« Comment aggraver » : un outil efficace pour trouver une solution créative

En thérapie brève, nous utilisons des expérimentations pour comprendre une problématique. Aujourd'hui j'ai envie de vous parler d'un des exercices que j'utilise volontiers en thérapie et que je trouve particulièrement efficace : le « comment aggraver ». Il a la particularité d'être utile pour appréhender autrement tous les problèmes qui peuvent se poser à vous. A priori cette expérimentation est contre-intuitive. Vous êtes face à un problème, et je vous demande de réfléchir à l'envers de ce que vous faites normalement. Je vous propose quand même de me suivre dans cette démarche.

Quel est l'outil ?

Cet exercice est à faire le matin, quand vous êtes au calme. Vous vous posez la question suivante : « Si vous vouliez volontairement et délibérément aggraver votre situation, qu'est-ce que vous devriez dire ou ne pas dire, faire ou ne pas faire, penser ou ne pas penser si vous vouliez être sûr de maintenir votre problème ? »

Il s'agit d'identifier ce que vous faites et non pas ce que les autres font pour maintenir le problème. Il s'agit aussi de se concentrer sur des éléments concrets, factuels. Pour mieux appréhender cet outil, je vais m'appuyer sur un exemple. Prenons le cas d'une maman qui est en conflit tous les soir avec son fils au moment de faire les devoirs. Il résiste et s'énerve et ces moments sont pénibles pour les deux. Elle cherche donc comment elle pourrait lui faire faire ses devoirs de manière plus pacifiée. Ensuite, vous allez écrire deux listes à partir des éléments que vous trouvez :

• Ce que je fais déjà qui aggrave ma situation.
• Exemple : Je lui parle de ses devoirs dès qu'il rentre de l'école, j'insiste pour les faire après le goûter, je me fâche si il se dissipe trop. Avant même que nous commencions les devoirs je suis sur la défensive parce que je sais que cela va mal se passer.
• Ce que je pourrais faire pour aggraver encore mon problème.
• Exemple : je pourrais le punir si il ne finit pas ses devoirs dans les temps, je pourrai insister après le diner…

Il s'agit de répéter l'exercice plusieurs jours de suite de manière à avoir fait le tour de ce que vous faites qui participe au problème. Vous ne notez que les nouvelles idées. Une fois que vous n'avez plus d'exemples, vous arrêtez et vous vous posez pour interpréter ce que vous avez trouvé.

Comment utiliser les résultats ?

1. Premier cas de figure : il se peut que vous ne trouviez pas d'éléments en faisant l'exercice. Dans ce cas je vous invite à vous poser les questions suivantes. Est-ce que j'ai prise sur le problème ? Est-ce que cela ne vient absolument pas de moi ? Si le problème s'impose à vous et que rien de ce que vous faites n'a un impact, alors il faudra aller chercher une porte d'entrée pour trouver une solution.
2. Deuxième cas de figure : vous avez trouvé des éléments dans la partie « ce que je fais déjà qui aggrave le problème ». Vous pouvez alors vous demander comment vous pouvez diminuer ces éléments. Il paraît assez évident que si j'arrête de faire ce qui aggrave mon problème, déjà je suis en train d'apporter un début de solution.
3. Exemple : je peux essayer de laisser mon fils prendre son goûter tranquillement et donner un temps pour les devoirs. En faisant ça je devrais alléger le problème et contenir les moments de dispute.
4. Troisième cas de figure : vous avez trouvé des éléments dans la partie « ce que je pourrais faire pour aggrave ». C'est évident mais ça va mieux en le disant : ne mettez pas en œuvre cette partie ! Nous sommes bien d'accord pour dire que nous ne voulons pas aggraver la situation. Voyez plutôt ces informations comme une cartographie de ce qu'il ne faut pas. Imaginez que votre problème correspond à un champ de mines que vous devez traverser : vous venez d'identifier où sont les mines et où ne surtout pas marcher.

Comment arriver à une solution ?

Une fois que vous avez fait ce travail, essayez de penser à rebours. Et si vous vouliez faire l'inverse de ce que vous avez identifié comme aggravant le problème qu'est-ce que vous feriez ? L'inverse d'aggraver étant bien d'améliorer, vous pouvez alors trouver des solutions créatives. En ayant fait cet exercice vous êtes sorti de votre question initiale à laquelle vous ne trouviez pas de réponse et qui est : « qu'est-ce que je peux faire pour améliorer ma situation ? ». «Et vous êtes arrivés à une autre question : qu'est-ce que je peux faire pour fonctionner de manière complètement décalée par rapport à mon problème ? »

Exemple : tout ce que je fais pour faire faire les devoirs à mon fils est de le contraindre à faire ses devoirs, et cela tourne au conflit à chaque fois. Si je devais aggraver ma situation, je lui mettrais encore plus de pression et j'augmenterai le conflit. La question pourrait donc être maintenant : comment est-ce que je peux baisser la pression sur les devoirs ? Et donc une piste de solution pourrait être de le laisser être en responsabilité sur ses devoirs. Je pourrai lui dire par exemple : je ne veux plus me battre sur les devoirs avec toi, ce sont tes devoirs et pas les miens. Donc si tu ne veux pas les faire, c'est ok et tu es responsable d'expliquer à la maîtresse que tu ne les as pas fait. Mais si tu veux de mon aide je suis disponible.

Le mécanisme derrière cet exercice est le suivant : notre cerveau fonctionne de manière répétée et confortable. Il n'aime pas changer son mode de fonctionnement. Donc face à une nouvelle situation, nous allons appliquer des stratégies qui nous sont familières et qui ont déjà été efficaces. Mais quand la stratégie n'est pas adaptée à cette nouvelle situation, nous pouvons avoir du mal à changer de stratégie.

Cet exercice vous permet donc, en vous basant sur ce que vous faîtes concrètement, de manière pragmatique, d'identifier votre stratégie et d'imaginer comment la contourner pour essayer une nouvelle stratégie plus efficace. Alors finalement, comment pourriez-vous aggraver votre situation ?

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