manifestations suivantes :
- Le sujet évite les activités sociales professionnelles qui impliquent des contacts importants avec autrui par crainte d’être critiqué, désapprouvé ou rejeté.
- Réticence à s’impliquer avec autrui à moins d’être certain d’être aimé.
- Est reservé dans les relations intimes par crainte d’être exposé à la honte ou au ridicule.
- Est inihibé dans les situations interpersonnelles nouvelles à cause d’un sentiment de ne pas être à la hauteur.
- Se perçoit comme socialement incompétent, sans attrait ou inférieur aux autres.
- Est particulièrement réticent à prendre des risques personnels ou à s’engager dans de nouvelles activités par crainte de prouver de l’embarras.
- Poursuit des standards irréalistes et projette constamment sur l’autre des idées de rejet.
- Ces clients ont des ‘bosses intérieurs’ tyranniques et sont aussi durs envers les autres qu’ils le sont ouvertement avec eux-mêmes.
Le trouble de la personnalité évitante, qui demeure peu reconnu et peu étudié, est considéré comme une variante plus grave de la phobie sociale.
Repérage phénoménologique (que vit la personne ?)
L'existence des personnes souffrant de troubles d'évitement
Les personnes atteintes de troubles d’évitement structurent leur existence autour de sentiments d'anxiété et de peur. Chaque situation sociale devient une source d’angoisse aiguë : elles redoutent l’humiliation liée à un échec et la douleur du rejet. L'anxiété est principalement alimentée par la crainte de ce que les autres pensent d’elles, et elles interprètent fréquemment des gestes ou des remarques banales comme des critiques. Ils ont la tendance à exagérer les risques de la vie quotidienne, et peuvent être particulièrement affectés par des situations (même anodines) qui sortent de leur routine.
Le sentiment de danger et l’image des autres
Les individus souffrant de troubles d’évitement se perçoivent comme étant constamment en danger. Ils voient les autres comme des menaces potentielles, bien qu'ils puissent également les voir, magiquement, comme protecteurs. Cette perception ambivalente alimente leur anxiété et leur peur.
La peur de l’échec et du rejet
Ils ont une peur exacerbée de ne pas être à la hauteur, accompagnée du sentiment d’embarras, souvent sans raison objective. Cette peur se manifeste sous différentes formes : rejet, tristesse, colère ou ridicule. Ils sont pris dans un va-et-vient entre leur besoin d’affection et leur crainte d’être ridiculisés. Ce balancier émotionnel crée un état d’engourdissement affectif. Chaque révélation personnelle suscite en eux une honte mêlée de peur, surtout lorsqu’il s’agit de partager des aspects intimes de leur vie.
La place centrale de la honte
La honte constitue l’expérience émotionnelle centrale pour ces individus. Ce sentiment découle d’une perception profonde de ne pas être à la hauteur, qu’elle soit physique, intellectuelle ou sociale. Cette sensation peut être amplifiée par des facteurs souvent injustifiés. Il existe ainsi une peur constante d’être vulnérable en exposant des aspects trop intimes de soi. Les occasions sociales sont alors évitées, car elles risquent d’exposer ce qu’ils considèrent comme des imperfections ou des faiblesses personnelles. Cela conduit à des symptômes typiques du trouble d’évitement, notamment l’anxiété sociale, le refus des relations, la peur des critiques et une timidité pathologique.
L’évitement comme mécanisme de coping
L'individu évitant se concentre presque exclusivement sur l’évitement de la douleur émotionnelle, au détriment de l’expérience du plaisir. Il manifeste un faible intérêt à se connaître lui-même ou à établir des relations avec les autres. En vieillissant, son désir de solitude, couplé à la peur des relations, tend à se renforcer, le rendant plus enclin à se retirer socialement. Souvent on doit l’hospitaliser pour qu’il reçoive des soins.
Prévalence
La prévalence de la personnalité évitante dans la population générale est estimée entre 0,5 % et 1 %, bien que certaines études indiquent des taux plus élevés, allant de 1,5 % à 2,5 %. Chez les patients en consultation psychothérapeutique, ce taux grimpe à environ 10 %.
Une étude australienne suggère que les femmes seraient plus à risque.
Par rapport à la population générale, les personnes évitantes ont tendance à vivre plus souvent seules, à occuper moins fréquemment des emplois salariés, à avoir un niveau d'études inférieur, et à bénéficier davantage d'allocations sociales. Elles présentent également un risque accru de problèmes de santé et jouissent généralement d'une qualité de vie inférieure à la moyenne.
