Vivre le deuil à l'adolescence
Lorsque la mort vient frapper à notre porte sans crier gare, c'est un moment très douloureux. Chez l'adolescent cette effraction peut être encore plus terrible. Comment les accompagner ?
Le deuil à l'adolescence
Malheureusement, j'ai écrit ce texte afin d'aider, de soutenir, d'écouter, d'entendre, et d'accuser réception de la souffrance et de la colère d'une famille traverser par la mort d'un jeune de 17 ans. On a tendance à dire : il n'y a pas de mots ! Tant on est dans le choc qui vous bloque la respiration.
Vous êtes en état de sidération avec quelques moments où vous penser que cette horreur n'est pas réelle. Malheureusement, elle est réelle. Et la souffrance terrible.
L'adolescence constitue la période de passage entre l'enfance et l'âge adulte. Elle s'accompagne d'importantes transformations biologiques, psychologiques et sociales.
C'est une phase de développement et de mutation. L'adolescence représente en quelque sorte « une seconde naissance, non plus à la vie mais à soi-même».
Cette période de la vie aurait plutôt tendance à s'allonger dans nos sociétés occidentales.
On parle aussi d'ADULESCENCE, ces jeunes adultes qui ne veulent surtout pas rentrer dans le monde des adultes.
Être en deuil à l'adolescence
Qu'est-ce que le deuil ? C'est un processus psychique inconscient qui se fait en nous, après la perte d'un proche.
Donner des repères sur le deuil des adolescents en particulier ne doit pas faire oublier que ce cheminement est propre à chacun et que chaque situation est singulière.
On retrouve à l'adolescence des manifestations du deuil qui existent chez les adultes et dont les grandes lignes sont en général les suivantes : une période de choc, puis une phase de bouleversement, de perte de repères et de déséquilibre, suivie d'une phase de reconstruction et d'apaisement.
Néanmoins, la manière dont se déroule le deuil pour chacun est marquée par la période de la vie traversée au moment du décès de son proche]. Être en deuil à l'adolescence recouvre ainsi certaines spécificités.
Deuil et adolescence : deux temps de vie qui s'entrechoquent
Chez les adolescents notamment, on retrouve, de manière exacerbée, les émotions et sentiments que l'on observe chez les enfants ou les adultes en deuil : tristesse, colère, ressentiment, sentiments d'injustice, d'abandon, voire de trahison.
Quant au sentiment de culpabilité, il est accru à l'adolescence, en raison d'une part, des conflits - fréquents à cet âge - qui ont pu exister avec la personne décédée et d'autre part de l'ambivalence - sentiments mêlés d'amour et de haine souvent intensifiés à cette période de la vie.
Les adolescents peuvent, soit ressentir fortement ces émotions, soit s'en défendre car ils les vivent comme dangereuses.
L'adolescence est même en soi une période de deuil pour certains auteurs : pour qu'un adolescent puisse devenir adulte, il faut qu'il fasse le deuil de son enfance, en particulier de son corps d'enfant et des relations de proximité avec ses parents.
Quoi qu'il en soit, il y a des interférences entre ce qui est à l'œuvre à l'adolescence et le processus de deuil, interférences qui vont avoir des effets sur la manière dont l'adolescent vit son deuil :
L'adolescence est une période où les jeunes quittent peu à peu la pensée magique de l'enfance. Ils s'interrogent sur le sens de la vie, ils recherchent les limites, ils pensent à la mort qui est « la limite des limites » et peut pour certains représenter un défi.
C'est aussi l'âge où apparaissent les conduites à risques comme un jeu excitant avec la mort. L'adolescence est ainsi période de mise en risque, comme l'est le deuil, quoi que de manière habituellement passive et plus ou moins marquée, sous la forme d'un manque de soin et d'attention pour soi-même De plus, l'adolescence comme le deuil sont des périodes de solitude intérieure.
Le deuil d'un proche « fait exister la mort », il confronte à la mort d'un autre et fait soudain prendre conscience aux adolescents - qui se sentaient invulnérables - qu'ils peuvent aussi mourir.
