Maladies et douleurs chroniques : un langage à décrypter

Le corps ne cherche-t-il pas à faire passer un message lorsqu’il a mal de façon continue, message que les médecins ont bien du mal à traduire ?

26 MARS 2019 · Lecture : min.
Maladies et douleurs chroniques : un langage à décrypter

D’hôpitaux en cliniques, de spécialistes en généralistes, de psychologues en psychothérapeutes, les patients atteints de douleurs chroniques cherchent désespérément une explication à leurs souffrances. Le corps ne cherche-t-il pas à faire passer un message lorsqu’il a mal de façon continue, message que les médecins ont bien du mal à traduire ? C’est probablement pour cette raison qu’ils font de plus en plus appel à la psychologie et à la psychothérapie afin de tenter d’élucider ce mystérieux langage...

Une maladie chronique non cancéreuse - ou Syndrome Douloureux Chronique - est une maladie dont les douleurs durent depuis plus de 6 mois, sont ressenties au minimum 2 fois par semaine avec une intensité d’au moins 4 sur une échelle de 1 à 10. La douleur chronique ce n’est pas simplement avoir mal, c’est avoir mal tout le temps, et là réside toute la différence. (Pour plus de précisions sur la douleur chronique, veuillez consulter le site de la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur.)

30% de la population générale souffrirait de douleurs chroniques non cancéreuses, parmi lesquelles on peut compter : la rectocolite, l’arthrose, la lombalgie, la fibromyalgie, la migraine, la vulvodynie… et bien d’autres encore.

Un casse-tête médical

Les douleurs chroniques sont parfois difficilement compréhensibles pour la médecine. On ne connaît pas toujours leurs origines, ni la meilleure façon de les soulager. Contrairement aux douleurs « classiques », elles s’éternisent. Les malades vont ainsi de spécialistes en spécialistes, expérimentent des traitements aussi divers qu’inutiles et sont laissés souvent démunis avec cette fameuse phrase pour toute conclusion « C’est dans votre tête », ainsi accusés du syndrome du malade imaginaire. Il faut dire que c’est encombrant, pour la médecine, un patient qu’on n’arrive pas à soigner malgré tous les efforts fournis !

Il faut les comprendre aussi les médecins, à la base, c’est très simple : une douleur, quelle qu’elle soit, est une réaction naturelle de notre corps à une lésion. Point barre. Oui mais voilà… ce n’est pas toujours aussi évident. Parce que de la même façon qu’on peut avoir une blessure sans ressentir la moindre douleur, on peut souffrir d’une intense douleur sans avoir la moindre blessure et c’est là que les choses se corsent pour le milieu médical.

La douleur repose en un premier lieu sur le ressenti du patient, et cela la rend difficile à quantifier et à qualifier puisque chaque ressenti est unique. Le milieu médical n’aime pas ce qui n’est pas quantifiable. Et pourtant, force est de constater docteur, que nous ne réagissons pas tous de la même façon face à la même blessure. Nous n’avons pas tous le même seuil de tolérance à la douleur, même L’INSERM le dit : « La douleur est subjective : elle peut être ressentie de façon extrêmement différente selon les individus, mais aussi chez une même personne, selon son environnement. Ces variations s’expliquent par le lien étroit entre la douleur et le contexte psycho-social. »

Plus aucun doute aujourd’hui donc que notre état d’esprit influe sur notre perception de la douleur. La souffrance psychologique d’un individu modifie l’intensité, la longévité et le ressenti de sa douleur physique. Pour résumer : plus je vais mal, plus j’ai mal.

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Des malades incompris

La maladie chronique limite fortement la qualité de vie des patients qui en souffrent : ils ne sortent plus, abandonnent peu à peu leurs activités, se détachent de leurs amis, parfois même leur famille. Ils s’isolent du reste du monde ce qui accroît considérablement leur mal-être. Au départ, c’est parce que toute activité est devenue trop douloureuse. Puis petit à petit, l’envie disparait, et le patient reste seul avec celle qui devient son unique compagne : la douleur.

