Que fait-on en thérapie ou comment prendre ses responsabilités ?

Cet article est le troisième et dernier article de notre série concernant le parcours psychothérapeutique. Il se centre sur ce que thérapeute et patient mettent en place durant la thérapie.

18 JUIN 2013 · Lecture : min.
Thérapie

Si l'objectif d'une thérapie est communément partagé, à savoir permettre à une personne de se sentir mieux, les chemins pour y arriver peuvent être très différents, d'une technique à une autre. La clarification du besoin du patient en préalable est nécessaire pour qu'il s'oriente vers une méthode appropriée et qui lui donnera satisfaction.

Sur la méthode

Dans tous les cas, le démarrage de la thérapie, suppose de créer l'alliance thérapeutique. Ainsi, le thérapeute et le patient sont alliés au sein de la même démarche. Il s'agit d'un engagement réciproque. Ils s'attachent l'un et l'autre à mettre en œuvre des ressources, une dynamique permettant de se mettre en travail et d'initier un processus de changement.

Le but de la thérapie est de (re)créer du mouvement (en particulier en gestalt thérapie) afin de sortir d'un cercle vicieux qui amène à tourner en rond. Ce mouvement peut être d'une amplitude très variable, il s'agit au départ de ne pas déstabiliser la personne. Le mouvement pourra donc n'être qu'infime. Pour autant, il sera suffisant pour en créer un autre, puis un autre. Ce processus va peu à peu devenir autonome et le mouvement va prendre de plus en plus d'ampleur.

C'est par ce processus que la transformation et l'adaptabilité à la situation vont pouvoir émerger. Le patient passera de l'immobilité, d'une situation de blocage, à une situation où le mouvement pourra s'exprimer et s'épanouir.

Pourtant, ce mouvement n'est pas linéaire. Au gré des prises de conscience et des résistances en jeu, le patient pourra parfois se sentir avancer à grands pas dans la connaissance de lui-même, tout autant qu'avoir la sensation de régresser.

Quant à la manière de mettre ou remettre le patient en mouvement, les méthodes sont très différentes selon l'approche employée. Pour certaines, ce sera la compréhension de son histoire par le patient qui sera active, pour d'autres, ce sera la réappropriation de son ressenti qui lui permettra de mettre du mouvement dans son présent.

Ces phases d'avancées et de recul permettront tour à tour au patient de projeter sur son thérapeute son père ou sa mère ou toutes autres figures à l'origine de ses blessures. Le phénomène du transfert est au centre de la démarche thérapeutique décrit par la psychanalyse, il a été repris dans de nombreuses approches thérapeutiques.

Dans la théorie psychanalytique, chaque individu reproduit, sans le savoir, des émotions et des scénarios installés au cours de l'enfance et refoulés. La cure psychanalytique a pour visée l'installation d'une névrose de transfert, qui fera émerger les conflits intra psychiques anciens, en transférant les affects positifs ou négatifs, en associant des sentiments comme l'amour et la haine sur l'analyste.

Le processus est très complexe, il ne s'opère pas sans résistances. L'analyste doit être conscient de la nature du transfert de son patient et doit également comprendre la nature du contre-transfert qu'il opère lui-même en réaction sur son patient. C'est la relation transférentielle qui amorce la dynamique thérapeutique et favorise l'avancement, voire la « réussite » de la thérapie.

Ces notions existent également en gestalt thérapie au sens où l'on s'intéresse aux phénomènes relationnels (contact) entre le patient et le thérapeute. Le patient va éprouver des sentiments envers le thérapeute, il va projeter des images sur lui (j'ai l'impression qu'il m'aime bien, il apprécie mon humour, il n'aime pas ma timidité, …).

Le thérapeute va permettre au patient d'énoncer son ressenti et de nommer ses projections. Cela lui permettra de faire le tri entre son passé et ce qui se joue dans le présent avec le thérapeute. De son coté, le thérapeute va s'attacher à identifier son contre transfert et l'exprimer à son patient, dans la mesure où la gestalt suppose que le thérapeute soit co-engagé dans le processus thérapeutique et que c'est le contact avec son patient qui est thérapeutique. Le dévoilement de son vécu par le thérapeute à son patient sera mesuré et ajusté à la situation présente. Il sera fait au service du patient (juste ce dont il a besoin).

  • Repères clés

Le facteur déterminant du succès d''une thérapie est l'alliance thérapeutique entre le patient et le thérapeute.

Il y a du mouvement dans la thérapie.

Le transfert agit sur le patient, et cela contribue positivement au travail thérapeutique.

