Quel es le rôle du père dans le développement de l’enfant ?

Voilà des décennies qu’on pointe du doigt la relation mère-fille afin d‘expliquer un certain nombre de troubles, d’angoisses, de dysfonctionnements. Et les pères dans tout ça ?

25 AVRIL 2019 · Lecture : min.
Quel es le rôle du père dans le développement de l’enfant ?

Voilà des décennies qu’on pointe du doigt la relation mère-fille afin d‘expliquer un certain nombre de troubles, d’angoisses, de dysfonctionnements. Et les pères dans tout ça ? Où sont-ils ? Quel rôle jouent-ils dans le développement et l’avenir de leur enfant ? En omettant de les mentionner on finirait presque par croire que leurs actes, leur personnalité n’ont aucune conséquence sur le bon fonctionnement psychique de leur progéniture… C’est pourtant bien loin d’être le cas.

Les possibles dysfonctionnements dans la relation mère-fille seraient bien souvent à l’origine de nombreux troubles. On l’a dit, redit, et répété. Certaines mères se sentent ainsi attaquées, et elles s’insurgent : Quid des pères ? Même s’il est vrai que l’enfant entretient avec sa mère une relation particulière, due au simple fait qu’elle l’a porté 9 mois durant, donné le sein ou le biberon, un enfant n’en reste pas moins le fruit de deux êtres, et il est vrai qu’on a parfois tendance à négliger cette deuxième moitié qui est pourtant plus qu’indispensable et, dans de nombreux cas, défaillante.

Le rôle du père… dans un monde idéal

            Le père ne doit pas se contenter d’apporter sa contribution à la conception, il n’est pas un simple géniteur. Outre l’amour qu’il donne à son enfant et qui l’aide à se construire, à bâtir l’estime de soi, à se sentir protégé, il représente avant tout une figure d’autorité essentielle. Le père représente la loi, celle qui va permettre à l’enfant de connaître les règles de la vie en société : ce que je peux faire ou ne pas faire, ce que je dois faire et ne dois pas faire. Il va également lui donner les armes pour affronter le monde extérieur. Le père est supposé être un guide.

C’est également au père que revient la mission d’empêcher la relation fusionnelle entre l’enfant et sa mère, afin de lui permettre de se réaliser en tant qu’individu. Il conduit l’enfant vers davantage d’autonomie, le responsabilise et lui fait comprendre qu’il est une personne à part entière. Lors du passage obligé du Complexe d’Œdipe du garçon, il incarne là encore l’interdit : « Je suis l’amoureux de maman, toi tu es son enfant, tu ne peux donc pas te marier avec elle, ça, c’est ma place. » Le père est l’incarnation des limites à ne pas dépasser.

            Le père devrait ensuite représenter le modèle. Le garçon cherche inévitablement à ressembler à son père : « Mon père, ce héros », alors que la fille voit en lui, le premier homme de sa vie, l’homme idéal, celui auquel devra ressembler son amoureux plus tard. D’où l’importance du regard que le père porte sur sa fille : la regarde-t-il avec fierté, bienveillance, la rassure-t-il sur sa personnalité et son apparence ? Ce qu’il lui transmet à travers son regard, ses mots, est capital puisque c’est ce schéma initial qui va l’aider (ou pas …) à se structurer en tant que femme, et également de mère.

            L’importance du regard du père sur son enfant, et la façon dont il le/la valorise sont primordiales. Un père qui représente l’autorité, la loi, ne peut qu’avoir raison aux yeux de son enfant, il détient selon lui la vérité absolue, et ce, même en ce qui le concerne. Aussi s’il le rabaisse, a des paroles blessantes, du genre « Tu n’es vraiment pas doué », « Je ne sais pas ce que tu vas bien pouvoir faire de ta vie » et d’autres scuds qui sortent régulièrement de la bouche de patients encore meurtris et toujours convaincus que leur père avait certainement raison, eh bien ces paroles sont autant de cicatrices béantes qui s’impriment dans l’esprit de l’enfant jusqu’à devenir des certitudes qui ne le lâcheront plus, une seconde peau.

            Autre fonction capitale : le nom du père. Le père transmet son nom (même si les choses peuvent désormais être différentes de nos jours, mais c’est là un autre sujet) à son enfant, il y a filiation, il le reconnaît, et lui transmet ses racines. Un enfant non reconnu cherchera toute sa vie son origine, son histoire.