Le sujet atteint de douleurs chroniques s’isole également parce qu’il se sent incompris : sa maladie n’est pas visible à l’œil nu, donc on ne le prend pas au sérieux, on a tendance à minimiser son état, et à lui sortir régulièrement des phrases du type « Il faut que tu arrêtes d’y penser et tu iras mieux », « C’est dans ta tête, changes-toi les idées », ou encore le fameux « Arrête de te lamenter sur toi-même ». Eh oui, un individu handicapé, en fauteuil roulant, on voit bien son handicap, on ne peut pas le nier et par le même coup on ne peut que compatir à sa douleur, aussi bien physique que morale. L’individu atteint de fibromyalgie par exemple, lui, n’est pas considéré, sa maladie ne se voit pas, sa souffrance est invisible à l’œil nu au point que l’entourage-même l’oublie complètement. De là à dire que tout ça « serait dans la tête » il n’y aurait qu’un pas. Mais là encore le corps médical se bute à un obstacle, parce qu’il ne peut jamais affirmer qu’une maladie chronique est totalement psychogène. En réalité, il reconnaît désormais, grâce entre autres, aux progrès de l’algologie1 que la douleur somatique est là, bien présente, mais qu’elle peut être engluée dans différents facteurs psychologiques qui l’empêchent de se libérer. Direction les cabinets de psychologie et de psychothérapie, afin de comprendre ce que cache cette douleur avec laquelle le patient fait corps.

De « J’ai mal » à « Je m’aime mal »

Ce que les thérapies révèlent, c’est que bien souvent, le « J’ai mal » tant entendu, peut aussi être compris comme « Je suis mal » ou encore « Je m’aime mal ». Une souffrance psychique que le sujet n’est pas parvenu à formuler, qu’il a parfois été contraint de taire, est alors projetée sur le corps.

Les mots pour exprimer l’anxiété, le mal-être, la dépression, la perte d’estime de soi, des traumatismes remontant parfois à la petite enfance, s’expriment à travers des maux bien plus loquaces que le langage verbal. Quand les mots se taisent, les maux prennent le relais et crient leur douleur. Esprit et corps s’entraident, s’allient afin de survivre, parce que le mal-être doit trouver une issue, quel que soit le moyen. L’inconscient doit lui aussi trouver une façon de s’alléger, et quand les mots n’y suffisent plus, il opte pour le langage du corps.

Et c’est précisément une des raisons pour lesquelles la plupart du temps, le patient s’oppose inconsciemment à une guérison de ses douleurs somatiques, qu’il les entretient et donne parfois l’impression qu’il se complait dans ses douleurs : parce qu’elles sont le seul moyen qu’il a trouvé pour exprimer sa souffrance psychique. Le corps devient alors un cri vital, un SOS qu’on ne peut bâillonner à coup d’anti-inflammatoires.

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Comment essayer de comprendre sa douleur ?

Il faut essayer de se poser plusieurs questions :

  • Que cherche à me dire mon corps douloureux ?
  • Qu’est-ce que je tais ? Qu’est-ce que mes mots ne parviennent pas à formuler ?
  • Pourquoi cette douleur insoutenable ne disparaît-elle pas malgré les différents traitements ?
  • Aussi étrange que cela puisse paraître, quels bénéfices suis-je en train de tirer de mes douleurs ?
  • À quoi ressemblerait ma vie si mes douleurs disparaissaient soudainement ?
  • Est-ce qu’il y a des choses de mon passé, de ma vie dont je ne parle plus mais qui demeurent à ce jour non réglées ?
  • Qui étais-je avant l’apparition de cette douleur chronique ?
  • Qui suis-je aujourd’hui ?

Ces réponses peuvent vous permettre de faire un lien entre vos douleurs corporelles et celles du psychisme. À partir de là, plusieurs possibilités s’offrent à vous :

  • Prendre rendez-vous dans une clinique spécialisée en algologie dans laquelle vous pourrez bénéficier d’une prise en charge mutlidisciplinaire (algologues, neurologues, psychologues, psychiatres, kinésithérapeutes…) ;
  • Entreprendre une thérapie comportementale et cognitive (TCC) ;
  • Consulter un.e thérapeute spécialisé.e dans la prise en charge de la douleur chronique (psychothérapeute, psychopraticien.ne).

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Vardis Christelle

Psychopraticienne et hypnothérapeute certifiée, je propose des psychothérapies analytiques, « par la parole », en face à face. Avec la plus grande bienveillance possible et sans aucun jugement, j'apporte mon aide pour permettre à mes patients de mieux se comprendre afin d’avancer, de sortir de ce qui leur semble être une impasse et d’améliorer leur bien-être.

