Pourquoi les gens intelligents sont-ils malheureux ?

C'est un paradoxe fort : les personnes les plus accomplies ne devraient-elles pas être équipées pour faire des choix qui maximisent leur satisfaction ?

31 MARS 2017 · Lecture : min.
Intelligent et malheureux

Nous avons tous des besoins de base. Une fois que ceux-ci sont satisfaits, les scientifiques s'accordent à dire que les ingrédients pour être heureux seraient : avoir des relations sociales qui ont du sens, être bon à ce que l'on fait chaque jour et faire des choix de vie en toute indépendance. Mais les recherches sur le bonheur ont mis en lumière quelque chose d'inattendu : être plus éduqué, plus riche ou plus haut placé ne prédit en rien le bonheur d'un individu. En réalité, cela peut même signifier qu'il aura tendance à être moins satisfait.

C'est une énigme à laquelle essaye de répondre Raj Raghunathan, professeur de marketing à l'Université du Texas dans son livre : Si vous êtes intelligent, pourquoi n'êtes-vous pas heureux ? Si le livre se place plutôt du côté du développement personnel, il offre de nombreuses pistes de recherches sur le bonheur.

Nous savons ce qui nous rend heureux, mais avons une mauvaise approche

Pour l'auteur, nous savons ce qui nous rend heureux, mais avons une approche qui ne maximise pas notre bonheur. C'est le cas par exemple de la comparaison sociale : dans notre besoin de maîtrise, nous pouvons parfois dire que nous voulons être le meilleur dans quelque chose. Mais comment juger ? Par exemple, si quelqu'un veut être le meilleur professeur, quels sont les critères ? Ses recherches, l'enseignement offert, les notes obtenues par les élèves ?

Pour juger de quelque chose, nous utilisons des critères qui sont parfois moins ambigus, mais aussi moins pertinents. Ainsi, on jugera un bon professeur aux prix qu'il a reçus, à son salaire, à l'école dans laquelle il enseigne.

Nous nous adaptons très vite à ces critères que nous utilisons pour juger de notre réussite. Ainsi, si nous avons une forte augmentation de salaire, nous serons heureux un, deux, voire six mois. Puis nous allons nous habituer, et voudrons une nouvelle augmentation pour maintenir nos niveaux de bonheur. D'ailleurs, pour la plupart des gens, l'argent n'est pas une source durable de bonheur.

Avoir conscience de ce que l'on aime et pour lequel on est doué

Pour mieux comprendre ce qui nous rend heureux, Raj Raghunathan propose de prendre conscience de ce que l'on aime faire et de ce à quoi on est réellement bon. Lorsque l'on n'a pas besoin de se comparer aux autres, on va instinctivement graviter autour des domaines qui nous plaisent, pour lesquels on présente une aptitude. D'ailleurs, en se concentrant dessus pendant suffisamment longtemps, les chances peuvent parfois être fortes pour qu'on finisse par maîtriser ces domaines. Le succès, le pouvoir et l'argent viendront alors comme un sous-produit, au lieu d'être des objectifs à atteindre.

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Selon les chercheurs, en plus des besoins de base, trois aspects sont nécessaires à toute personne : maîtrise, possession et autonomie. Pour Raj Raghunathan, on pourrait ajouter après ceux-là la vision du monde, ou l'attitude. Selon l'auteur, il s'agirait d'une ligne entre deux pôles : la "rareté de l'esprit" à une extrémité, où le but est que l'autre soit perdant, et "l'approche orientée vers l'abondance" à l'autre extrémité, qui veut que chacun ait l'espace pour grandir.

La façon de penser plus étroite n'est pas, comme on pourrait le penser, la mauvaise manière de penser. Elle n'est pas inutile ou superficielle, et peut jouer un rôle extrêmement puissant dans certaines situations, et c'est même cela qui a permis la survie de notre espèce.

Cependant, pour Raj Raghunathan, il est important de reconnaître, comme êtres doués d'intelligence, que certains vestiges de notre évolution peuvent nous freiner. Dans certains domaines, la performance est même meilleure si l'on ne prend pas l'approche de la rareté, que l'on ne s'inquiète pas forcément des aboutissants mais que l'on profite plus du processus, plutôt que du but. Autrement dit, il nous faut apprendre non seulement à tendre vers une destination, mais aussi à profiter du chemin.