De plus, on observe une comorbidité avec la consommation de substances illicites ainsi qu'un taux de tentatives de suicide plus élevé.
Parmi les autres troubles associés (comorbidité), on trouve la dépression antepartum et postpartum, l'anorexie, ainsi que le binge eating (hyperphagie boulimique sans comportements compensatoires).
Hypothéses étiopathogéniques (d’où ça vient ?)
Facteurs de développement du trouble de la personnalité évitante
Certains enfants âgés de trois à six mois, présentant une anxiété marquée face à la nouveauté, pourraient être susceptibles de développer ce trouble de la personnalité à l'âge adulte. Les personnes ayant une personnalité évitante ont souvent des antécédents familiaux d’anxiété, avec des parents ou des frères et sœurs partageant des traits similaires.
Influence des expériences éducatives et environnementales
Des expériences éducatives particulières peuvent jouer un rôle clé dans l'émergence de ce trouble. Une éducation trop sévère ou exigeante, des attentes parentales irréalistes, ainsi que des parents narcissiques, dévalorisants ou évitants, peuvent engendrer chez l'enfant un sentiment d’infériorité et de rejet. En outre, des liens ont été établis entre le trouble évitant et des expériences négatives pendant l’enfance, telles que la négligence, les abus ou la surprotection.
Certaines expériences de vie douloureuses, comme une malformation physique, des difficultés scolaires, ou encore des brimades et humiliations durant l'enfance et l'adolescence, peuvent également contribuer à la genèse de ce trouble.
La honte, noyau central du trouble
L’origine de la honte, qui constitue le noyau central du trouble de la personnalité évitante, demeure floue. En ce qui concerne les premières étapes du développement psychique, la honte a été associée à l'angoisse ressentie autour du huitième mois de vie face aux personnes étrangères, ainsi qu’à l'intériorisation des reproches parentaux liés à des épisodes concernant les fonctions excrétoires. Cependant, il n’est pas possible de l’associer à un moment précis du développement de l'enfant. La honte semble plutôt être liée à diverses expériences évolutives survenues à différents moments de la vie.
Perspective théorique
Selon Alan Schore (2008), le trouble de la personnalité évitante serait lié à une dysrégulation affective développementale et à des carences dans la satisfaction des besoins d'être vu, reconnu et régulé sur le plan affectif. Ce manque de régulation affective pourrait être un facteur déterminant dans le développement de ce trouble.
Le point de vue de la Gestalt
La confluence : bien que le client évitant désire fortement être accepté, il se tient à distance de façon à éviter le risque de rejet. Il a donc peu de capacité pour la confluence.
L’introjection : le client évitant est trop éparpillé pour introjecter. Il semble parfois introjecter mais cela c’est surtout à cause de sa faible capacité à critiquer. En fait, ces introjects apparents sont des déflexions du contact.
La projection : le client évitant utilise la projection comme façon d’éxtérioriser des introjects archaïques qui sont à la fois dérangeants et humiliants (‘Ils vont rire de moi’, etc.).
La retroflexion : s’isolant des autres pour éviter la douleur, le client évitant rétrofléchit les impulsions ou les énergies qui, à ses yeux, risqueraient d’avoir des consequences douloureuses. Cette énergie est réutilisée dans des fantasies et des rêves éveillés qui permettent au client de se racheter dans son imaginaire.
La déflexion : le client évitant est tellement préoccupé du rejet que, dans un premier contact, il aura tendance à défléchir tout signe d’acceptation et de validation de la part des autres.
Ses fonctions de contact
Ces clients ont beaucoup de mal à parler de façon directe. Ils utilisent des monosyllabes et généralisent beaucoup (« les gens », « on… »).
Le fait qu’ils soient distraits rend difficile pour eux/elles de bien entendre ce qu’on leur dit.
L’allure générale de ces clients exprime l’anxiété, et il est clair que les toucher les effraie.
Ses systèmes de soutien
Le système de soutien interpersonnel Il se limite à une ou deux personnes qui servent de confidents mais qui ne sont pas bien reçues quand elles tentent de soutenir la personne autrement qu’en l’écoutant. Dès qu’elles essaient de le convaincre de sortir de sa coquille, le client se sent rejeté et se met à fuir la relation.
Le système de soutien cognitif Le client évitant est souvent distrait. Penser est dangereux car « penser, c’est être », et à ses yeux il vaut mieux ne pas être qu’être rejeté et humilié.
Le système de soutien biologique Ces personnes ont souvent des déficiences du système respiratoire. Elles sont vulnérables à l’agoraphobie, à la phobie sociale et aux attaques de panique (problème souvent d’hyperventilation).
