L'importance d'un traumatisme physique subi pendant l'enfance

Étude d'un cas où un accident de la route subi dans l'enfance gagne en importance en cours de thérapie.

16 DÉC. 2019 · Lecture : min.
L'importance d'un traumatisme physique subi pendant l'enfance

La complexité de la psyché fait que souvent, la demande initiale d'un patient peut perdre de son importance et le cours de la psychothérapie peut conduire à un chemin inattendu. Certains aspects du passé peuvent gagner en importance pendant cette évolution, propre à la psychothérapie d'orientation analytique. Le cas qui suit illustre ce point de vue. Il s'agit d'une prise en charge qui a duré 3 ans, à raison d'une séance par semaine.

D'une dépression... 

Mme D vient me voir pour sa déprime en lien avec un problème de fertilité non résolu. Elle évoque aussi un accident de la route subi en tant qu'enfant. Elle pleure et se décrit comme dominée par le sentiment d'échec. En fait, elle commençait une nouvelle relation de couple et était déçue de nouveau par l'impossibilité d'avoir des enfants. Cette fois, son conjoint en avait déjà et n'était pas intéressé de redevenir père avec elle – le problème de la fertilité ne se posait même pas. Il y avait néanmoins une véritable satisfaction de la patiente en rapport avec cette relation, alors la tristesse apparaissait comme liée surtout au passé. Mme D était bien plongée dans ses souvenirs. D'autres échecs ressortaient, par exemple celui de ne pas avoir fait des longues études, comme sa sœur aînée. Mme D en voulait à sa mère, qui aurait toujours été derrière elle quand il y avait une difficulté, pour l'aider effectivement. Au départ, elle avait acquis une profession de santé, pour changer de registre à un moment donné, et se diriger vers un travail administratif, dont elle n'était pas non plus particulièrement contente.

Installée dans sa psychothérapie, elle arrive à évoquer une relation qui aurait pu conduire à la conception d'un enfant, mais n'étant pas satisfaisante, s'est terminé de façon déplaisante. En même temps, elle décrivait mieux sa famille d'origine. Dans le présent, elle avait besoin de reconnaissance de la part de sa mère et de sa soeur. D'un autre côté, elle se sentait un peu exclue du couple formé par sa mère avec sa soeur, qui avait des enfants. Cette différence renforçait sa souffrance de ne pas en avoir. Elle avait l'impression que sa mère lui en voulait pour ce manque. La mère lui justifiait ainsi son lien plus proche avec son autre fille. Mais en fait, il y avait aussi le trauma de la mort du père, avec lequel elle avait formé un autre couple dans la famille. Le père l'aurait bien soutenu au moment de l'adolescence, et elle aurait eu encore du mal d'accepter sa mort. À l'époque, elle était plus proche de lui que de sa mère. En fait, le père considérait sa mère coupable de son accident.

À la cause réelle : un accident de la route

Il s'agit d'un accident de la route, qui a eu lieu quand elle avait 6 ans. Elle voulait aller voir une copine qui habitait à côté de chez elle, mais pour ce faire, il fallait traverser la rue. Elle était avec sa mère, mais en fait, elle n'a jamais décrit la scène par le menu, apparemment, tout était resté flou. La petite qu'elle était se trouvait dans les clous, mais un véhicule l'a quand même renversé. Amenée à l'hôpital, elle restera plusieurs jours dans le coma, avant de regagner ses esprits. Pendant l'hospitalisation elle s'est senti très seule - elle était trop grande pour être accompagnée de sa mère. Elle gardait le souvenir d'avoir attendu sa mère tous les jours pendant cette période.

D'autres souvenirs concernant l'accident sont restés vagues. Il est possible que le trauma physique ait eu des effets cérébraux empêchant l'enregistrement de l'événement. Mais ce fâcheux accident aurait crée un noyau conflictuel dans la famille, éclaircissant pour la problématique de la patiente. Elle s'est sentie abandonnée par sa mère, qui bien que l'ayant visité tous les jours, celle-ci n'aurait pas été suffisamment présente à ses côtés. Se sentant coupable, la mère, d'un côté aurait essayé par la suite de tout faire pour sa fille, d'un autre de en lui poser que peu de limites. Quant à elle, la soeur, plus âgée, s'est senti également abandonné par leur mère, avec le sentiment que la petite accidentée lui est préférée. Le père reprochait davantage à sa femme l'accident, ce qui entretenait un conflit entre parents, conflit qui aurait donnait à la patiente une mauvaise image de sa famille. Son infertilité pourrait être comprise en lien avec cette image, comme un refus inconscient de l'enfantement, dans une famille où le père était aussi peu présent à la maison.

La patiente a accepté progressivement le rôle important de cet accident dans son enfance, rôle ignoré auparavant. Sa tristesse serait comme une conséquence de la perte de l'état mental préexistant – le besoin de reconnaissance supposerait aussi que le statut de victime obtenu ne fut pas suffisant. Mais la patiente se rendait compte que la confrontation au souvenir de l'accident lui avait ouvert des voies pour comprendre ses relations de famille. Les conséquences dans le présent étaient l'amélioration de la relation avec sa mère, mais aussi avec sa sœur aînée. La diminution de la dépression lui a permis de mieux accepter le manque d'enfant. Elle était mieux insérée socialement. A la fin de sa psychothérapie, Mme D se sentait mieux, était satisfaite de sa relation de couple et envisageait un nouveau changement de profession.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Radu Clit

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