Part 3. Orgasme féminin au début de la chrétienté et au Moyen Age

L'Ancien Testament nous présente la création du monde et des humains instaurant déjà une inégalité entre l'homme et la femme. Il rend la femme coupable du péché originel...

26 OCT. 2018 · Lecture : min.
Part 3. Orgasme féminin au début de la chrétienté et au Moyen Age

L'Ancien Testament nous présente la création du monde et des humains instaurant déjà une inégalité entre l'homme et la femme. Il rend la femme coupable du péché originel et de l'expulsion du Paradis et attribue une punition : « Le Seigneur Dieu dit ensuite à la femme : « Je multiplierai la peine de tes grossesses ; c'est dans la peine que tu enfanteras des fils. Ton désir te portera vers ton mari, et celui-ci dominera sur toi. » (Genèse, chapitre 3).

Les débuts de la chrétienté après la chute de l'empire romain, sont marqués par les Evangiles. Saint Paul est le seul à parler de sexualité. A l'époque de sa Lettre aux Corinthiens la ville comptait plus de 100000 prostituées. Son discours prône alors la rigueur et la chasteté.

Le devoir d'obéissance à un mari est rappelé dans le chapitre 5 de l'Épître aux Éphésiens, attribuée à l'apôtre Paul : « 22. Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur; 23. car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l'Eglise, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. 24. Or, de même que l'Eglise est soumise au Christ, les femmes aussi doivent l'être à leurs maris en toutes choses », alors qu'il invite les maris d'aimer leurs femmes « comme le Christ a aimé l'Eglise ».

La religion prend alors une place prépondérante dans la répression de « désirs charnels ». Saint Augustin laisse derrière lui une immense œuvre où l'idée de chute et de péché originel est fondamentale. La sensualité – des désirs, des actes, des pensées - est un lieu de péché. Seul est permis un accouplement conjugal sans désir, à but purement procréatif.

Augustin inscrit le péché originel dans la nature humaine et, plus gravement, dans la nature de la femme. Cette certitude, ancrée dans la pensée médiévale, sera dogmatisée par une longue série de théologiens, depuis Saint Anselme, au XIIe siècle, jusqu'à Saint Thomas qui, au XIIIe siècle, renforcera le préjugé par la doctrine de la loi naturelle.

L'œuvre de Cluny diabolise la femme. Un siècle plus tard, durant la réforme cistercienne encore plus radicale, les écrits sur les femmes, « non seulement misogynes mais morbides, traduisent à l'évidence les frustrations de moines qui répriment leur sexualité ».

Contrairement à l'image dégradée d'une femme ordinaire, l'église, en la personne de la Sainte Marie, magnifie le culte de virginité éternelle et inatteignable. Nous retrouvons un clivage entre « la mère » et « la putain » qui a été si démarqué dans la société mésopotamienne, grecque et romaine. Ce clivage est présent encore aujourd'hui au travers de la théorie psychanalytique et dans certaines approches sexothérapeutiques.

L'amour courtois de l'époque des croisades, érotique et adultère, ne dure pas longtemps et surtout est réservé à un milieu aristocratique restreint. Au XIII siècle Saint Thomas d'Aquin, dans les lignées dessinées par Aristote et Saint Augustin, devient un ennemi du plaisir et de la sexualité. Peu après l'inquisition s'instaure pour trois siècles, avec au bilan 100000 femmes accusées de sorcellerie dont une moitié – exécutées. De cette chasse aux sorcières reste un témoignage impressionnant - Malleus Maleficarum, qui a connu au moins 34 rééditions entre 1487 et 1669.

La notion du plaisir et de la « petit mort » est au cœur des interrogatoires. Les femmes, souvent ménopausées, sont accusées d'avoir copulé avec des démons en cherchant le seul plaisir. Les interrogatoires lient la volupté féminine « débridée » au démoniaque et le plaisir – à la douleur, car le pénis du démon est représenté comme un instrument de torture (épines, bout pointu etc.). La médecine humorale du XVI siècle se joint à l'église pour attester de la sensualité dévorante des filles d'Eve.

Ces messages, martelés durant plus d'un siècle, valorisent (par opposition) une image de la bonne épouse chrétienne, qui n'a pas d'intérêt pour les ébats amoureux.

R. Muchembled dans son livre « L'orgasme et l'Occident » relate une analyse des 6000 estampes parisiennes, publiées entre 1490 et 1620. Les deux tiers représentent la femme comme une diablesse adonnée aux sept péchés capitaux, dont le premier est la luxure, suivie de l'envie, de l'orgueil, de la paresse, de l'avarice, puis de la colère et de la gourmandise. Le tiers restant désignent une femme compagne fidèle et maternelle. Son corps fermé à la luxure, enfante et nourrit. Une bonne femme serait une bonne épouse et une bonne mère, qui accepte docilement la tutelle masculine pour la conduire sur le bon chemin du salut, si contraire à sa nature « rebelle éminemment pécheresse ».

Ces représentations gagnent une grande crédibilité car ne sont plus tenues par les seuls ecclésiastiques, mais sont confirmées par les médecins, les juges et les auteurs populaires.

Le manuel juridique « Procès civil et criminel » publié par Claude Le Brun de la Rochette en 1609 distingue quatre grands types de crimes, dont « la paillardise » qui concerne les divers types de transgression sexuelle. La masturbation constitue un délit de premier degré. Viennent ensuite les relations hors mariage : adultère, concubinage, bigamie, qui sont moins sévèrement jugés. La peine capitale s'applique à l'homosexualité masculine et féminine, à l'inceste, à la bestialité. Sont jugés à mort les mères qui ont enfanté en dehors du mariage si l'enfant décède de quelque manière que ce soit et les sorcières.

En même temps se forge une idée, selon laquelle le mariage serait le seul cadre légitime pour la sexualité. Cependant, celle-ci doit avoir pour but la procréation. La seule recherche de la jouissance, dans ou en dehors du mariage, est interdite et sanctionnée.

Le concile de Trente (1545 – 1563) insiste sur un sacrement monogamique et indissoluble. Les édits monarchiques condamnent toute union clandestine ou précoce, ou non-approuvée par le père. Les deux servent à gérer la nouvelle donne économique – la population croissante des grandes villes.

Selon R. Muchembled, la confession auriculaire qui devient un devoir chrétien à cette époque, contribue à développer un nouveau sens de culpabilité, surtout chez les femmes. Les manuels de confession enseignent aux prêtres à poser des questions insistantes sur les pratiques sexuelles, notamment des positions sexuelles adoptées, des tentatives de ne pas laisser la semence dans le vagin etc.

* Illustrations sont tirées du livre "Sex Story" de Pilippe Brennot et Leatitia Coryn

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Écrit par

Maryna Downes

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