​L'enveloppe du sacré: ART, INTIME, PEAU et Sacré

Les nuances subjectives que chacun peut introduire entre l'érotisme et la pornographie ne se rapportent-elles pas aux nuances subjectives que chacun introduit...

1 DÉC. 2017 · Lecture : min.
​L'enveloppe du sacré: ART, INTIME, PEAU et Sacré
Les nuances subjectives que chacun peut introduire entre l'érotisme et la pornographie ne se rapportent-elles pas aux nuances subjectives que chacun introduit, plus ou moins, entre la pudeur et l'impudeur.... ?En référence à la théorie psychanalytique, et dans l'après coup de la découverte d'une oeuvre théâtrale (1) autour du deuil et de la perte, je pense à Freud (Deuil et Mélancolie, 1917) (2), sacré Sigmund, et constate qu'il existe, effectivement, une différence fondamentale entre le deuil et la mélancolie comme traitement de la perte.Perte de « l'objet », quelque fois sous les traits d'un être cher mort ou simplement ailleurs, quitté, abandonné, "l'objet" quelque fois sans trait, un objet TOUT, indifférencié, non défini. On ne sait pas qui est cet « objet », son « ombre est tombé sur le moi » et l'a englouti.De la même manière, il existe une différence entre un art et une créativité mélancolique et jouisseuse, souvent exhibitionniste, nous transportant, l'air de rien, ou plutôt nous "jetant" vers des zones dérangeantes de la psyché humaine, parfois insoutenables, choquantes, angoissantes et,un art, façon (M)adeleine perdue proustienne, davantage nostalgique, amoureux et romanesque.Cet art là, soucieux de son public, construit son histoire, la structure, déploie les infinis possibles de sa langue, prend de la hauteur et surtout prend son temps… un temps essentiel et sacré.Le sacré… ? Temps sacré ? Lieu sacré ? Feu sacré ? Source sacrée ? Racines sacrées ?Qui prend le temps de lire Marcel Proust aujourd'hui ? Son temps perdu ne serait-il pas malheureusement à lire au pied de la lettre ?Nous n'avons plus le temps de nous mettre à la recherche de temps, pourtant heureusement perdus, ni de trouver de l'ombre auprès des jeunes filles en fleurs et d'effeuiller lentement et délicatement leurs jolis pétales…Nous n'avons même pas le temps de les laisser, comme les sentiments, germer, éclore, fleurir, grandir. Aujourd'hui les jeunes filles en fleurs sont cueillies encore vertes et déflorées bien avant d'être tombées de l'arbre…IL FAUT JOUIR d'elles TOUT DE SUITE et SOUS LES PROJECTEURS, les CONSOMMER sans se "prendre la tête", ni d'ailleurs prendre tendrement leur tête à elles entre les mains, pour un simple baiser... volé…? voilé ? violé ? ni prendre le temps d'entendre ce qui en sort de ces belles caboches… si il en sort encore quelque chose… Sujet, objet …. Objet, sujet…Clin d'œil à Proust, pour Philippe Garel (3), le sacré est "ce qu'il reste quand tout est perdu", c'est "la découverte que l'ailleurs est ici-même". Encore faut-il être en capacité de perdre, de créer du vide, de supporter le manque, l'absence, le rien, le silence, l'attente. Denrées rares en 2014.Encore faut-il avoir reçu quelque chose à perdre… Penser que ca vaut la peine d'attendre, de différer…Qui prend le temps de préparer, en pleine conscience, un feu sacré avec toute la symbolique qu'il y a derrière, aujourd'hui? Non, les cheminées sont interdites ou bouchées de nos jours... trop dangereux... trop coûteux... trop long et compliqué... has been... obsolète... sécurité paranoiaque quand tu nous tiens...L'air du temps est davantage au tous connectés, tous agrippés à la toile, sans attente, sans vide, sans espace pour rêver, penser, imaginer, fantasmer, s'ennuyer. Chemin court de satisfaction, bien souvent narcissique, quand il ne s'agit pas de pure décharge pulsionnelle dans le passage à l'acte.Les détours par la pensée, l'élaboration, la préparation, l'imagination, l'exploration, jeux de cache-cache… ? Les chemins longs de satisfaction… ?Non, Messieurs dames, nous n'avons pas de temps, pas d'espace, c'est trop douloureux, trop couteux…Nous sommes bien dans l'économique, crise économique, crise de l'économique… C'est la crise adolescente dans l'économie pulsionnelle ! Sommes-nous des esclaves de l'économique et la quantité? Quantité, qualité ? Alors !!!! Qui est prêt à faire le grand saut qualitatif ?Le sacré ? Par définition, le sacré s'oppose au profane et à l'utilitaire.Mais revenons à nos Moutons, la différence entre le deuil et la mélancolie dans le traitement de la perte donc, s'ancre dans une nuance très subtile mais fondamentale qui est la présence ou l'absence de pudeur et de honte chez l'endeuillé, chez l'artiste, chez l'être humain... La pudeur et ses contours, ses frontières, ses limites… propres à chacun, chaque histoire singulière, chaque famille, chaque époque, chaque culture.Où traite-t-on la perte, le deuil? Dans quel lieu? Dans quel espace?Dans un espace sacré ?Peut-on tout traiter, tout montrer, au théâtre, sur scène, au cinéma ? Où situer les limites aujourd'hui ?Que signifie pudeur aujourd'hui ? Que signifie intimité à l'heure du virtuel et des réseaux sociaux ?Peau et PudeurMoment fondateur et essentiel dans l'évolution d'un être, l'acquisition de la pudeur est organisatrice de la rencontre entre les sexes, elle protège et est porteuse de valeurs