Pourquoi les cadres supérieurs souffrent encore plus du stress

Alors que les innovations technologiques promettaient plus de temps libre, l'addiction au travail se normalise et les troubles psychologiques qui y sont liés ne cessent d'augmenter.

7 JUIL. 2014 · Lecture : min.
Pourquoi les cadres supérieurs souffrent encore plus du stress

Le marché du travail du XXIème siècle se compose, entre autre, d'un espace dédié aux "supers employés" dont le but est de devenir cadres supérieurs et qui ont suivi de longues études et des formations prestigieuses pour atteindre le haut de la pyramide : un poste important (de pouvoir) et très bien rémunéré. La conséquence directe que ces professionnels ambitieux assument ? Consacrer plus de temps à leur carrière que les autres pour réussir à atteindre leur objectif, pour maintenir le statut obtenu, pour continuer d'avancer ou, tout simplement, parce qu'ils aiment ce qu'ils font plus que tout autre chose au monde.

D'un tel comportement découlent, inévitablement, des effets sur la psyché et peut être même des problèmes psychologiques. Anxiété, angoisses, stress ou difficultés relationnelles sont seulement quelques exemples des troubles dont peuvent être victimes ces "supers employés".

Une étude publiée par la Faculté de Sociologie de l'Université d'Oxford en avril 2014, "Post-industrious society: Why work time will not disappear for our grandchildren", démontre que, jusque dans les années 60, les cadres disposant du niveau d'études le plus élevé étaient ceux qui passaient moins de temps au travail alors que les employés des niveaux intermédiaires travaillaient beaucoup plus d'heures. Actuellement, cette relation s'est inversée et concerne aussi bien les hommes que les femmes.

Cette étude a analysé l'emploi du temps de 16 pays, entre les années 1961 et 2005, pour tenter de définir certaines tendances. D'après les chercheurs, le temps dédié au travail suit une courbe ascendante, en tout cas depuis 1970, contredisant ainsi des études antérieures qui affirmaient que les progrès et innovations technologiques seraient capables de réduire la journée de travail et de libérer plus de temps pour les loisirs.

Toujours d'après cette recherche, un cadre supérieur consacre un minimum de neuf heures par jour à son travail, une heure de plus que la journée légale de travail de huit heures. Évidemment, une raison de ce "nouveau comportement" sur le marché du travail peut s'expliquer par la motivation et l'intérêt qu'ont ces cadres pour leur travail et les tâches qu'ils réalisent, ce qui les pousse à augmenter le temps qu'ils consacrent au travail et à diminuer celui dédié aux loisirs.

Il est extrêmement difficile de chiffrer l'impact de la compétitivité et les troubles que peuvent provoquer les exigences de ce système qui exerce une pression constante sur les personnes qui s'y soumettent, les poussant sans arrêt à être au maximum de leurs possibilités et à dépasser leurs limites.

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Worklovers et workaholic : plaisir ou sacrifice ?

Il faut tout d'abord faire la différence entre un worklover, c'est-à-dire quelqu'un qui est passionné par son travail, et un workaholic, une personne qui souffre d'une addiction au travail.

Le worklover ou passionné aime réellement ce qu'il fait et son travail est, en quelque sorte, une "vocation". Il ne compte pas les heures qu'il y passe chaque jour mais cela le satisfait non seulement concernant sa carrière professionnelle mais également dans sa vie privée. Il vit de forme équilibrée et, s'il rencontre des difficultés professionnelles, il essaye de trouver des solutions. Il souffre beaucoup moins du stress et se maintient en bonne santé physique et mentale.

Le workaholic ou bourreau de travail, en revanche, est obsédé par sa profession. Il travaille sans arrêt et néglige complètement sa vie personnelle. D'ailleurs, il fuit les problèmes personnels en se tournant encore plus vers son travail et, si les choses ne fonctionnent pas comme il faut, cela provoque d'intenses souffrances, au point d'avoir des conséquences sur la santé mentale et physique. Il s'agit de personnes qui souffrent énormément de stress et de problèmes cardiovasculaires.

Un facteur décisif qui permettrait de contrôler le développement de troubles et problèmes psychologiques liés au travail serait justement de réussir à comprendre les différences entre ces deux profils et d'identifier les éléments caractéristiques de la routine d'un passionné et ceux d'un bourreau de travail. La ligne qui les sépare est fragile et difficile à identifier. Parfois, elle est si fine qu'elle peut facilement et rapidement se diluer. C'est pourquoi l'aide d'un professionnel peut être nécessaire, non seulement pour tracer cette ligne, mais également pour déterminer de quel côté on se trouve.

Pour lire l'intégralité de l'étude en anglais, cliquez ici.

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Rainer Voss, ex "Master of the Universe"

Rainer Voss est un ex-cadre supérieur de la banque allemande qui confesse, dans un documentaire co-produit par l'Allemange et l'Autriche et dirigé par Marc Bauder, à quel point il est facile de se sentir "Maître de l'Univers" (le titre du documentaire) lorsqu'en un seul clic vous pouvez changer le cours de l'histoire.

En 2008, il a quitté son poste etle monde du travail car il a assumé qu'il ne pouvait plus être compétitif s'il maintenait les valeurs dans lesquelles il avait été éduqué et qui l'empêchait de vendre des produits toxiques. Il s'est arrangé "économiquement" pour ne plus avoir à travailler le reste de sa vie, une décision qui surprend et même choque les gens lorsqu'il en parle. Dans une interview accordée au quotidien catalan La Vanguardia le 18 juin 2014, il précise d'ailleurs :

"Je sais, dire que je ne fais rien cela surprend, mais n'oubliez pas qu'il y a 200 ans, l'aspiration ou vocation principale était la vie de salon : ne pas devoir travailler, parler politique, art, culture... Aujourd'hui, si vous n'avez pas une profession, vous n'êtes personne. Nous nous présentons en tant que journaliste, financier, avocat... C'est devenu une partie de notre personnalité et c'est une perversion. [...] nous sommes d'abord un professionnel et après une personne, et sur ce chemin, nous avons perdu valeurs et éthique. Si on observe les fluctuations de l'indice boursier des dix dernières années, vous verrez la représentation parfaite du trouble maniaco-dépressif."

Ces propos illustrent bien l'une des clés du problème : certaines professions, les plus respectées, cotées, bien payées et/ou proches du pouvoir en tout cas, sont devenues des signes distinctifs au point de monopoliser ce qui définit notre identité.

Le documentaire "Master of the Universe" a nécessité 27 semaines de tournage et 40 heures d'enregistrements. Vous pouvez voir la bande annonce avec sous-titres en anglais ici.

Photos : Shutterstock

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