L'adolescence est aussi en soi un moment où les jeunes font l'expérience de la mort en tant qu'expérience de la perte et de la séparation. En effet, les adolescents découvrant l'amour et la sexualité, ressentent la peur de perdre ceux qu'ils aiment, et ils font l'expérience de la séparation. Ils s'éloignent de leurs parents. Les liens se transforment. Ils éprouvent la peur de ne plus être aimés[5].
L'adolescence est une période de déséquilibre, de crise, au sens « période de changements, de remaniements, de transformations ». On peut en dire autant du deuil ;c'est aussi une période de perte de repères, de remise en cause d'un équilibre existant, à l'origine de profondes transformations chez les personnes qui y sont confrontées. La révolte adolescente peut être renforcée par celle du deuil et par les sentiments d'injustice et de colère ressentis face à la mort.
Pendant l'adolescence, s'effectue un double mouvement, d'une part de régression vers l'enfance, d'autre part, de poussée vers l'âge adulte. Un deuil à cet âge peut, soit renforcer la régression vers l'enfance, soit accélérer le passage vers un comportement adulte.
Les principaux effets du deuil à l'adolescence
Un adolescent en deuil peut avoir tendance à se responsabiliser pour aider et protéger l'entourage.
Il peut notamment ne pas manifester de chagrin après la mort d'un proche pour protéger l'autre parent en deuil ou aussi par crainte d'être jugé par sa famille comme pas assez fort ou ne maîtrisant pas assez ses émotions. Cependant, la tristesse et l'abattement, quand ils s'expriment, sont plus intenses chez les adolescents que chez les enfants. L'agressivité peut aussi être importante, en raison de la peur et du sentiment d'impuissance que les adolescents ressentent devant la souffrance de leurs proches en deuil, d'où des conflits avec l'entourage possiblement accrus.
Le deuil s'exprime dans le comportement. Il est important d'être vigilants si l'on observe des changements de comportement, de caractère ou l'apparition de difficultés scolaires, de problèmes de santé récidivants ou de fatigue importante.
Repérer si le jeune manifeste des addictions - toxicomanie, cyberdépendance, etc., ou des comportements à risques est également important, d'autant qu'à l'adolescence, la tendance à se mettre en danger est accrue. Tout ceci peut contribuer à augmenter le risque de "passage à l'acte" chez des adolescents déjà en difficulté.
Pour toutes ces raisons, il est souvent difficile d'apporter du soutien à des adolescents en retrait ou dans l'évitement qui ne manifestent pas leur chagrin et peuvent sembler indifférents. Ce d'autant qu'ils n'ont pas envie d'être différents des autres adolescents et que, cherchant à devenir autonomes, ils ont souvent du mal à accepter de l'aide.
Enfin, le rôle des pairs reste important dans le soutien d'un adolescent en deuil : la présence d'autres jeunes de l'école aux funérailles, les échanges avec d'autres jeunes confrontés à des séparations - divorce des parents, autres deuils, etc. ou à d'autres difficultés sont des soutiens précieux. Ces échanges peuvent se faire aussi sur Internet par le biais des réseaux sociaux et donnent lieu à de nouveaux rites et de nouveaux lieux de recueillement, par exemple création de blogs, de musiques, de films, de cartes virtuelles à la mémoire des personnes décédées, etc.
Il est souvent délicat de faire la part des choses entre ce qui relève du deuil et ce qui relève de l'adolescence.
Comment peut-on accompagner un adolescent en deuil ?
Les pistes qui suivent sont à réfléchir et à adapter si besoin en fonction de chaque situation :
Mettre des mots le plus tôt possible, dire la vérité - pour que l'adolescent puisse garder confiance en l'adulte - en répondant à ses questions avec des mots simples, quitte à dire que l'on ne sait pas si c'est le cas.
Souvent, l'adolescent se sent coupable et aurait besoin que les difficultés et tensions qui ont pu exister soient, non pas niées, mais relativisées. On peut aussi lui dire que le chagrin ne sera pas toujours aussi intense et le rassurer sur le fait qu'on va continuer à s'occuper de lui du mieux possible.
