Les troubles du sommeil et les thérapies cognitives et comportementales - 3/3
Les thérapies cognitives et comportementales se composent de plusieurs méthodes pour la prise en charge des troubles du sommeil. La phase 1 "éducation thérapeutique du patient" est traitée dans l'article 2/3.

2/ La partie comportementale avec la mise en place du contrôle du stimulus et de la restriction de sommeil
La mise en place de l'agenda de sommeil va apporter de nombreuses informations sur la typologie du sommeil de la personne. Ce document va permettre de noter l'heure de coucher, l'heure de lever, la sieste, de calculer le temps de sommeil (ce qui permettra de compter le nombre d'heures habituelles de sommeil par nuit), les réveils nocturnes et le délai de réendormissement, la qualité du sommeil, la qualité du réveil, la forme de la journée (la somnolence si besoin), les activités spécifiques de la journée (par exemple, sport à 18 heures), la prise de médication (hypnotiques ou anxiolytiques, antalgiques…).
L'analyse de l'agenda va aboutir au contrôle du stimulus et de la restriction du temps passé au lit (techniques comportementales) qui sont la plupart du temps associées l'une avec l'autre pour parvenir au succès.
La restriction du temps de sommeil vise à améliorer l'efficacité́ du sommeil en réduisant le temps passé au lit. Elle conduit alors à une pression de sommeil suffisante pour assurer l'endormissement le soir suivant. En effet, la pression de sommeil est un des facteurs naturels agissant sur les cycles d'endormissement.
De nombreux insomniaques pensent améliorer leur sommeil en augmentant le temps passé au lit. Au contraire, cela va fragmenter, alléger le sommeil et perpétuer l'insomnie. L'objectif, en analysant l'agenda de sommeil, est de déterminer le temps réel de sommeil nécessaire pour l'insomniaque et au début de la prise en charge de créer une dette de sommeil pour réactiver un sommeil de meilleure qualité puisqu'il y a maintenant une pression de sommeil. Les calculs de réajustement se font semaines par semaines pour parvenir à un temps de sommeil au plus proche du besoin du client et le sommeil va alors être de meilleure qualité. Un endormissement plus rapide, un sommeil plus profond et moins fractionné sont des gains importants générés par ces thérapies pour l'insomnie. Un risque de somnolence diurne excessive en début de traitement est à signaler au patient.
Toutefois, il est important de préciser que les thérapies cognitives et comportementales ne vont pas induire des durées plus longues de sommeil parce qu'elles s'appuient sur le besoin physiologique du client. Tous les individus n'ont pas les mêmes besoins et surtout, ces besoins évoluent tout au long de la vie de façon ponctuelle ou plus pérenne.
La thérapie par contrôle du stimulus permettra, elle, d'associer le lit au sommeil. Très souvent, une personne insomniaque a tendance à rester au lit pour tenter de se rendormir et, par conséquent, un temps prolongé d'éveil au lit va se mettre en place. La perception du patient de « ne pas arriver à dormir quand il se couche » en sera amplifiée. Des conseils tels que « N'aller se coucher qu'en cas de fatigue », « se relever la nuit si l'on ne se rendort pas immédiatement » sont donnés pour favoriser le contrôle du stimulus.
Des activités incompatibles avec l'endormissement (par exemple, l'utilisation d'écrans lors du coucher ou l'anxiété anticipatoire de ne pas dormir) sont usuelles chez les insomniaques. Certains d'entre eux ont pris l'habitude (conditionnement) de s'endormir sur le canapé ou dans un fauteuil parce que leur lit est négativement associé à une anxiété de ne pas parvenir à s'endormir dans la chambre à coucher.
Les mesures comportementales de contrôle du stimulus vont à nouveau créer une association positive entre le lit, la chambre à coucher, l'heure du coucher et le sommeil et in fine une régulation du sommeil. L'objectif est d'apprendre à cette personne insomniaque à s'endormir rapidement (en moins de 30 minutes) et à maintenir son sommeil. En revanche, il est essentiel que le client évite de rester au lit lors des éveils pour renforcer l'association lit et sommeil. De plus, des apprentissages relatifs aux siestes, à un temps de latence calme, exempt d'écrans d'une heure avant le coucher, voire d'un rituel sont cruciaux.
3/Initiation à la relaxation, respiration consciente ou pleine conscience pendant plusieurs séances avec les exercices à réaliser chaque jour à la maison pour un recentrage sur les sensations corporelles et sur l'attention à la respiration. Prise de recul par rapport aux émotions, pensées, rôle du stress et de l'anxiété (définition, compréhension, identification, conséquences et gestion)
De nombreuses méthodes existent. Elles permettent de diminuer les tensions musculaires ou psychiques. Certaines d'entre elles ciblent la tension musculaire (la relaxation musculaire progressive de Jacobson ou le training autogène de Schultz, le yoga ou le tai-chi), d'autres sont plus dévolues à la tension mentale (méditation ou l'imagerie mentale). Les préférences individuelles, l'accessibilité et la facilité d'application aideront à faire le bon choix. De plus, de nombreuses applications digitales (internet, réseaux sociaux, applications pour téléphones) ou encore des séances ou ateliers associatifs permettent la mise en pratique de la relaxation ou la méditation (qui n'est pas une méthode de relaxation. Son effet est d'une autre nature !). Le choix doit permette d'obtenir un sentiment de « lâcher-prise » et favoriser le sommeil. Idéalement, leur mise en application dans la journée doit permettre de faire baisser le stress, et lorsque la technique est bien intégrée, être utilisée pour favoriser l'endormissement ou la gestion des réveils nocturnes.
