La somatisation psychogène

Pierre Marty a posé les bases de la pensée opératoire en 1962. Il était parmi les précurseurs en France.

29 AVRIL 2021 · Lecture : min.
La somatisation psychogène

Pierre Marty a posé les bases de la pensée opératoire en 1962. Marty décrit la pensée opératoire étant une modalité du fonctionnement mental qui repose sur l'absence de la symbolisation, la mentalisation qui ne se passe pas par les voies d'expressions telles que le comportement ou l'expression verbale ou des sentiments, mais lesquelles passent par les mécanismes de défense du refoulement et de la répression pour enfin s'épuiser et se traduisent par des symptômes psychosomatiques à la fin. Il le décrit étant une organisation psychique se manifestant par un discours factuel, raisonnable, où tout travail du fantasme est absent.

Les patients mobilisant une pensée opératoire ont des difficultés à mobiliser et exprimer leurs émotions et sentiments. Ils se retrouvent dépourvus d'affect à élaborer des conflits ou à les refouler.

Typiquement ils se focalisent sur les symptômes de leurs corps, ils ne sont pas à même évoquer leurs sentiments. Le contact avec un sujet qui fonctionne en mode opératoire est neutre.

Marty parle de la « relation blanche », la relation blanche étant sans nuances est monotone, automatique. Le sujet semble fonctionner presque comme un automate, tout est machinal. Les sujets qui fonctionnent en « mode opératoire » ne trouvent pas de mots adaptés pour exprimer leurs émotions.

La pensée opératoire renvoie à un ensemble de signes tel que l'incapacité à mettre les émotions en mots. Souvent lorsqu'ils évoquent leur histoire, elle est dépourvue d'émotions et ressemble à une narration de faits.

Le sujet a souvent un discours factuel qui semble être collé à la réalité sans aucun fantasme. En mode opératoire le patient a d'énormes difficultés à s'exprimer et à verbaliser, sa priorité prime par l'action.

Le retour du refoulé : un mécanisme de défense en 3 temps

Nous allons développer le premier topique de Freud pour élucider le moment où le retour du refoulé produira le symptôme. Le retour du refoulé est un mécanisme de défense qui se passe en trois temps.

Tout d'abord, il y a le refoulement originaire, qui a lieu à une période précoce dans la vie de la personne avec un ensemble d'affects mis de côté, c'est la période dite archaïque de la construction de la psyché.

Par la suite survient le refoulement en soi, qui a lieu à un moment donné pendant un conflit entre pulsion et interdit. Puis vient, le retour du refoulé, qui arrive lorsqu'un traumatisme survient et qui peut réactiver un traumatisme antérieur, celui qui a été refoulé, et qui revient dans le champ de la conscience.

Le retour du refoulé faire écho à une angoisse du sujet, tel que l'angoisse de la castration ou l'angoisse de la séparation ou l'angoisse de la mort.

Selon la façon dont le sujet gère le retour à travers les mécanismes de défense et à l'aide de l'appareil psychique, ces événements peuvent créer des somatisations qui seront par la suite de type de conversationnelle, fonctionnelle ou lésionnelle.

Nous sommes tous sujets et soumis tout le temps ou plus un moins exposés à un stress, une angoisse, une peur, ou des événements vécus qui nous traumatisent. Lorsqu'un événement psychogène survient, la somatisation peut s'exprimer par trois portes de sortie : le comportemental, le mental ou le somatique.

Les mots se suffisent à eux-mêmes pour une expression verbale. Les maux du corps, en occurrence, symbolisent une expression un conflit interne du corps par rapport à la nature du psychisme du sujet. Les mots non-dits s'inscrivent dans le corps sous forme de maux signifiant une somatisation. La somatisation devient à son tour la parole qui s'exprime par ses maux à travers une lésion dans le corps pour dire qu'il souffre.

Les mots et les maux ont pour but commun de faire passer un message au sujet et à son entourage. La somatisation d'origine psychogène se décharge et s'exprime dans le corps soit dans une angoisse et répression.

