Un cri du coeur

La photo de l'article illustre le courant qui passe entre de thérapeute et le sujet. C'est la base du processus thérapeutique.

Un cri du cœur

Ou un cri du ventre ?

Je reconnais bien un peu de colère, c'est elle qui m'a donné la première impulsion pour rédiger ce texte.

Dans le cadre de mes fonctions professionnelles, j'ai assisté récemment à une réunion clinique dans une structure de la très sérieuse psychiatrie.

Une réflexion autour de la demande d'un nouveau consultant avait démarré. Il s'agissait d'un homme présentant un parcours de vie chargé. Il disait qu'actuellement, il lui arrivait de plus en plus souvent de s'emporter, de crier, en particulier dans le cercle familial. De manière responsable et courageuse, il est donc venu chercher de l'aide.

Conformément à la posture classique en psychiatrie, la réflexion s'est focalisée sur la recherche d'une réponse, d'une solution pour soulager cet homme.

Une psychologue a exprimé l'idée, sur un ton demi-sérieux, qu'il gagnerait peut-être juste à aller crier en forêt.

J'ai constaté, une fois de plus, une certaine ignorance de ce qui opère dans la vie intérieure des gens.

Je vais tenter d'apporter quelques explications.

Céline, adolescente, était anxieuse. Son médecin traitant l'a encouragé à faire du sport pour canaliser son émotionalité. Ses articulations ont lâché avant ses angoisses.

Marco a 59 ans et il connait actuellement des accès d'angoisse qui entament sa joie de vivre. Il pratique la course à pied depuis son plus jeune âge et quand il est tendu, il s'adonne à ce sport. Au bout d'une heure, il se sent fatigué et relâché. Les angoisses reprennent dès le lendemain.

Patrice consultait à plusieurs reprises un gastro-entérologue pour un reflux gastro-œsophagien. L'arsenal thérapeutique ayant montré ses limites, il lui a été conseillé de faire du sport. Son praticien, bienveillant, a privilégié la voie du défoulement à celle de tranquillisants qui auraient pu soulager Patrick également mais l'enfermer par la suite.

La psychothérapie humaniste et de surcroit psychocorporelle couvre le champ de ces exemples.

Elle n'est pas un remède à tous ces maux parce qu'elle ne soigne pas un problème.

La particularité du courant humaniste est de prendre en compte la personne dans sa globalité, de la mettre au centre de l'attention. De là découle un processus complet qui démarre déjà par l'accueil du sujet, tel qu'il est. Cette étape à elle seule consiste en un élément central dans l'approche humaniste. Le psychopraticien accueille l'autre vraiment, c'est-à-dire en laissant de côté la volonté de le soulager, de lui proposer une solution. Ce n'est pas la verbalisation qui soigne, c'est être entendu.

Le sport apporte un relâchement physique suite à une dépense énergétique. La course à pied peut prendre une forme de méditation dans le meilleur des cas (sans musique, sans conversation). La pratique du sport stimule la production d'endorphines, hormones du bien-être.

Quand le sport pratiqué comporte un caractère ludique, il permet peut-être une décharge émotionnelle.

Ce que permet la psychothérapie est une prise en compte des émotions. Elles font partie du processus d'exploration et de transformation. Aller crier en forêt, cogner sur un sac de frappe, sont des actions isolées qui font juste l'effet d'un défoulement. Intégrés dans une séance de psychothérapie, dans un processus en cours, elles peuvent amener à un soulagement. Le complément de l'action de crier pourrait être « de qui as-tu besoin d'être entendu ? » « Sur qui ou quoi es-tu entrain de cogner ? »

L'expression émotionnelle doit être reliée à une thématique, avoir un sens.

L'évolution de nos courants de psychothérapie a montré la limite de l''expression émotionnelle. Rester accroché à exprimer de la colère peut entrainer de la production de colère. Verser des larmes risque aussi de s'enfermer dans ce canal d'expression.

La substance de la psychothérapie reste manifestement encore souvent méconnue.

NB : l'écriture amène aussi un peu de relâchement.

Pascal Bollenbach

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