4/Techniques cognitives pour lutter contre les pensées dysfonctionnelles relatives au sommeil
Les pensées dysfonctionnelles alimentent une anxiété qui va créer une activation cognitive et physiologique empêchant l'endormissement. L'Echelle des croyances et attitudes dysfonctionnelles à propos du sommeil (CAS) de C. Morin est l'un des questionnaires ciblant les processus cognitifs négatifs sur ce sujet.
Le thérapeute va ainsi interroger son client par un questionnement socratique (questions ouvertes), pour que le patient identifie sa problématique sous différents angles et puisse envisager un changement dans son schéma cognitif initial. Il va donc prendre conscience et comprendre ses pensées fausses sur le sommeil et peu à peu tendre vers un processus positif, encourageant des croyances favorisant le sommeil (restructuration cognitive). Celle-ci va aider le client à remettre en question son interprétation de la situation et à diminuer l'activation cognitive, émotionnelle et physiologique.
Les pensées dysfonctionnelles peuvent être
- des objectifs irréalistes à atteindre,
- une anxiété de performance associée au sommeil,
- une intolérance au manque de sommeil
- une dramatisation des conséquences du sommeil,
- des conceptions erronées des causes de l'insomnie,
- des croyances erronées à propos de l'utilité de certains comportements
- blâmer l'insomnie de tous les maux.
Habituellement, le travail cognitif est accompagné des techniques comportementales.
La mise en place de ces thérapies est tout à fait possible alors que le client est déjà sous médication. Le relais entre l'arrêt des médicaments et les thérapies seules se feront sous supervision et uniquement décision du prescripteur.
La prise en charge de l'insomnie par les thérapies cognitives et comportementales a un taux de succès supérieur à 70%.
Bibliographie :
Effets des écrans sur le sommeil des adolescents - résultat de l'enquête du réseau Morphée auprès des collégiens et lycéens franciliens
Thèse présentée à l'université de Sherbrooke comme exigence partielle du doctorat en psychologie (D.PS.) Par NADINE MOURAD M.A. - Septembre 2015
L'application d'un traitement cognitivo-comportemental de l'insomnie chez les enfants présentant un trouble réactionnel de l'attachement
https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/8800?show=full
Université De Bordeaux - UFR des Sciences médicales - Année 2019 N°123
Thèse pour l'obtention du Diplôme D'Etat De Docteur En Médecine Générale - Louise Heurtaux
Présentée et soutenue publiquement le 12 septembre 2019
Etude de la prise en charge non médicamenteuse de l'insomnie en établissements d'hébergement
pour personnes âgées dépendantes
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02516557
Duy Thai Nguyen. Evaluation de déterminants influençant le sommeil : effets de l'activité physique,
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2021. Français. NNT : 2021GRALS038. tel-03642096
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Traitement des troubles du sommeil par thérapies cognitivo-comportementales dans la fibromyalgie :
intérêt sur la douleur et la qualité de vie
Elodie COUTURIER - Mémoire UE28 - Année scolaire : 2021-2022
RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE - Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et de la Réadaptation
https://kinedoc.org/work/kinedoc/Nantes-2022-COUTURIER-Rhumatologie.pdf
Élaboration et évaluation d'un guide de thérapie cognitivo-comportementale pour le traitement autonome de l'insomnie chronique : étude " Read & Sleep "
Brice-Diego Castiel Submitted on 20 May 2020
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02613619v1
Prise en charge de l'insomnie chronique : analyse d'un atelier du sommeil à Nantes
Thèse d'exercice / Université de Rennes 1 - Faculté de Médecine
Thèse en vue du diplôme d'état de docteur en médecine
Anne-Claire DUFLOT épouse LE ROUX
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02145706/document
Présentée pour le diplôme d'état de Docteur en Médecine - Tiphaine MONTALESCOT
Ressentis des médecins généralistes sur la prise en charge non médicamenteuse de l'insomnie chronique
Thèse pour l'obtention du grade de Docteur en Médecine
Présentée et soutenue publiquement le mercredi 28 octobre 2020 - CARALP Augustin
La pratique des Thérapies Comportementales et Cognitives par les médecins généralistes du
Calvados dans l'insomnie chronique des patients âgés de 18 à 65 ans.
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03205189/document
Sylvain Dagneaux « Prendre en charge l'insomnie par les TCC »
Benjamin Lubszynski « Bien dormir, ça s'apprend ».
Une liste d'ouvrages sur l'insomnie et abordant pour certains d'entre eux les TCC-I est disponible sur l'espace documentation du site du Réseau Morphée (56).
Faire la lumière sur notre activité nocturne
Modifié le : 08/11/2024 Publié le : 07/08/2017 Temps de lecture : 20 min
https://www.inserm.fr/dossier/sommeil/
Chronobiologie, Les 24 heures chrono de l'organisme
https://www.inserm.fr/dossier/chronobiologie/
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