Loyauté familiale : Quand amour et dépendance se mélangent et nous emprisonnent

La famille est la structure dans laquelle nous avons grandi et vécu des réponses satisfaisantes à nos besoins mais aussi des manques générant parfois de profondes souffrances. Elles ne sont pas toujours conscientes, découvrons pourquoi.

3 NOV. 2023 · Lecture : min.
Loyauté familiale : Quand amour et dépendance se mélangent et nous emprisonnent

La loyauté familiale est un lien manifestant une cohésion et des obligations entre membres d'une même famille. Ainsi des choses que l'on refuserait de faire ou de vivre pour un ami ou un inconnu, on se retrouve à les accepter plus facilement car il s'agit d'un membre de notre famille. Nous acceptons des choses avant tout car ils font partie de la famille, nos envies pouvant alors se retrouver au second plan au profit du « clan ». Il y a donc derrière la notion que la famille est une structure spéciale, ayant ses propres règles, impliquant des décisions exceptionnelles par rapport au reste du monde et même par rapport à soi.

La particularité de la structure familiale

Cette structure est particulière car c'est là d'où nous venons, là où nous avons grandi et été éduqué. Le lien que j'ai envers mes parents (et dans une autre mesure les adultes et enfants plus âgés que soi de la famille) est unique, justement parce qu'ils m'ont éduqué, ont exercé leur autorité sur moi, étaient moins ignorant que moi et que je les ai aimé.

Les parents, se sont en effet les personnes que l'on rencontre et que l'on aime dès le début de notre vie. Nous les avons aimés, mais nous avons eu encore plus besoin d'eux. C'est eux qui nous ont nourris, nous ont apporté de la chaleur, ont contribué à notre survie. Sans eux et leurs soins, nous n'aurions pas survécu en tant qu'enfant (ou du moins c'est ce que l'on croit en tant qu'enfant). Nous les aimions, mais ils avaient aussi la capacité à subvenir ou non à nos besoins vitaux. Ils avaient alors un pouvoir gigantesque sur nous, celui de nous rendre affamé ou rassasié, sale ou propre, frigorifié ou au chaud, heureux ou malheureux et dans une plus grande mesure : vivant ou mort.

Cela ne veut pas dire qu'ils ont forcément abusé de ce pouvoir ou qu'ils n'ont pas répondu à nos besoins. Mais la réalité est qu'en tant qu'enfant, seuls nos parents pouvaient répondre à certains de nos besoins et qu'ils avaient alors un pouvoir énorme sur notre vie. Et quand bien même d'autres personnes auraient pu répondre à nos besoins, cet accès était sous le pouvoir de nos parents puisque ce sont nos parents qui étaient décideur d'où l'on vivait et des personnes qu'ils nous étaient autorisés de côtoyer.

On découvre qu'il s'agit d'une structure particulière, mais aussi une où le pouvoir d'individus sur d'autres était considérable. Ce pouvoir, peut avoir été utilisé à bon escient (bien nourrir, bien s'occuper de ses enfants) mais aussi parfois à mauvais escient, que cela ait été involontaire (parent trop surchargé par le travail, maltraité par son conjoint, ne comprenant les besoins de son enfant, etc.) ou volontairement (parent méprisant les besoins de son enfant, sadisme).

Quand la famille peut-elle être négative ?

Nous avons vu que nous avons tous été extrêmement dépendant de nos parents et que nous les avons aimé et qu'ils avaient également beaucoup de pouvoir sur nous. Comme tout pouvoir il peut être utilisé à bon ou mauvais escient. Nous allons aborder ici deux principaux mauvais usages.