Fixation de type conversionnelle, fonctionnelle ou lésionnelle de son l'angoisse

Comme nous l'avons expliqué, la mentalisation est un processus vital et important pour gérer l'équilibre et la qualité de l'appareil psychique. Elle se vit avec toute l'excitation pulsionnelle, à travers les systèmes que nous subissons et toutes ses représentations et réflexions d'affects que nous subissons au quotidien. La mentalisation est en étroit lien avec la qualité du fonctionnement du préconscient de la première topique de Freud.

Si le stress, l'angoisse et l'attente perdurent pour le sujet qui se trouve dans le « mal d'expression » alors une autre étape peut être franchie celle de la chronicisation que nous allons aborder dans le prochain chapitre.

Les facteurs de la chronicisation de la somatisation

Chaque être est constamment soumis et ressent des changements ainsi lors du processus de la somatisation psychogène on fait la distinction entre les facteurs favorisants, précipitants et la chronicisation.

Les facteurs favorisants sont l'attitude et l'éducation prodiguées envers l'enfant conduisant à une hypocondrie, car on a donné trop d'attention et de façon exagérée aux symptômes que présente l'enfant. Il apprend qu'étant malade on s'occupe de lui et ainsi il peut éviter les conflits avec toute complaisance de son environnement.

Le sujet en mode de pensée opératoire ayant également du mal à exprimer verbalement ses émotions favorise nettement la somatisation. Les facteurs précipitants sont les moments stressants et traumatisants de la vie tels qu'un deuil ou une perte qui arrive subitement sans prévenir et qui font beaucoup de dégâts chez les sujets qui somatisent.

Les facteurs de chronicisation permettent finalement l'installation définitive de la somatisation. L'école américaine de Franz Alexander a démontré dans ses études que les organes dépendants du système nerveux végétatif sont le plus souvent atteints par des pathologies avérées comme l'ulcération de l'estomac, des troubles gastriques sévères et des troubles intestinaux.

« Dans le modèle psychodynamique, le symptôme aurait pour but d'éviter un conflit intrapsychique qui est le bénéfice primaire ou de répondre à des besoins psychologiques inconscients, notamment la dépendance en bénéfice secondaire.

Exprimer une détresse psychique par un symptôme somatique peut être alors considéré comme un mécanisme de défense pour garder inconscients des sentiments non acceptables.

Une étude a ainsi montré que chez les patients présentant à la fois un trouble dépressif et une somatisation, celle-ci surviendrait généralement en premier, sur un mode chronique, avec ultérieurement la survenue d'épisodes transitoires de dépression.

Ces données étayent la théorie de la somatisation vue comme une défense contre une souffrance ou un conflit intrapsychique : quand le mécanisme de défense fonctionne moins bien, le trouble de l'humeur apparaît. » 

« Les réactions adaptatives psychosomatiques de l'individu sont celle d'un combat qui lui peut être de trois types : psychique, comportementale et/ou somatique.

Les mécanismes de défense tels que le refoulement, le déplacement, l'isolation, la projection et le retournement sur soi et la conversion visent à épargner le sujet de l'angoisse, de sa culpabilité et de sa souffrance morale. »

Pongy et Babeau démontrent dans leurs travaux que la défaite est source de souffrance et pour endiguer cette souffrance, le sujet porte alors atteinte au support de son l'appareil psychique.

Cet état d'abrasion qui peut être rapide, intense, à but antalgique, se retrouve dans : Les états d'origines de dépressions d'épuisement comme les états de démentalisation traumatiques, la dissociation psychotique favorisent et peuvent amener le sujet dans un état de somatisation grave d'autant plus s'il y a chronicisation de la situation.

Nous allons découvrir les pathologies associées au sein du mal dit selon leur type de manifestation conversionnelle, fonctionnelle, lésionnelle somatique.

Photos : Shutterstock

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Bibliographie

  • Pierre Marty La psychosomatique de l'adulte, Ed. : PUF — Que sais-je ? ; 2004,

  • Angoisse et répression. Pong/Babeau, p 54, Sauramps médical, 2011,

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