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Oui, mais dans la vraie vie…

Nous venons de voir la théorie, et en théorie, c’est bien connu, tout est merveilleux. La réalité est malheureusement plus compliquée. Le rôle du père a considérablement changé ces dernières années. Des foyers monoparentaux, des pères trop jeunes, des femmes de plus en plus actives, un jeunisme ravageur (« Je suis son père mais on me prend souvent pour son grand frère !) sont autant de modifications sociales qui entrainent des dysfonctionnements dans la fonction du père et dans sa relation à l’enfant.

Le père a souvent tendance aujourd’hui à se positionner en seconde mère. La limite entre les deux est parfois floue et les rôles ne sont plus tenus. Malgré toute sa bonne volonté, il ne sera jamais une maman, et il n’est plus réellement un père non plus par conséquent, l’enfant sans père n’a plus de repères, plus de limites non plus.

D’autres pères se comportent comme les copains de leurs enfants. Et là encore, les limites ne sont plus apprises, les valeurs laissent à désirer et le modèle ressemble davantage à un adolescent en quête d’identité qu’à un héros accompli.

De nombreux pères - pas tous, je le précise pour les pères qui à la lecture de cet article auraient envie de hurler au scandale et à la calomnie- sont carrément absents. Soit ils désertent afin de refaire leur vie ailleurs, laissant derrière eux des enfants avec des béances affectives douloureuses, soit ils sont absents même s’ils vivent sous le même toit qu’eux. Ils regardent évoluer leurs bambins d’un œil distrait, ne leur accordant pas l’intérêt, l’estime et hélas ! l’amour dont ils auraient besoin pour devenir des adultes accomplis. Plus soucieux de leur vie professionnelle ou sociale que de leur vie familiale, ils abandonnent toutes les fonctions à la mère, se déchargent complètement de leur mission. On retrouve alors des foyers avec des mères surchargées, tant au niveau émotionnel que sur l’organisation et la logistique et des pères hologrammes, qui pensent que rapporter un salaire à la fin du mois est suffisant. L’enfant a donc un modèle bancal. Plus personne ne fait barrage pour le « séparer » de sa mère et faire de lui un individu solide et sûr de lui.

Et enfin il y a encore et toujours les pères tyranniques, trop autoritaires, ou qui n’ont jamais été investis d’une quelconque paternité affective. Ils traitent leur enfant en adulte, et ce dès son plus jeune âge, parfois même en rival qu’il faut écraser, et au lieu d’aider l’enfant à se construire, ils le détruisent par des paroles blessantes, humiliantes (sans parler de violences physiques) et par leur manque d’amour. Ces séquelles sont profondes, et il faut en général de solides thérapies pour venir à bout de ce qui a été « ancré » dans ces enfants devenus adultes, leur donner confiance en eux, leur faire prendre conscience qu’ils sont des individus méritants, dignes d’amour et d’intérêt, les réconcilier avec le petit enfant qui sommeille encore en eux et a été meurtri, parfois presque détruit.  Le manque, voire l’absence d’amour et les paroles qui rabaissent, laissent autant d’hématomes que les coups. Sauf que ces coups-là sont invisibles et qu’aucun pansement ne peut les aider à cicatriser.

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Le père, un pilier en voie de disparition…

Le père qui :

  • représente la loi ;
  • dicte les interdits et ouvre le champ des possibles ;
  • sert de modèle ;
  • transmet son héritage familial en même temps que son patronyme ;
  • positionne socialement son enfant ;
  • renforce l’estime de son garçon et revalorise la fille dans son statut de future femme.

est hélas une espèce en voie de disparition. Résultat de cette éradication aussi brutale que dévastatrice ? Des enfants perdus, qui ne savent plus ce qu’ils doivent faire pour exister en tant qu’individu, qui manquent de confiance en eux, ont un vide émotionnel géant, n’ont plus de repères, et ont des fondations bancales, donc un avenir psychique souvent torturé avec un taux d’angoisse élevé, des difficultés à établir des relations aussi bien amoureuses qu’amicales, et vont se retrouver bien souvent handicapés quand ils seront à leur tour confrontés à la paternité : comment inculquer ce qu’on n’a jamais reçu ?

Peut-on « réparer » ces enfants en manque de père et de repères ?

Comment réparer à l’âge adulte les dégâts causés par ces manquements paternels en tout genre ?

La thérapie est sans nul doute la meilleure façon d’apprendre à se reconstruire, en comprenant tout d’abord pourquoi le père a failli à son rôle, afin de déculpabiliser l’enfant qui est toujours là, blessé sous la carapace. Il faut libérer la parole de cet enfant afin que l’adulte qu’il est devenu puisse se reconnaître et s’affirmer enfin.