  • La négligence: Nos parents étaient responsables de la satisfaction de nos besoins (physiques ou émotionnels), ils ont pu alors ignorer cette responsabilité ou n'y répondre que partiellement ou épisodiquement. Ignorer nos besoins, ne pas les entendre, les minimiser ou tout simplement être absent ou non joignable ont constitué des formes de négligence. Elle a alors eu des conséquences sur nous. Nous pouvons avoir développé un sentiment de ne pas avoir de valeur, de ne pas être digne d'amour ou d'attention. Nous pouvons alors développer de grands problèmes de confiance en soi et d'autonomie. Nous pouvons également avoir la pulsion de vouloir rattraper ces manques auprès de nos parents quand bien-même nous sommes adultes ou après d'autres personnes, nous rendant alors dépendant d'eux. Nous pouvons également nous comporter envers nous-même comme nos parents l'ont fait et négliger nos propres besoins.
  • La violence: Des membres de notre famille ont également pu être violents avec nous, que ce soit par des coups, des insultes, des moqueries, du favoritisme, des humiliations, voire des abus sexuels. Toutes ces violences subies vont se retrouver mélangées à notre loyauté familiale. Nous nous retrouvons alors à être loyal et aimer des personnes qui nous font du mal, nous abusent. Cette double relation, violence du plus fort et loyauté de l'enfant, vont avoir de lourdes conséquences sur son psychisme et sa manière d'aborder les relations. Comme amour, loyauté et violence auront été mélangés, il sera particulièrement difficile de réussir à bien les distinguer. On peut par exemple plus tard se retrouver à aimer quelqu'un nous faisant du mal sans réussir à comprendre que nous copions exactement ce que nous avons vécu enfant avec nos parents ou frères et sœurs.

Un mal qui s'ignore : L'incapacité de voir ses souffrances par conflit de loyauté

Un mal qui s'ignore : L'incapacité de voir ses souffrances par conflit de loyauté

Par le poids de la loyauté familiale, nous pouvons très bien avoir complètement occulté les violences ou négligences subies en tant qu'enfant. En effet, la loyauté joue également un rôle de tri dans nos perceptions et nous rend aveugles aux violences et négligences subies. Parce que nous avons été extrêmement dépendants de ces adultes, parce que nous les avons très fortement aimés, parce que nous étions loyaux envers eux, nous avons appris à ne pas voir le mal qu'il nous faisait, les souffrances dont ils étaient responsables.

Un jeune enfant est incapable de résister à la force de cette loyauté familiale bien trop grande pour lui. Peut-être il fera des crises, peut-être il fera une tentative de fugue mais, impuissant, il reviendra toujours auprès de sa famille (à moins qu'il en trouve une de substitution). Pour rester dans cette famille qui le néglige ou lui fait du mal, il doit alors apprendre à ne plus voir ce mal, à ne plus sentir ses souffrances, sans quoi sa vie serait insupportable (quoi de plus douloureux que de ressentir des souffrances terribles quotidiennes et d'être impuissant à agir dessus ?). L'enfant choisira alors la loyauté familiale, avec tout ce qu'elle implique de sacrifice de ses besoins, ses perceptions, ses ressentis, ses désirs et ses droits.

La loyauté familiale génère alors une déformation de nos perceptions du réel ainsi qu'une suppression des éléments compromettants envers les personnes dont nous sommes dépendants. Peut-être qu'en fait certaines histoires familiales nous faisant rire n'ont absolument rien de comique mais beaucoup de tragique, que l'amour que nous continuons de chercher désespérément a peut-être à voir avec un manque d'amour cruellement ressenti en tant qu'enfant.

Si vous pensez vous reconnaître dans cet article, peut-être vous avez vous aussi été victime de négligence, de violence ou d'autres formes d'abus dans votre enfance et vous avez appris à l'oublier ou ne plus le voir. L'accompagnement avec un thérapeute ayantlui-même travaillé sur son histoire personnelle, ayant conscience de ces réalités de négligence et d'abus, et qui apporte une écoute empathique à vos souffrances peut vous aider à sortir de cette loyauté familiale et retrouver votre intégrité. Tant que nous sommes prisonniers de cette loyauté, nous ne pouvons reconnaître nos souffrances, nous restons bloqué dans notre passé, condamné à le répéter avec notre famille ou d'autres personnes, et ne pouvant vivre la vie à laquelle nous aspirons.

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Écrit par

Loïc Yvinec

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Bibliographie

  • Miller, A (2004). Notre corps ne ment jamais. Flammarion
  • Korczak, J (1919). Comment aimer un enfant. Robert Laffont 

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