créatrices... Elle permet l'espace de l'intime et du secret...un espace de jeu, de je, un espace à soi, un espace de créativité. Un espace pour inviter l'autre parfois, intimement. Espace de jeu réel, espace de je interne…La possibilité de la pudeur articule le mouvement entre l'espace intérieur et l'extérieur...Telle une peau symbolique protectrice, enveloppante, la pudeur voile, perçoit, régule, sens, rassemble et contient notre intérieur. Notre « chez soi » réel et psychique.La pudeur introduit une limite entre l'intime et le public de la même façon qu'il existe une frontière entre la scène théâtrale et le public, une frontière entre la scène et les coulisses aussi, entre le temps et l'espace de création, de préparation et de répétions d'une pièce, le temps et l'espace de la représentation et du jeu, le temps et l'espace de l'après coup, de repositionnement, de retouche…Avant, pendant, après… Passé, présent, futur…Les trois coups au théâtre… trois temps, trinité, coup de théâtre... Pour quelle intigue, quel scénario?Une enveloppe charnelle est pour chacun singulière. Qu'elle soit réelle ou symbolique. Parfois douce, parfois dure, épaisse, fine, trouée, blessée, brulée, marquée, le grain de chacune est particulier.Grain de peau, grain de folie, grain de beauté… peau de chagrin, fleur de peauLa texture, la sensibilité, le goût, l'odeur, la couleur, autant de particularités épidermiques qui en constitueront l'identité.En cachant le corps, elle donne accès à la narration, à l'historicité, au verbe, au langage.Cette peau protectrice permet à la voix de se déployer...et crée la profondeur de champ. Paradoxalement, la profondeur de champ relègue le regard, la vue, le corps réel au second plan.Le corps s'efface pour permettre au langage de se déployer. Le dialogue, l'érotique des mots, le sens deviennent plus intéressants que le corps brut, le corps si ennuyeux et répétitif de la pornographie.Les maux du corps charnel deviennent les mots d'un nouveau corps, un corps autre, un corps psychique, un corps pensé, érotisé, parlé. Un corps raconté, vécu, historicisé.Les mots prennent corps, le recouvrent, le voilent, le protègent, le consolent.Mots et corps s'entremêlent, s'éprennent, célèbrent leurs noces.Sacré et ProfaneDe la même façon, la frontière entre le sacré et le profane s'ancre dans une nuance, une séparation axiologique entre divers éléments.Où situer cette séparation de nos jours ? Collectivement puis individuellement?La notion de sacré n'est-elle pas elle aussi une notion subjective dans sa définition individuelle ?Ce qui est sacré pour toi est un sacrilège pour moi… Ce qui est sacré pour moi est une profanation pour toi…Où en est-on de sa définition collective et universelle aujourd'hui ?Le Sacré ?Est-ce la rareté ? Le hors du banal, du commun ? L'inaccessible ? L'indisponible ? L'interdit ? L'espoir ? Le divin ? Le religieux ? Le mystère ? L'étrange ? L'étranger ? L'inouï ?Est-ce l'essence ? L'essentiel ?Est-ce quelque chose d'établit par les règles sociales, familiales, groupales ?Ou est-ce davantage une expérience personnelle et singulière individuelle ?Fait-on l'expérience du sacré ? Laquelle ? Une expérience affective ? De transcendance ?Selon Camille Tarot (4), d'un point de vue anthropologique, le concept du sacré semble devoir être admis comme une donnée constitutive de la condition humaine, c'est-à-dire comme : "une catégorie universelle de toute conscience humaine", face à sa finitude et à sa condition de mortel.Enfin, toujours pour Camille Tarot, le sacré serait à l'origine du fait religieux, lequel serait à reconnaître "dans la conjonction du symbolique et du sacré".Le sacré entre ainsi dans "la composition d'une essence, celle de son identité". Cette définition évoque irrésistiblement "la profondeur ontologique dans laquelle s'enracine le "sentiment" du sacré et donc l'importance de celui-ci dans toutes les cultures".Ne suis-je pas en train de parler de sépulture ? Sépulture réelle ? Sépulture psychique ? Sépulture symbolique ? Ne suis-je pas en train de parler du respect nécessaire du temps sacré de deuil, du temps psychique, du temps inconscient, du temps de la mort ?Respect d'un espace sacré de pensée, de jeu, de je, d'intimité ? Temps et espace qui ne peuvent exister que lorsque qu'une peau psychique et symbolique existe, elle aussi, et protège ce lieu intime et sacré. Ce chez soi pudique et à l'ombre. Une ombre protectrice. Cette ombre là est salutaire, différente de l'ombre mélancolique de l'objet qui engloutit, submerge.La possibilité d'une île ?Ne suis-je pas en train d'évoquer le temps de l'ETRE, l'être qui est pour la mort, intimement conscient du caractère précaire et fragile de la vie... acuité sentie au plus proche de son être lui permettant d'être d'autant plus vivant, présent, incarné ?Un temps autre, un espace autre, le temps et l'espace du rêve, de l'essentiel, de l'inconscient…Un autre temps dans une autre scène, un autre lieu, bien différent du temps de l'horloge réelle, des « planifications économiques du temps » et autre optimisation et pressi

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Écrit par

Julie Le Rousseau, Psychanalyste

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