Je vous propose quelques ouvrages de référence sur le sujet :

  • Sans père et sans parole, de D. Dumas, chez Fayard
  • Chacun cherche un père, de M. Rufo, chez Anne Carrière
  • Le complexe de Télémaque, de M. Recalcati chez Odile jacob
  • Père manquant, fils manqué, de G. Corneau chez Les Editions de l’Homme…

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Vardis Christelle

Psychopraticienne et hypnothérapeute certifiée, je propose des psychothérapies analytiques, « par la parole », en face à face. Avec la plus grande bienveillance possible et sans aucun jugement, j'apporte mon aide pour permettre à mes patients de mieux se comprendre afin d’avancer, de sortir de ce qui leur semble être une impasse et d’améliorer leur bien-être.

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Commentaires 12
  • Alex

    C’est vraiment très bien vu. Merci

  • Titi56

    Je suis certes d'accord avec cette "théorie" mais que dire alors des enfants de transgenre don't le père ou la mère disparait soudainement pour prendre une place inverse et laissant des enfants avec 2 pères ou mères, ou des enfants de parents homosexuels ?

  • Stef

    Il manque les beaux pères qui tentent au mieux de remplacer des pères qui sont absents volontairement. Même s’ils mettent tous leur cœur à se placer en tant que guide, ils auront toujours le mauvais rôle (pouvoir/ responsabilité). Sinon assez d’accord sur d’autres point de vue.

  • Dimitri

    Il serait peut-être temps pour vous de lire Gérard Neyrand et de sortir des préjugés stéréotypés de la psychologie de grand-papa.

  • stephane

    Bonjout , je me permets un petit complement : je vous cite, au sujet des pères absents : "" Soit ils désertent afin de refaire leur vie ailleurs, laissant derrière eux des enfants avec des béances affectives douloureuses, soit ils sont absents même s’ils vivent sous le même toit qu’eux. "" >> soit ils ont été flanqués à la porte, ce qui est devenu dramatiquement courant : vous n'êtes pas au courant de cette possibilité, vraiment ?????!!! pauvre petite Sainte Nitouche ... .. et insistez bien, surtout, sur la douleur de l'enfant. Lui aussi est un outil, finalement ;)

  • Céline

    Comment cela se passe t il dans un couple homosexuel (que ce soit deux pères ou deux mères) ?

  • Filandre

    J'ai du mal à le dire mais je crois que mon père a été violent sous une certaine forme. Je ne me souviens pas avoir eu de câlins, de plus il me menaçait souvent de me mettre en pension, il était assez impulsif et à eu des mots extrêmement fort à propos de moi jusqu a mes 17 ans. Maintenant je n'ai aucune confiance en moi, je fais tout pour qu'on m'apprecie, je suis aussi assez impulsive et bien plus.. très triste parfois également. Mais je ne me trouve pas assez légitime pour aller consulter, je ne sais pas si c'est un motif valable ^^'

  • Karine

    Bonjour, Article très intéressant car je m’y retrouve beaucoup. Ayant une mère hypersensible et un père égoïste narcissique et maladroit (mais pas méchant), je me retrouve perdue à l’âge de 24 ans après leur récent divorce (déconstruction du schéma familial pour moi). Présent physiquement tout au long de mon enfance mais absent psychologiquement, ce manque d’amour et de figure paternelle a eu de fortes conséquences sur ma personnalité et mes relations, surtout amoureuses. J’ai eu très peu de relations, je suis très exigeante envers les hommes, et j’idéalise toujours mes relations (ce qui étouffe souvent l’autre). J’ai une vision très parfaite du couple et de la famille. Je me suis souvent privée pour maintenir une ambiance de famille agréable mais les efforts n’ont pas été suffisants. Avec l’aide de mes proches et d’une psychologue, j’essaye de me construire et de comprendre petit à petit l’enfant que j’ai été. J’aime mon père mais il est mieux pour moi qu’il soit « loin des yeux, près du cœur ».

  • Amrilys_krml

    Bonjour, je suis Evaémé du Togo. Mon père bien que vivant avec nous n'a jamais été présent émotionnellement pour moi, il exige beaucoup de moi en tant que l'aînée mais jamais il ne m'encourage. J'ai 22 ans, je suis effrayée par l'abandon et dès que je sens un recul émotionnel de mon petit ami, je m'imagine des choses et je peux fuir pour ne pas être seul dans une relation à deux. Est-ce une séquelle ?

  • Zale

    Bonjour j'habite au Sénégal et j'ai besoin d'aide car je souffre d'anxiété généralisée depuis des années. Aidez-moi.


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