Dans son livre, Raj Raghunathan parle d'une expérience dans laquelle des salariés recevant chaque jour un e-mail leur rappelant de prendre des décisions qui maximisaient leur bonheur se sentaient manifestement plus heureux que ceux qui ne recevaient pas le mail. Mais est-ce si simple ?

Pour l'auteur, nous avons d'un côté tendance à nous focaliser sur les aspects négatifs de la vie, mais nous recherchons aussi dans le même temps le sens du bonheur, le désir de croître en étant le meilleur possible. En réalité, ce dont nous avons besoin pour être heureux à un certain niveau est très simple : il s'agit de faire quelque chose qui a du sens pour nous, dans lequel on peut se perdre chaque jour.

Les enfants sont particulièrement bons à cela. Ils ne se laissent pas distraire par des critères du monde adulte, font ce qui leur apporte vraiment beaucoup de joie. Les actions que nous pouvons faire pour être plus heureux peuvent varier, certaines peuvent sembler ridicules, d'autres triviales, mais elles nous permettent d'aller vers une vie plus heureuse. Se rappeler que chacune de nos actions influence notre avenir est une sorte de rappel à la réalité, qui permet de remettre les choses en perspective.

Être heureux au travail, est-ce possible ?

Dans son livre Drive, Daniel Pink réalise un historique de ce qui a pu être utilisé comme motivation pour les employés. Ce qu'il nomme la carotte et le bâton est aujourd'hui remplacé par ce qu'il nomme "Motivation 2.0", dans laquelle il s'agit bien plus de comprendre ce qui passionne réellement les individus plutôt que de les manager par la peur. Google et Whole Food sont des exemples de grosses entreprises qui pratiquent cela.

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Pourtant, certaines entreprises ont aujourd'hui un héritage fort de la hiérarchie du travail qui ressemble à la hiérarchie militaire. Nous avons adopté des idées qui fonctionnaient dans le passé mais, aujourd'hui, nous nous rendons compte qu'il est tout à fait possible de réussir dans le travail en ayant une approche plus orientée vers l'abondance, afin de pouvoir profiter de ce que l'on fait chaque jour, de s'épanouir dans sa vie professionnelle.

S'adapter aux changements positifs de la vie

Une étude faite sur des gagnants à la loterie a prouvé que, après un an, ceux-ci n'étaient pas plus heureux que les individus qui avaient souffert de blessures graves peu de temps auparavant. Selon Raj Raghunathan, nous avons des attentes et pensons que, si elles sont comblées, nous allons être heureux. Pourtant, après un moment, on se rend compte que ce n'est pas vrai. Et ceci est dû à l'adaptation, mais aussi au fait que, lorsqu'on voit une montagne en face de soi, on veut la grimper, mais que d'autres montagnes apparaissent une fois que l'on a atteint le sommet.

Dans son livre, l'auteur met en place un concept qu'il nomme "la poursuite dépassionnée de la passion" : pour lui, il s'agit de comprendre que le bonheur n'est pas lié aux résultats, car les résultats en tant que tels n'ont pas réellement d'effet positif ou négatif sur notre bonheur. Plus tard, nous pouvons même nous rendre compte que les épreuves par lesquelles nous sommes passés nous ont en réalité fait grandir.

Nous avons tous des croyances sur la vie qui peuvent se transformer en prédictions auto-réalisatrices. Si nous pensons que rien de bon ne va nous arriver dans la vie, nous allons voir tout ce qui va mal. Si nous pensons que la vie est bonne, ce qui va bien en général nous marquera plus. Pourquoi ne pas donc adopter l'idée que nous serions plus heureux en acceptant tous les côtés de la vie ? Nous sommes des personnes intelligentes, alors pourquoi ne pas utiliser notre intelligence et la mettre à profit pour nous rendre heureux ?

Photos : Shutterstock

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Commentaires 1
  • freemind

    En réalité, ce dont nous avons besoin pour être heureux à un certain niveau est très simple : il s'agit de faire quelque chose qui a du sens pour nous, dans lequel on peut se perdre chaque jour. SE PERDRE CHAQUE JOUR ....mais que signifie se perdre , échapper aux soucis existentiels et quotidien par l hyperoccupation au lieu de les traiter , enfin ceux qui sont traitables? Le déni ne sauve qu a la fin de la vie quand elle est intenable et si on est ds une situation terrible car c est le sans solution sinon se perdre ds le deni occupationnel est la definition du chemin de l échec

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