Sur le contenu

Au fil des séances, le travail thérapeutique va amener le patient à avoir des prises de conscience. Des idées, des pensées, des ressentis, …, non accessibles jusque-là pour lui, vont arriver à sa conscience. Il va ainsi les appréhender, les questionner, les digérer, les rejeter et, peut-être, s'en approprier une partie.

C'est la relation thérapeutique avec son thérapeute qui lui permettra d'identifier les mécanismes et les résistances qu'il met en œuvre dans ce travail de mise au jour, d'accueil, d'actualisation et d'intégration.

Ces étapes du travail peuvent être très longues, car elles sont loin d'être faciles d'accès, et pas toujours acceptables pour le patient. Ce dernier passera, sans aucun doute, par des phases où il devra accepter d'aller parfois moins bien qu'avant sa thérapie, voire de se sentir plus mal.

Selon moi, l'un des mécanismes les plus prégnants dans la thérapie, et dans tout cheminement vers soi, est centré sur la responsabilité. Le patient devra accepter de regarder en face des choses qui sont parfois très douloureuses et anxiogènes. Cela sera d'autant plus délicat qu'il s'agit fréquemment de sujets qui étaient bien tapi au fond de soi et que l'on ne voulait pas regarder.

Bien entendu, ce n'est que par petites touches que l'on pourra faire émerger des choses et que le patient pourra en prendre sa part. Au début de sa thérapie, et selon son état, il se peut que le thérapeute commence par consolider son patient en le rassurant et en lui disant qu'il n'est pas coupable/ responsable. Cela peut même s'avérer indispensable à la création de l'alliance thérapeutique avec certains patients. Le thérapeute, par son authenticité, son intégrité face au patient, et par sa capacité à individualiser sa pratique au besoin spécifique du patient, permettra de rendre la démarche assimilable.

En prenant sa responsabilité, on peut éviter de se contenter de peu (relations conjugales ou amicales médiocres, travail insatisfaisant, ambition freinée, …), on peut accepter de se regarder avec des parts lumineuses et des zones plus sombres. Cela évitera de rejeter la faute sur les autres et de se culpabiliser ; ces mécanismes étant des moyens pour repousser une souffrance parfois insupportable.

En effet, si le patient arrive à entrevoir puis à accepter sa part de responsabilité dans ce qui lui arrive, dans la façon dont il vit sa vie, voire dans les souffrances qu'il traverse, il pourra adopter un autre angle de vue et, ainsi, modifier sa perception des choses. Il sera moins attentiste et verra qu'il détient le pouvoir en lui de changer sa vie. Il sera plus libre puisqu'il aura la capacité à décider de ce qui est bon ou non pour lui et à faire évoluer les situations pour qu'il vive mieux sa vie. Cela y compris dans des situations irréversibles où le changement ne peut pas avoir lieu (ex : maladie incurable, souffrance psychique extrême).

Cette perspective possible grâce à la thérapie permet au thérapisant de renforcer sa cohérence (aligner ses pensées, ses paroles et ses actes, gagner en fluidité dans son relationnel), de conserver, voire déployer, son énergie vitale, de préserver ses ressources (placer son énergie au bon endroit). Au global, de mieux se respecter.

Repères clés

  • Des prises de conscience.
  • Identifier les mécanismes et les résistances.
  • Prendre ses responsabilités.
  • Renforcer sa cohérence.

Une approche singulière : la gestalt thérapie

Pour la gestalt thérapie " le tout est supérieur à la somme des parties ". L'individu ne peut être dissocié de son environnement. Tout ce qui s'est déroulé pour lui, le compose et le construit (ajustement conservateur). La gestalt s'intéresse au processus, c'est-à-dire à l'ajustement permanent entre l'individu et son environnement. La personne est véritablement l'actrice de sa vie puisqu'elle la créé et l'invente en permanence. Elle ajuste donc régulièrement sa façon de vivre et d'être au monde (ajustement créateur). Cela lui permet de mieux vivre et d'être plus adaptée aux différentes situations qu'elle rencontre.

En synthèse, les auteurs de l'ouvrage " Gestalt-Thérapie " (Frederick Perls, Ralph Hefferline, Paul Goodman, L'Exprimerie) montrent bien en quoi la notion de champ, organisme – environnement est une fonction vitale. D'après eux, " cela n'aurait pas de sens, en effet, de parler d''un animal doté d'un système respiratoire sans prendre en considération l'air et l'oxygène qui l'entourent. Ou de parler d'alimentation sans mentionner les aliments ; ou de la vue sans évoquer la lumière ; ou de la locomotion sans la gravitation et le sol où l'on pose ses pieds ; ou de parole sans qu'il y ait d'interlocuteurs ».

