Les relations insatisfaisantes et conflictuelles récurrentes ou le triangle dramatique en jeu

Dans une situation insatisfaisante, nous pensons communiquer. Pourtant, nous n’établissons pas une «véritable» communication. Nous avons tendance à éviter la réalité et à jouer un rôle.

6 MARS 2018 · Lecture : min.
Les relations insatisfaisantes et conflictuelles récurrentes ou le triangle dramatique en jeu

Qu'est-ce que le triangle dramatique* ?

Au lieu d'échanger sur la base de faits concrets, d'émotions vécues et de besoins réels, de manière authentique, nous avons tendance à éviter de nous « confronter » à la réalité en nous cachant derrière des rôles. Généralement, ces rôles sont répétitifs, frustrants et ils renforcent le manque de confiance et la dévalorisation de soi.

Pourquoi en est-il ainsi ?

Chacun des 3 acteurs du triangle cherche à satisfaire des besoins affectifs non comblés. Ces besoins sont, la plupart du temps, non conscients. Chaque acteur a donc des attentes envers les autres, pour satisfaire ses besoins.

Quels sont les 3 rôles de ce triangle dramatique?

Les 3 rôles sont la victime, le persécuteur (bourreau), le sauveur.

  • La Victime se plaint, dit qu'elle n'a pas de chance, se sent en échec, ressasse ses problèmes aux autres, devient agaçante. Elle se positionne comme inférieure et cherche un sauveur ou un bourreau pour conforter sa croyance.
  • Le Persécuteur/Bourreau attaque, dévalorise, humilie, ironise, donne des ordres et veut s'imposer. Il considère la victime comme inférieure.
  • Le Sauveur étouffe, apporte une aide inefficace, créer la passivité par l'assistanat. Il considère aussi la victime comme inférieure et l'aide même si elle n'en fait pas la demande.

Ces rôles ne sont pas figés, ils sont interchangeables. Des « coups de théâtre » peuvent se jouer lorsqu'un des rôles devient insupportable pour un acteur. Il bascule dans un autre rôle et ses interlocuteurs sont entrainés dans ce changement.

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Comment sortir du triangle dramatique?

Ce type de jeu est néfaste. S'il semble apaiser les acteurs sur le moment en nourrissant leurs besoins affectifs superficiellement, il conduira à des insatisfactions à moyen et long terme.

Les facteurs clés pour en sortir sont notamment :

L'observation menant à la compréhension de ce qui se joue :

  1. prendre conscience du jeu que l'on joue et de ceux des autres acteurs
  2. repérer quand le jeu commence à se mettre en place et l'arrêter
  3. refuser de rentrer dans ce type de relation

L'ajustement de ses réactions pour de meilleures interactions :

  • 1. Si vous avez tendance à occuper le rôle de la victime : il s'agira d'identifier vos besoins réels à ce moment-là, de prendre la responsabilité de les satisfaire. Si vous avez besoin d'aide, sollicitez là en faisant une demande claire et assurez-vous que votre interlocuteur ne cherche pas à trouver la solution à votre place mais vous aide à élaborer votre propre solution et vous soutien dans sa mise en place.
  • 2. Si vous avez tendance à vouloir sauver les autres, tel un sauveur : demandez à votre interlocuteur de quoi il a besoin, aidez-le à formuler sa demande si cela est difficile pour lui (en écoutant, questionnant, reformulant), mettez au clair si vous vous sentez en capacité de répondre à cette demande de manière sincère et posez les limites de votre intervention.
  • 3. Si vous avez tendance à réagir en bourreau et à vous laisser emporter par l'agressivité : connectez-vous physiquement à cette montée de colère, ralentissez le rythme pour la canaliser, comprenez d'où elle vient (ex : qu'est-ce qui vous énerve dans le comportement d'une personne, d'une situation à ce moment-là), regardez en quoi la colère parle de vous et faites le tri entre ce qui vous appartient dans cette colère et ce qui doit être réglé dans la situation présente. Nommez clairement sans trop d'agressivité ce qui se passe et proposez la discussion pour sortir de la situation insatisfaisante.

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En comprenant ce qui se joue et en régulant son intervention, chacun des acteurs peut reprendre sa responsabilité et la pleine possession de ses moyens.

Un exemple concret du jeu de rôles

  • Une interaction de couple

Le mari rentre à la maison après sa journée de travail, la femme a envie que son mari communique avec elle car elle a besoin de partager.

Femme (sauveur) : est-ce que tu veux que je te fasse à manger ? tu dois être bien fatigué

Mari (bourreau) : non pas maintenant, tu sais bien que j'ai juste envie d'être tranquille devant mon ordinateur en rentrant. Je n'arrête pas de te le répéter.

Femme (devient victime) est frustrée et triste du refus de l'interaction : voilà c'est comme d'habitude, je veux te faire plaisir et ce que je récolte c'est du refus et même du rejet.

