Et si nous abordions la question de la fin de vie ?

La question de la fin de vie est un sujet qui reste encore tabou dans notre société et ceux qui y sont confrontés peuvent être bien isolés. Je vous propose d'ouvrir ce sujet de réflexion.

1 DÉC. 2023 · Dernière modification: 4 DÉC. 2023 · Lecture : min.
Et si nous abordions la question de la fin de vie ?

Je partage avec vous un sujet qui mérite réflexion. Sujet complexe et paradoxal s'il en est, celui d'accompagner la Vie jusqu'au bout. J'ai récemment lu le livre d'Elsa Walter "A vous je peux le dire. Écouter les mots de la fin" chez Flammarion et il m'a interpellée. Elsa a choisi de devenir bénévole à l'hôpital et se rend chaque semaine au chevet de personnes gravement malades. Il s'agit d'une activité encadrée par une association et réglementée. Elle a écrit ce livre comme témoignage des paroles entendues pendant ses visites, afin de les rendre audibles pour d'autres. Je recommande cet ouvrage aux personnes qui vivent des fins de vie ou qui souhaitent accompagner ceux qui le vivent.

Pourquoi est-il important de penser à la fin de la vie ?

Ce livre m'a intéressé à bien des égards. Tout d'abord, il parle sans tabous de la fin de vie et du soutien des proches aux malades, quel que soit leur âge. Cela reflète une dimension importante que je recherchais et que j'ai trouvée dans l'Analyse TriDimensionnelle, la dimension existentielle. Cette approche thérapeutique intégrative, pense l'Être Humain en trois dimensions : le Corps, l'Âme et l'Esprit, redonnant sa place à la de Source de Vie présente en chacun. Chacune de ces dimensions est d'égale importance, toutes trois sont nouées et aucune ne peut exister sans les deux autres.

J'ai toujours senti intuitivement qu'il devait exister autre chose que le corps et la tête, quelque chose d'imperceptible mais de très important. J'ai cherché cette dimension durant de nombreuses années. Depuis, j'ai connu différents moments de ma vie où cette dimension prenait toute sa place et son importance.

Parce que, lorsqu'on perd un être cher, quelqu'un à qui on est profondément attaché, il est difficile de voir le corps se détériorer et cette personne ne plus être en capacité de s'exprimer. J'ai pu être témoin de ce Souffle de vie jusqu'au dernier soupir et cela change complètement la rencontre avec la Vie et sa fin. Cela n'élimine pas la souffrance, qu'elle soit physique ou morale pour le mourant et son entourage, tout en éveillant à un regard différent sur cette Vie qui part. Rester à l'écoute de ce Vivant jusqu'au bout est primordial dans ces moments-là.

C'est également une expérience que j'ai vécu auprès de résidents en Ehpad lorsque j'y suis intervenue au début de la COVID-19. Expérimenter l'apport de ce regard tant pour eux que pour moi m'a permis de percevoir un moment de paix pour eux et le vivre aussi pour moi. J'ai pu constater à quel point cela peut être difficile pour les soignants lors des fins de vie. Lorsque le corps a épuisé ses forces et que la tête est ailleurs où un état de délire peut advenir ; il est difficile même pour les professionnels de garder la distance nécessaire qui leur permet de soigner avec bienveillance, sans être submergés.

Une partie de l'épuisement professionnel des soignants peut provenir des difficultés rencontrées alors qu'ils font face à leur impuissance d'une fin inexorable de la vie.

Pourtant, il peut y avoir de beaux échanges et des moments suspendus et j'aimerai vous partager un extrait du libre de Daniel Sibony « Entre-deux. L'origine en partage» aux éditions du Seuil, page 187 : « J'ai connu un vieux à Marrakech, qui, allongé sereinement dans son lit, fit sa dernière demande : qu'on lui apporte un petit plat de raisins confits avec des noix (c'était une spécialité). Une femme le sert, il mange, il dit « c'est vraiment très bon », ferme les yeux et meurt. Comme après avoir mangé le symbole du bon plat, de ce qui se mange de meilleur. Telle est l'épreuve qu'impose la mort à ceux qui restent : leur redonner des symboles de vie, de l'essence de vie, dans cette liqueur âcre et morbide qu'elle leur distille. Très peu supportent de pareils dons, qui ne se rattachent à rien, ne répètent rien, ou qui répètent certains dons originels. Mais en eux-mêmes ils constituent d'étranges recharges de liberté. » Cela m'interpelle aussi d'une autre manière : se permettre d'aller à la rencontre de cet autre jusqu'au bout.

Comment affronter la fin de la vie ?

Comment affronter la fin de la vie ?

J'ai moi-même parfois été confrontée à ce dilemme face à des connaissances gravement malades, voire en fin de vie. Lorsqu'il s'agit de personnes appréciées mais pas intimes, ou alors lorsque les relations se sont espacées ; comment osons-nous leur rendre visite à ce moment-là ? La plupart du temps, nous n'osons pas aller vers elles. Sans doute par peur de déranger, que la visite ne soit pas appréciée. La vie quotidienne nous donne mille occasions de ne pas prendre ce temps pour rendre visite à ces malades. Parfois le regret advient quand il est trop tard.

J'entends que le sujet de la fin de vie ne laisse pas indifférent. Selon son propre parcours, ses idées et la réflexion qui lui est portée, les commentaires peuvent parfois être violents, reflétant le niveau de violence que l'on peut ressentir lorsque l'on doit y faire face. Cette question est complexe, difficile, et surtout singulière car, je pense qu'il y a autant de rapports à la vie qu'à la question de sa fin.

Cette publication peut paraître sombre, mais elle véhicule un plaidoyer en hommage à la Vie : la Vie qui prend corps à partir du désir d'accueillir un enfant, de son advenu sur cette Terre et jusqu'à son dernier souffle. Accueillir la mort fait aussi partie de la Vie. Je veille d'ailleurs à accueillir cette dimension du Vivant chez chaque personne que j'accompagne.

Cette publication vise à ouvrir le regard d'une manière un peu différente sur la Vie, depuis son début jusqu'à sa fin et ouvrir à une autre réflexion. Peut-être que ce sujet vous aura intéressé ou interpellé, peut-être même donné envie de découvrir cette dimension du Vivant en vous. Je vous souhaite d'apprécier la Vie qui est en vous et de vous accueillir, vous, tout simplement.

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Écrit par

Anne Lise Chaminas

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Bibliographie

  • Walter E. (2022). A vous je peux le dire. Écouter les mots de la fin, Paris, Flammarion. 
  • Sibony D., Entre-deux. L'origine en partage, Paris, éditions du Seuil, 1991, page 187.

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