Ces mêmes auteurs caractérisent bien ce processus de contact vital. Pour eux, " l'organisme survit grâce à l'assimilation de la nouveauté, au changement, au développement ". Or, cet environnement est constamment en mouvement et l'organisme doit s'y adapter au mieux pour y trouver ce dont il a besoin. À défaut, il pourrait vivre des troubles, voire de la souffrance. Pour les auteurs, " fondamentalement, le contact, c'est la conscience de la nouveauté assimilable et le comportement dirigé vers elle : c'est aussi le rejet de la nouveauté inassimilable ".

Repères clés

  • La personne ne peut être séparée de son environnement.
  • L'environnement est constamment en mouvement, la personne s'ajuste pour être en harmonie.
  • Il existe deux ajustements à l'environnement : l'ajustement conservateur et l'ajustement créateur.
  • C'est l'interaction dans le présent entre le patient et le thérapeute qui permet le mieux-être.

La fin du processus ou l'étape de l'assimilation

Y a-t-il réellement une sortie de thérapie ?

Sur la forme, la réponse paraît être positive. En effet, le cadre dans lequel se déroule le processus thérapeutique est intrinsèque à la psychothérapie. Il est déterminant pour que le travail thérapeutique ait lieu. Il s'agit d'un contexte précis, structuré et cadré, qui participe au travail thérapeutique du patient (fréquence, date et lieux, règles de fonctionnement telles que authenticité, confidentialité, absence de passage à l'acte, sécurité). Concrètement, lorsque le patient arrête de se rendre auprès de son thérapeute, à une fréquence régulière, la thérapie prend fin.

Regardons qui prend l'initiative de l'arrêt. Partant du principe de l'alliance thérapeutique, on pourrait imaginer que l'arrêt se fait de manière concertée entre le thérapeute et son patient. Il n'en est pas toujours ainsi.

Parfois, le patient décide que le processus est terminé pour de multiples raisons, comme, par exemple, qu'il a trouvé ce qu'il venait chercher, qu'il se sent capable de faire face à sa vie, que les conditions extérieures ont évolué et que la souffrance n'est plus présente, qu'il est déçu que rien n'ait pu émerger de cet engagement, qu'il a juste satisfait son besoin de curiosité.

Il se peut aussi que la raison soit tout simplement matérielle : déménagement, problèmes financiers, départ ou décès du thérapeute, changement dans la vie qui rend l'emploi du temps incompatible avec la poursuite du travail, pression de l'environnement, …

Qu'en est-il du thérapeute ? Il est assez rare qu'il décide de lui-même que le parcours est arrivé à son terme. Néanmoins, et selon l'approche avec laquelle il travaille, il peut faire part à son patient de ce qu'il perçoit du chemin parcouru, des avancées, des blocages, voire même du constat qu'il ne peut apporter plus à la personne. Alors, le processus pourra prendre fin.

Là encore, il n'existe pas réellement de règle dans ce domaine. C'est le cheminement pas à pas qui conduit vers la fin du processus. C'est à chacun des protagonistes de faire le choix d'arrêter ou non, et cela temporairement ou définitivement. Par ailleurs, sur la question d'une sortie de thérapie, il semble que le travail sur soi, même s'il n'est plus inscrit dans une démarche " officielle " apparente, se poursuit avec le temps. Quand l'étincelle a jaillit, le feu peut être continu, alimenté par les évènements de la vie quotidienne, il est possible, grâce à une ouverture, d'obtenir une conscience accrue de ce que l'on perçoit et ressent et ce, dans son quotidien.

C'est pourquoi, une thérapie est un cheminement à la rencontre de soi. Ceci laisse la place de se construire chaque jour et, surtout, de passer de ce que l'on pensait être à ce que l'on est. De pouvoir vivre pleinement au jour le jour, sans attendre que demain soit mieux qu'aujourd'hui.

Cette idée de cheminement au gré des évènements que propose la vie permet également de reprendre, à des moments où le besoin se fait sentir, une nouvelle " tranche " de thérapie. C'est parfois l'occasion d'expérimenter une nouvelle méthode, pour permettre d'éclairer les problématiques de manière différente et faire encore un pas de plus vers le mieux-être.

Repères clés

L'arrêt des séances marque la fin concrète de la thérapie.

Les raisons de la fin de la thérapie sont multiples : par exemple matérielles, aboutissement du travail souhaité, etc.

Un processus de développement personnel (conscience portée sur la manière de faire, attention au ressenti et émotions, capacité à verbaliser son ressenti, etc.) peut se poursuivre au-delà des séances de thérapie.

Quels sont les apports d'une psychothérapie ?

