Survivre à sa propre mythomanie
Bonjour,
Je m'appelle Marie,j'ai passé la quarantaine,divorcée et mère de trois grands enfants dont un atteint d'autisme.
Je me tourne vers vous en dernier recours car je commence à penser qu'il n'y a pas d'issue favorable au chaos que j'ai engendré.
Je souffre, et le mot est bien choisi, de mensonges compulsifs.
Après une enfance bercée de violence,de peur,de pauvreté et de mensonges,j'ai pris ce dernier comme bouée de sauvetage pour arriver à survivre dans un monde d'où je me sentais d'emblée exclue.
J'avais honte de mes parents et par conséquent honte de moi-même.
Je voyais et souffrais de cette différence dans le regard des autres,les enfants sont cruels sans s'en rendre forcément compte,ils sont dans une véracité qui m'était insupportable.
J'ai alors commencé à m'inventer une autre vie,un lieu refuge auquel j'ai fini par croire et faire croire.Cette réalité fictive était devenue ma réalité.J'ai construit toute ma vie d'adulte sur cette base en passant entre les mailles du filet,ne m'impliquant jamais totalement emotionnelement.
Ce monde continuait de grandir au fur et à mesure de ce que j'inventai,rendant supportable un quotidien des plus pesant.
Seule avec trois enfants en garde complète,la pathologie de mon cadet,le travail et aucun soutient,je me suis raccroché à cette bouée pour ne pas prendre conscience de ce que je vivais et pourquoi maintenir mon foyer à flot.
Je n'avais pas de temps,ni de vie pour moi,en tant que personne,la seule chose que j'avais c'était ce monde.
Ma vie a été jonché de problèmes médicaux avec beaucoup d'opérations de toutes sortes,la souffrance physique était là,mais moralement cela allait car on prenait soin de moi et que j'avais une raison légitime de me mettre en mode off sans culpabiliser.
À force d'avoir entendu à quel point je n'était pas digne d'être aimée enfant,j'ai fini par me convaincre que seuls mes actes et mon dévouement avaient de la valeur.
Alors au plus je souffrais sans en être consciente de la vie dans laquelle j'évoluais,au plus je m'inventais des raisons d'être aimable.
Cela n'a posé aucun problème jusqu'à ce que je rencontre mon dernier compagnon,car avant lui,personne n'avait jamais pris le temps de me regarder et de m'aimer de cette façon,assez pour ce rendre compte de l'ampleur des dégâts.
C'est avec beaucoup de souffrance qu'il m'a confrontée à mes mensonges et cela m'a été tellement insupportable que j'ai pensé au suicide et réussi à l'éviter en me fesant hospitaliser.Je pensais avoir réglé le problème après ce choc émotionnel.
Pleine de bonnes résolutions et de volonté sincère de m'en sortir de sauver notre couple j'ai entamé une thérapie toujours en cours,mais c'est un travail long,fastidieux et à la moindre panique de peur de déplaire,je m'engoufre à nouveau dans un mensonge qui ne fait pas long feu.
Deux récidives depuis mon hospitalisation en février.La dernière était de trop.
Pourtant je n'avais jamais été aussi heureuse et amoureuse de toute ma vie.
Au moment même où j'ai verbalisé ce mensonge je l'ai regretté en me demandant à moi-même pourquoi je l'avais fait.Trois jours après l'amour de ma vie me quittait après avoir découvert la vérité par hasard.La fois de trop.
Je le comprends tellement,ne pouvant pas me faire confiance il est obligé de se protéger et de me tenir loin de sa vie.
Il est triste et blessé,tout ça par ma faute.
Je suis partie et sur ses derniers conseils j'ai dit toute la vérité à mes enfants et mes rares amis sur mon problème avant de m'éloigner d'eux pour ne pas les faire souffrir à leur tour.
À l'heure où je vous écris,je n'ai plus rien,matériellement,financièrement,affectivement.Durant ces deux années de relation amoureuse j'ai mis tout ce que j'avais pour lui donner une chance de perdurer,pour la première fois de ma vie j'y ai réellement cru au point de me mettre en danger financièrement parlant en travaillant peu et en finançant mes aller-retour car il vivait dans une autre région.
Alors comment survivre à cela et cette culpabilité?Au désaveu et au désamour des seules personnes qui comptaient vraiment pour moi?
Je refuse de me refaire hospitaliser et de reprendre des médicaments qui me font devenir l'ombre de moi-même.
J'ai beau avoir cherché,je ne trouve que des articles,témoignages et conseils pour les personnes ayant souffert d'avoir côtoyé des personnes avec le même problème que moi.
Sûrement parce que ce problème semble encore plus honteux que celui de la drogue ou de l'alcool qui elles sont véritablement reconnues comme des maladies avec des soins adaptés.
Merci par avance de votre retour.