Mari (bourreau) : mais j'en ai marre de t'entendre te plaindre systématiquement pour tout. Laisse-moi tranquille, tu me fatigue.

Femme (bascule en bourreau) : Tu vois ce que tu me fais. Avec toi je ne suis pas heureuse. Oui, c'est toujours la même chose car tu ne fais pas attention à moi. Moi aussi j'ai besoin de toi, j'ai des problèmes et je suis fatiguée. Tu n'es qu'un égoïste

Mari (bourreau) ne dit rien, lève les yeux au ciel et hausse les épaules en regardant sa femme très directement

Femme (victime) ne répond pas, s'en va en pleurant dans sa chambre

Mari (sauveur) se sent coupable, au bout de 5 minutes, va voir sa femme et essaye de la consoler : Tu sais, je tiens à toi, tu es tellement importante pour moi. Ne pleure pas, ça va aller.

Femme (sauveur) veut rassurer son mari tout en se rassurant elle-même : oui je sais, moi aussi je t'aime tellement. Tu es toujours là pour moi.

Cette séquence, fait apparaitre les besoins respectifs des partenaires du couple :

Pour la femme, le besoin d'être considérée, prise en compte, écoutée et rassurée.

Pour le mari, le besoin de calme, d'espace pour lui et de distance.

A l'issue de la séquence, la tension dans le couple semble apaisée mais rien des besoins de l'un et de l'autre n'a été pris en considération. Il y a une impasse de communication qui ne règle pas la situation et ne permet pas aux personnes de transformer leur fonctionnement et de grandir affectivement.

Sortir de cette situation dans l'exemple du couple

Femme (persécuteur) : Quand même depuis tout le temps où nous vivons ensemble, c'est usant d'en être toujours là. Tu devrais le savoir et agir autrement !

Mari (reconnaissant la situation) : Oui, c'est vrai

Mari (victime) : En rentrant, j'ai juste besoin de m'asseoir et de me détendre. Tu ne sais pas comme je n'en peux plus de ce travail.

Femme (reconnaissant la situation) : Je suis désolée que tu te sentes si fatigué et lassé. De quoi as-tu besoin tout de suite ? Comment pourrions nous faire pour éviter ce type de situation désagréable ?

Mari (souhaitant transformer la situation) : je propose que l'on s'alerte l'un et l'autre quand on commence à s'enfoncer dans ce cercle vicieux

Femme (souhaitant transformer la situation) : ok, on va essayer et on verra.

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Quel enseignement pour développer du mieux-être ?

Sortir du triangle dramatique en prenant pleinement possession de ses besoins, de ses envies, en les mettant en place concrètement, permet d'être beaucoup plus accompli et de mener une vie dans laquelle chacun est aux commandes et pas agi par les autres.

Cette posture est à l'opposé de l'isolement puisqu'elle va permettre de s'entourer de personnes soutenantes et bienveillantes authentiquement, qui vous apprécieront pour qui vous êtes. Elle permettra aussi de faire fuir les manipulateurs ou en tous cas de s'en méfier et de les mettre à distance.

*Eric Berne, psychiatre et fondateur de l'analyse transactionnelle (AT), a mis en évidence des « jeux psychologiques » dans la communication interpersonnelle. Stephen Karpman médecin psychiatre, psychologue a ensuite nommé le concept de « triangle dramatique » (ou encore appelé triangle de Karpman).

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Emmanuelle Lecomte

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Commentaires 2
  • Nathalie FOLLMANN

    En tant que praticienne en hypnothérapie clinique intégrative, je trouve cet article très intéressant et voulait rajouter un élément. Comme indiqué, le triangle dramatique se nomme plus exactement "le triangle de Karpman" qui décrit ce jeux de manipulation de la communication ou jeux pervers psychologiques. inconscients. C'est à dire que sans s'en rendre compte, nous pouvons nous laisser piéger dans ce mode de communication (comme décrit dans l'article) du triangle dramatique, et prendre à tour de rôle, la position du "sauveur" au "persécuteur", ou de" victime" Même si je ne partage pas le dialogue noté sur l'échange de la femme ("bascule en bourreau") pour moi elle continuer à jouer le rôle de victime. Mais je rajouterais qu'il est très difficile de se rendre compte de ce piège de la communication. A la base, les protagonistes ont des failles affectives qui n'ont pas été réglées et entretiennent une communication piègeante (triangle de Karpman) où chacun rejoue leurs manques, leur fragilité de leur conditionnement du passé. Je préconise donc si certains se reconnaissent dans ces jeux psychologiques dramatiques, de consulter un thérapeute afin de travailler sur soi. Car rappelez vous, ce n'est jamais l'autre uniquement, mais nous jouons aussi un rôle dans cette communication, comme décrit dans l'article.

  • Sanna

    Bravo pour cet article lucide!

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