  • La découverte de soi

Le travail réalisé en thérapie permet une découverte de soi. Il met de la lumière, de la compréhension sur les raisons, les motivations qui nous ont conduit ou nous conduisent encore à agir de telle façon ou à reproduire tel ou tel comportement (ex : réussir ou échouer, être heureux ou déprimé, timide ou audacieux, …).

  • L'acceptation et l'intégration de la réalité

Ce travail permet de prendre en compte notre passé comme une réalité en l'intégrant positivement dans notre présent. Un processus d'acceptation, d'intégration de notre réalité toute entière permet une meilleure harmonie dans l'ici et maintenant. Il n'occulte pas pour autant ce qui nous a créer par le passé et a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui. Il permet de donner une vision plus positive de soi et plus réaliste de la vie en général.

C'est aussi une découverte de nouvelles ressources personnelles susceptibles de déclencher un processus d'évolution ou de changement (ex : déploiement d'une meilleure adaptabilité, une plus grande souplesse face aux diverses situations de la vie quotidienne, un élargissement de la conscience).

  • L'émergence de possibles nouveaux

Par le travail de fond entrepris et l'émergence de ces possibilités de changement, l'individu retrouve une énergie qu'il peut mobiliser au profit de nouvelles expériences. Les mécanismes de défense antérieurs auront été identifiés, repérés et ne seront plus activés systématiquement en premier lieu face à une situation donnée. L'énergie que la personne consommait en grande quantité précédemment pour contrer son ressenti, activer ses défenses, peut désormais être libérée pour d'autres actions.

Quelques exemples de transformations :

  • Changer de philosophie de vie

Ce qui avait de l'importance avant est amenuisé, transformé, modifié, comme : ne plus être dans le jugement systématique des autres, réduire son niveau d'exigence, accepter de rentrer en contact avec des inconnus, mieux canaliser sa colère, ne plus mettre son travail au centre de sa vie au détriment des autres pans de sa vie.

C'est aussi parfois un changement d'engagement dans la vie, ainsi des réorientations professionnelles peuvent émerger, à la suite d'un travail en profondeur sur soi. Les valeurs de la personne changent, un nouveau sens apparaît pour elle et la forme que cela prend est nouvelle (ex : quitter l'entreprise et travailler en indépendant).

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Bien entendu, c'est également avoir acquis plus de légèreté d'être avec soi et avec les autres, par la même supporter moins de souffrance, moins d'encombrements. La personne a beaucoup plus conscience d'elle-même et sait poser les limites. Elle cerne mieux ce qui est bon pour elle et ira plus facilement dans cette direction.

Que conclure d'un tel parcours ?

Au moment de terminer cet itinéraire psychothérapeutique, il apparaît évident qu'une telle démarche est tout à fait personnelle. Il appartient à chacun de trouver l'accompagnement qui lui convient le mieux. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise méthode, de meilleur ou de moins bon accompagnement, de meilleur moment pour commencer, il n'y a que ce qui mène à une meilleure connaissance et acceptation de soi.

Ce type de démarche touche le plus profond de notre être et fait jaillir des questions fondamentales :

  • La vie, qu'est-ce que c'est ?
  • Pourquoi et pour quoi, pour qui vivre ?
  • Quel est mon but dans la vie ?
  • Quel est le sens de tout cela ?
  • Pourquoi supporter tout ce qui nous arrive ? Pourquoi ne pas baisser les bras, arrêter de se battre, laisser tout filer ?

La psychothérapie est de plus en plus développée et accessible à tous et comporte une palette de méthodes. Mais combien de personnes, au final, font vraiment une démarche pour aller au plus profond d'elles-mêmes ? Et combien ne font, paradoxalement, aucune démarche de ce type, alors qu'elles vivent une vraie souffrance, qui les entrave dans leur vie quotidienne et qui les limite considérablement ?

Repères clés

  • Une démarche très personnelle
  • Un cadeau à se faire
  • Gagner en liberté d'être soi
  • Pour un chemin de mieux être tout au long de la vie.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Emmanuelle Lecomte

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Bibliographie

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Commentaires 5
  • TUDAL Catherine

    Excellent article très complet.

  • Pat

    J'ai pas encore trouvé le chemin, mais je cherche un lâché prise et c'est dur, c'est long une vie ........

  • Pat

    Très bon article. Alors une spychotherapie, c'est apprendre à vivre seul ?Jj'ai 52 ans et je vie dans une anxiété depuis l'enfance ? Donc je dois faire avec mon trouble de personnalité évitante.......

  • Pat

    Merci pour votre explication.

  • Pat

    J'ai peur de guérir pourquoi ?

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