Pensée positive et sophrologie : quelle différence ?
Que ce soit dans le cadre du coaching ou de la relation d'aide, la "pensée positive" a eu le vent en poupe ces 50 dernières années. Mais développée à l'excès, elle devient toxique..
La sophrologie est connue comme étant la synthèse originale de nombreuses techniques psycho-corporelles orientales et occidentales, parmi lesquelles la pensée positive, inventée au début du XXème par Emile Coué (un apothicaire parisien). En observant ses clients, Coué remarque l'efficacité de la suggestion sur le malade, et l'importance de l'imagination dans le processus de guérison. Il met au point sa méthode sur le postulat que « Toute idée que nous avons dans l'esprit tend à devenir une réalité ». La pensée positive est née.
Au cours du XXème siècle, la méthode Coué s'exporte aux états unis où elle donne naissance tardivement (vers 1998) à la psychologie positive (Martin Seligman), dont s'inspirent de nombreuses méthodes de « coaching ».Tout d'abord réservé aux sportifs, puis au management dans l' entreprise, le coaching a aujourd'hui tendance à s'étendre à tous les domaines de l'existence (coaching de vie, coaching de couple, coaching scolaire…).
Quand l'obsession de pensée positive devient toxique
Dans une interview accordée dernièrement à l'Express*, la psychanalyste Claude Halmos dénonce à juste titre l'aberration que constitue l'application systématique de la psychologie positive en toutes circonstances, qui peut aller jusqu'à la fabrication d'un sentiment de culpabilité pour tout ressenti « négatif » et aboutit au refoulement des émotions pénibles, pourtant légitimes et utiles. La pensée positive se confond dès lors avec le 5ème message contraignant : « sois fort, sois positif ! »
Sous-jacent au règne absolu de la pensée positive, on voit émerger le fantôme d'un autre conformisme très contemporain, aux effets non moins dévastateurs : le culte de la performance dans tous les domaines et à tout âge. Or, une action positive saine ne saurait être cette posture artificielle du maintien à tout prix dans l'euphorie, le jeunisme et la performance du "toujours plus" (plus loin, plus rapide, plus fort, plus riche, plus jeune...) ; illusions de "croissance" qui, face au caractère impermanent de toute chose, nous laissent forcément, un jour ou l'autre, sur le carreau...
La sophrologie : ni positive, ni négative, phénomènologique !
En sophrologie, la relation d'aide ne peut s'envisager que dans le respect, l'écoute bienveillante qui garantissent l'accueil et la légitimation des ressentis objectifs de la personne, quels qu'ils soient (les phénomènes : émotions, sensations, pensées). En leur offrant un espace d'expression et de contemplation « sans jugement », la sophrologie permet la nécessaire prise de distance sur la situation vécue. C'est à cette condition seulement que le principe d'action positive entre en scène : il devient alors possible pour chacun de recontacter, de laisser émerger et de cultiver ses capacités et ressources, jusqu'ici oubliées ou occultés par les émotions, les messages contraignants, et les scénarios de vie.
Il ne s'agit plus d'une posture à maintenir coûte que coûte mais d'une démarche existentielle et intégrative, qui prend appui sur ce qui vient d'être vécu de pénible pour en retirer un sens et une façon de résilier. Cette démarche débouche sur une mobilisation des capacités réelles de chacun, vécues et ressenties physiologiquement et mentalement, en harmonie avec ses valeurs individuelles profondes.
En sophrologie, la pensée positive n'est pas l'objectif à atteindre, mais un des outils qui permettent au sujet de rester connecté avec ses valeurs profondes, y compris dans l'adversité.
Le principe d'action positive à la base de l'entraînement sophrologique
« Toute action positive sur une partie de la conscience se répercute sur la totalité de l'être » (A.Caycédo).
Nous admettons en général qu'il faut un entraînement régulier, basé sur la répétition des mêmes gestes et des mêmes techniques, pour apprendre à marcher, jouer du piano, au tennis, remporter une médaille d'or dans n'importe qu'elle discipline sportive, gagner aux échecs, mémoriser un discours ou un rôle au théâtre...
Mais nous imaginons volontiers que le bonheur doit nous "tomber de ciel", ou tout au moins, qu'il dépend de circonstances extérieures (fortune, promotion, relations...), ou qu'il suffit de décider d'être heureux en répétant une formule pour que cela nous échoit, sans aucun un apprentissage ni effort de transformation intérieure. Pour Caycédo, comme pour beaucoup de "sages" des traditions orientales avant lui, le bonheur est avant tout une aptitude intérieure, et une affaire d'entrainement.
L'intuition de Caycédo qu'une vision positive de la vie dépend de la structure même de la conscience, est aujourd'hui confirmé par les résultats des études récentes en neurosciences sur le mécanisme des émotions, menées par le "Laboratory of Affective Neuroscience" du Wisconsin,dirigé par le Dr. Richard J. Davidson(2).
On rejoint ici le principe de résilience développé par Boris Cyrulnik* (neurologue, psychiatre), selon lequel certains individus trouvent les capacités de dépasser les traumatismes et d'aller de l'avant, notamment en interrompant, par de multiples processus, les trajectoires négatives du cerveau. COMMENT CA MARCHE ? Nos cellules nerveuses communiquent entre elles grâce à des substances chimiques, les neurotransmetteurs, qui activent ou neutralisent et régulent, entre autres, les sensations du plaisir et de la douleur, la veille et le sommeil, l'anxiété, la glycémie, les comportements alimentaires...La sophrologie, en focalisant le sujet sur les sensations et sentiments du bien-être et de l'harmonie corps-esprit, mobilise et stimule ces processus biologiques responsables du mieux- être et du lâcher-prise. Pour en savoir pus : publication de Barbara L. Fredrickson, de l'Université du Michigan "Cultivating Positive Emotions to Optimize Health et Well-Being."La sophrologie, bien loin de nous imposer une posture figée dans un optimisme réducteur, ni de nous enfermer dans des ruminations négatives, accorde une juste place aux émotions et ressentis, dont la mise à distance permet le dépassement et l'émergence d'une action adapté et constructive.
(1) En Analyse Transactionnelle, principe selon lequel dans notre relation à nous même, nous obéissons à des mini scénarios adaptatifs qui prennent la forme d'une petite voix intérieure et qui nous enferment dans des comportements compulsifs. Ces messages sont au nombre de5 : sois parfait, fais un effort, fais-moi plaisir, dépêche- toi, sois fort (sans émotions).
(2) Pratiquée avec la collaboration, entre autres, du scientifique et moine bouddhiste Matthieu Ricard, elles ont mis en évidence la corrélation entre la pratique de la méditation (altruiste et positive) et le développement de certaines zones du cerveau. Selon ces résultats, le bonheur découle en grande partie d'un acte volontaire ; une question d'entraînement.
Photos : Shutterstock
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