L'attitude de l'entourage a des effets sur la manière dont l'adolescent vit son deuil, selon que les adultes ne parlent pas de leurs émotions et cherchent à les contrôler ou qu'ils expriment ce qu'ils ressentent et sont authentiques dans l'échange avec le jeune. Dans ce dernier cas, l'entourage pourra ainsi aider l'adolescent à comprendre que ses émotions sont légitimes etpeut être le jeune pourra-t-il s'autoriser à les vivre et à les exprimer ce qui est important. Les adolescents, comme les adultes en deuil, ont en effet besoin d'être rassurés sur la normalité de ce qu'ils vivent.
Être à l'écoute sans jugement de ce qui pourra être exprimé, ce qui n'est pas toujours facile avec des adolescents provocateurs, et se rendre disponible si possible, sachant que ce peut être justement au moment où on ne l'est pas qu'il est disposé à parler, peut contribuer à favoriser le dialogue. Cependant, l'échange avec son/ses parent(s) peut rester difficile pour l'adolescent. Il aura peut-être moins de réticence à se confier à d'autres adultes - parents de ses amis, parrain, marraine, grands-parents, professeurs, etc.
Maintenir un cadre sécurisant qui signifie que la vie continue, en préservant les règles de vie et les rituels existants, en maintenant des exigences à son égard - repas en famille, sorties etc., sans pour autant être intransigeant. Il est important de prendre soin de soi en tant qu'adulte proche de l'adolescent, ce qui le rassurera et l'incitera à faire de même
Lui proposer de participer en actes aux rituels et commémorations, afin qu'il soit associé à ce qu'il se passe. Pouvoir ensuite continuer à parler de la personne décédée est important :cela la fait exister autrement. Cela signifie qu'on ne l'oublie pas et permet au jeune d'en parler s'il le souhaite.
Proposer au jeune d'élaborer quelque chose de sa relation à la personne décédée : en parlant de cette relation unique, en l'invitant à écrire un texte ou à se saisir des possibilités offertes par Internet, en lui proposant de réfléchir à ce qu'il souhaite garder comme souvenir de lui ou d'elle[10]
Respecter le besoin des adolescents de sortir, leur laisser la possibilité d'être en dehors de la famille avec d'autres adolescents pour vivre leur deuil.
Dire à l'adolescent qu'il y a des lieux où il peut parler de ce qu'il vit et les lui proposer.
Si la situation perdure ou se dégrade, si le jeune continue de se refuser à en parler avec l'entourage, il est important d'intervenir dans ce cas. On peut alors faire appel à des associations de bénévoles ou à des professionnels - médecins, psychologues - pour parler de la situation et mettre en place des aides adaptées.
Pour conclure :
Chez les adolescents notamment, on retrouve, de manière exacerbée, les émotions et sentiments que l'on observe chez les enfants ou les adultes en deuil : tristesse, colère, ressentiment, sentiments d'injustice, d'abandon, voire de trahison.
Quant au sentiment de culpabilité, il est accru à l'adolescence, en raison d'une part, des conflits - fréquents à cet âge - qui ont pu exister avec la personne décédée et d'autre part de l'ambivalence - sentiments mêlés d'amour et de haine souvent intensifiés à cette période de la vie.
Les adolescents peuvent, soit ressentir fortement ces émotions, soit s'en défendre car ils les vivent comme dangereuses.
L'adolescence est même en soi une période de deuil pour certains auteurs : pour qu'un adolescent puisse devenir adulte, il faut qu'il fasse le deuil de son enfance, en particulier de son corps d'enfant et des relations de proximité avec ses parents.
Ces repères sont à ajuster en fonction de chacun, de l'adolescent et de la situation vécue.
Comme chez les enfants, le travail de deuil sera repris ultérieurement à l'occasion d'autres pertes ultérieures, c'est normal.
Finalement, le processus de deuil et l'adolescence vont dans le même sens, ils nous confrontent à la reconnaissance de la réalité, à l'ajustement des idéaux, à la perte, au sentiment de solitude, au fait que l'on est mortel. Aussi douloureuses qu'elles soient, ce sont des expériences qui nous font grandir.
Photos : Shutterstock
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