Le syndrome de l'expatrié et le syndrome du retour
Aujourd’hui, la mobilité internationale est une composante essentielle de la globalisation. C’est cette période d’immixtion, plus ou moins longue, qu’on appelle expatriation.
Retour d'exil des expatriés
Aujourd'hui, la mobilité internationale est une composante essentielle de la globalisation. Il en va de la mixité culturelle. C'est cette période d'immixtion, plus ou moins longue, qu'on appelle expatriation.
Il y a, bien sur, chez ceux qu'on appelle les expatriés, autant de composantes, autant de singularités, de parcours, qu'il y a d'individus. Les histoires de chacun, relatives au séjour à l'étranger, au retour, les conditions du départ, les difficultés d'adaptation, les rapports familiaux font apparaitre des points communs, particulièrement dans le syndrome du retour.
C'est pour celui qui rentre, bizarrement, le sentiment d'être étranger à son propre pays. Pour les enfants, on parle de troisième culture (Third Culture Kid : Enfant de la Troisième Culture, ETC). Celle qui se serait forgée, sur place, pendant le séjour à l'étranger, la culture locale et celle de leurs parents.
Le syndrome de l'expatrié
Le syndrome de l'expatrié est décrit pour la première fois chez Ulysse, dans l'épopée grecque antique d'Homère, l'Odyssée. L'espoir d'un retour s'idéalise au fil du temps et de la confrontation aux difficultés locales. Les souvenirs favorisent le bon coté des choses et la patrie devient ce lieu inaccessible et lointain chargé du meilleur.
L'incidence des changements topographiques sur chacun est patent. Il n'est qu'à considérer le bienfait qu'apporte aux périodes de vacances un lieu de villégiature privilégié. On appelait ça le « changement d'air ». Il est sûr qu'en venant rompre les habitudes de la vie quotidienne, s'opère une sorte de renouveau, une forme d'inscription créatrice dans de nouvelles habitudes tout à fait fécondes et enrichissantes.
Le terme de nostalgie dit bien l'origine du trouble qui s'empare de celui qui vit loin de sa terre natale : avec les racines « nostos » retour et « algos » douleur, la composition recouvre ce sentiment diffus que nous traversons le plus souvent dans une appréciation temporelle. Nostalgie de l'enfance, des êtres chers éloignés ou disparus, de périodes heureuses passées, de moments engloutis par la fuite du temps et des choses.
Chez un expatrié, c'est à dire pour quelqu'un qui vit loin de sa patrie, la nostalgie des instants passés vient se doubler du sentiment d'une absence indéfinissable, qu'il nomme patrie. Pour analyser le syndrome du retour et y apporter des solutions, essayons de cerner en premier lieu ce que recouvre le terme de patrie. Du latin « patria » terre des aïeux dérivé de « pater » père, la patrie semble désigner à la fois un lieu et une ascendance. Ce pourrait être par exemple « la terre d'où l'on vient », par opposition à celle où l'on est, il y a donc une notion de mouvement, de dynamique. L'expatriation porte une valeur identitaire.
C'est, en effet, d'identité qu'il s'agit quand on part à l'étranger et les formalités aux frontières sont bien là pour nous le rappeler puisqu'il ne saurait être question de les franchir sans présenter les documents officiels par lesquels un état s'attache à l'identité d'un individu : passeport, carte d'identité. À cela peuvent aussi, plus rarement, se greffer des notions de régularisation de la situation puisque les conformités financières, judiciaires ou fiscales sont parfois vérifiées et exigées.
Mais l'identité va beaucoup plus loin : le caractère de quelqu'un, sa démarche, son appartenance religieuse ou ses goûts sont autant de facteurs décisifs de qui il est.
Donc, on le voit, l'expatrié qui s'est affranchit d'un certain nombre de contraintes, a été examiné sous de nombreuses coutures, et lorsque le moment du retour est venu, ce sont ces rapports d'identité, les rapports à l'organisation sociale, et à lui même, qu'il s'agit de connecter, de re- connecter.
Il s'agit de retrouver dans les organisations sociales, familiales, la patrie, en tant que sentiment d'appartenance, « La mère patrie ».
La mère patrie serait alors l'expression qui viendrait souligner la profondeur du champ affectif que recouvre la notion de retour, dans la mesure où il s'agirait de « la mère de la terre des pères ». C'est dire la puissance de l'imaginaire à l'oeuvre dans ce que recouvre ce matriarcat, au moins dans son expression.
La patrie et le syndrome du retour
Mais qu'est-ce que la patrie ?
"Ubi bene, Ubi patria" (là où l'on se sent bien, est la patrie) est une expression romaine. La patrie est, avant toute chose, un mot qui appartient au registre du symbolique. En effet, qui a vu la patrie ? À ce mot là, correspond des notions qui se renvoient les unes aux autres. Le drapeau est le symbole de la patrie et le drapeau est une chose matérielle, qui existe en tant que tel, on peut l'observer ! Mais la patrie ?
Par opposition à la nation qui forme l'ensemble consanguin fermé, constitué par la volonté d'un ancêtre, la patrie est un ensemble politique, ouvert, décidé par la volonté des citoyens qui la compose. Et c'est ce qui est difficile dans le retour de l'expatrié, c'est qu'il n'a jamais quitté cet ensemble politique auquel il appartient. Il lui revient de faire valoir l'enrichissement, l'ouverture, qu'apporte son parcours auprès de ses pairs. Malheureusement, le décalage est souvent tel que se produit au retour, un heurt, plus qu'une assimilation des valeurs. Le syndrome du retour peut se déclencher de nombreuses années après le retour effectif. La question de l'identité en est au coeur. Le syndrome de retour se confond aisément avec ceux de la dépression, de la dépersonnalisation.
Des symptômes, comme ceux de la perte de sommeil, de la baisse de l'estime de soi, l'apathie, en sont les signes les plus courants. Il peut y avoir également, par contrecoup une volonté de ne plus bouger, de ne rien faire, d'être statique.
La reconstruction d'une identité propre, mobile, dynamique, en perpétuel enrichissement, l'assomption d'une singularité affirmée, la préservation de l'intégrité psychique, la distinction de soi et des autres, sont les axes de travail pour la résolution du syndrome du retour. Celui-ci disparait lorsque la personne retrouve sa « maison » natale, le « home sweet-home », cette patrie qu'elle a emmené avec elle, qui avait disparu, recouverte, ensevelie par la culture locale, bien qu'elle ne l'ait jamais quitté.
Photos : Shutterstock
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