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Commentaires 6
  • Sushi

    Bonjour, je suis fibromyalgie et j'ai porté beaucoup d'intérêt à votre article.. Je voudrais juste signaler, qu'il est difficile, après des années d'errance medical, d'accepter et de comprendre la nécessité de se rendre chez un psychologue ou un psychiatre.. Durant plusieurs années et devant plusieurs spécialistes, les patients chronique peuvent comprendre à mi mots "c'est dans votre tête, vous fabule, vos examens sont dans la plus grande normalité"... Alors quand un spécialiste vous "impose" de voir un psy.. Aie aie aie.. On me prend encore pour un folle !!!!!!!! J'ai eu la malchance de faire un burn out "professionnel"... +/- de la malchance, car cette maxi dépression m'a permise de rencontrer une psychologue, qui je le pense vraiment, m'a sauver la vie... Malheureusement, avant de rencontrer Delphine, j'étais avec une autre praticienne qui me détruisait plus qu'elle ne m'aidait.. Ça "n'accrochait" pas je pense.. Et franchement avec 30 minutes de consultation, il était impossible de faire un travail conséquent.. Du coup, je ne faisais que plonger plus profondément dans les abîmes de la dépression, sans réaction positive de cette personne... Un jour, valerie (mon amie psychologue) m'a dit.. Stop ce travail ne te convient pas changé tout de suite voilà le numéro d'une collègue tu appelles de ma part et tu y vas rapidement.. Et j'ai embarqué avec Delphine, quasi 1 jour par semaine, avec un travail de TCC... Ce travail est difficile, fastidieux, douloureux, triste.... Mais, je dois bien l'avouer.. NÉCESSAIRE.. Je suis toujours fibromyalgie, il n'y a pas de miracle non plus. Mais j' apprends a mieux gérer mes douleurs au quotidien avec bien évidemment, toujours des hauts et des bas.. Mon syndrome anxio dépressif lié à la douleur est toujours présent la preuve ma neurologue m'a orienté vers un psychiatre (et oui, 17 ans de douleurs "ignoré" par le corps, ça laisse des traces) en plus de Delphine.. Mais j'y vais, j'avance et j'y crois.. Voilà tout ça pour dire qu'il faut le faire, ce n'est pas un échec, ce n'est pas un manque de reconnaissance de la part des médecins.. C'est une réalité, c'est un traitement !!!! Par contre, le hic de ce traitement avec une psychologue c'est le coût.. Zéro prise en charge du côté de la sécurité sociale car zéro reconnaissance de notre maladie.. L'ALD est parfois accepté, mais ne comprends pas la prise en charge d'un psychologue.. Psychiatre oui, mais le problème c'est que ce praticien soigne avec des traitements médicamenteux.. La psychologue soigne nos maux avec des mots et un travaille complexe de démêlage de notre cerveau... Voilà mon expérience, j'ai 49 ans, diagnostiqué depuis 2008 mais avec une errance de plusieurs longues années, je suis infirmière, en 12h avec un planning mélangeant jours et nuits, je suis à 100% et je réussi à faire mon sport quasi quotidien avec plus ou moins d'intensité selon mon état douloureux.. Je souffre toujours mais j'ai appris à accepter et à subir cette foutue maladie... Bon courage à toutes... Et merci à Valérie et Delphine mes 2 sauveuses

  • Nathalie FOLLMANN

    En tant que hypnothérapeute clinique, je voulais rebondir sur cet article. Je ne partage pas les thérapies proposées par l'auteure. Il faut bien comprendre qu'une douleur chronique délivre un message à l'individu, donc il est important d'aller à la source, et cela est souvent multifactoriel comme je le constate souvent dans ma pratique. Je vous invite à lire mes 2 articles sur le sujet : https://www.psychologue.net/articles/la-somatisation-est-un-signal-dalerte-et-si-vous-lecoutiez https://www.psychologue.net/articles/la-fibromyalgie-et-ses-solutions

  • Fabi

    Merci pour cet article.. Je suis atteinte de fibromyalgie et polyarthrite rhumatoïde déformante... 6 jours, notamment que je souffre terriblement du grand trochanter gauche.. Ma hanche est presque bloquée.. La souffrance de la hanche gauche, c'est une blessure de trahison et d'abandon... Allez expliquer ceci à un médecin..

  • Emma

    Je trouve cet article très bien écrit et qui résume bien mon expérience et toute l’incompréhension derrière cela. Je vous remercie d’avoir écrit cet article car vous m’avez expliqué beaucoup de chose que les médecins étaient incapables d’identifier. Et vous avez bien résumé ma pensée face à tout cela. Bravo et merci beaucoup!

  • Skull

    Les médecines alternatives pour ceux et celles qui sont ouverts à ces pratiques : magnétiseurs, énergeticiens L’hypnose thérapeutique (pas messmer évidemment qui est un show man) La médecine traditionnelle chinoise (MTC)

  • Virginie

    Édifiant et tellement vrai! Personnellement, je suis passée par là et j'ai dû apprendre à écouter mon corps, m'écouter davantage et aller vers... Moi!

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