L’accompagnement psychothérapeutique
-La posture du thérapeute en Gestalt
Psychothérapie individuelle
- améliorer leur image de soi
- explorer par le dialogue ce que le client pense et se dit intériorement de lui-même
- aborder les traumatismes infantiles, la honte, l’agressivité refoulée
- établir une relation de confiance, peu intrusive dans les interprétations
- privilégier la réussite (puisque tout échec est vécu douloureusement)
- repérer une hiérarchie d’activités anxiogènes pour le patient
- prendre des risques calculés pour augmenter leur tolérance à l’anxiété
- encourager et suivre des situations de prises de risques à l’extérieur
- s’informer de leurs tentatives d’établissement de contacts sociaux.
La dynamique de la thérapie avec un client évitant
Le client évitant n'entre souvent en thérapie qu'après de nombreuses années d'hésitation, sa vie étant été marquée par des échecs répétés et des stratégies de retrait. Lorsqu'il franchit la porte du thérapeute, il le fait avec crainte, redoutant d’être jugé. Il est généralement nerveux au début des séances. Cependant, si le thérapeute fait preuve de suffisamment d'empathie pour comprendre l'inconfort du client, ce dernier commencera progressivement à s'ouvrir à mesure que les séances avancent. En général, dès qu'il se sent accepté, le client évitant devient très coopératif. Toutefois, il peut aussi devenir excessivement dépendant, car il a si peu de relations satisfaisantes qu'il s'accroche dès qu'il en établit une. Il trouve aussi difficile de quitter la thérapie, tout comme il a du mal à y entrer.
Il est souvent plus efficace de commencer la thérapie dans une perspective comportamentiste. Réduire l'anxiété du client en lui offrant des expériences de succès peut renforcer et stabiliser la relation thérapeutique. Une fois cette relation établie, il devient possible d'adopter une approche plus cognitive ou psychodynamique.
Le thérapeute gestaltiste, travaillant dans une perspective de contact, cherchera à augmenter progressivement la sensibilité du client aux sensations agréables, tout en l’aidant à compléter
Diagnostic différentiel (ce que ce n’est pas)
Entre personnalités schizoïde et évitante
Le retrait social est présent dans les deux types de personnalité. Chez le schizoïde, l’isolement ne s’accompagne pas d’un désir de relations.
Dans la personnalité évitante, le retrait existe malgré un désir d’être aimé et approuvé par autrui. Et cette incapacité à entretenir des relations sociales déclenche souvent chez ces patients des affects comme l’anxiété, la dépression ou la colère. L’évitant a parfois des traits de dépendance quand il est rassuré quant à la solidité et sécurité d’une relation, et ainsi il peut s’accrocher de façon très dépendante. Ce que ne fais pas le schizoïde.
Entre phobique social et la personnalité évitante
Les personnalités évitantes se rapprochent du charactère phobique. Les phobiques éprouvent une peur panique de relations publiques ou de certaines situations en apparence anodines.
Les personnalités évitantes craignent presque sans cesse d’être jugées négativement par les autres, ce qui les conduit à fuir, à se replier sur elles-mêmes, et à éviter les contacts par crainte de relations interpersonnelles publiques ou privées. Il s’agit davantage de peur et d’évitement que de réelles phobies. L’évitement est leur stratégie, leur but est de prévenir l’échec, elles vont agir mais avec précaution. On pourrait presque parler de timidité maladive.
Puisque souvent le client évitant soufre d’un trouble anxieux, on doit s’attendre à ce que le motif initial de la consultation soit lié à l’anxiété ou à la phobie sociale.
Conclusion
Les clients évitants ont souvent tendance à s'accrocher à des relations rassurantes ; il est donc crucial de les encourager à instaurer des changements réels dans leur vie quotidienne, et ce, dans un délai relativement court (3 à 4 mois). Sans cela, il existe un risque de limiter la thérapie à un simple sanctuaire pour le client évitant, laissant ainsi une vie extérieure inchangée et toujours aussi anxiogène. De plus, il y a un danger de devenir trop surprotecteur envers ce client, en cherchant à le préserver d’une anxiété excessive. Or, cela empêcherait le client de renforcer sa capacité à prendre des risques. Il est enfin important de souligner que les caractéristiques de la personnalité évitante sont généralement plus faciles à traiter que celles de nombreux autres troubles de la personnalité.
Les informations publiées sur Psychologue.net ne se substituent en aucun cas à la relation entre le patient et son psychologue. Psychologue.net ne fait l'apologie d'aucun traitement spécifique, produit commercial ou service.
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