Sujet de Reflexion sur le vieillissement de l'être humain

" Marie De Hennezel souligne que les Grecs possédaient deux mots pour désigner le vieillard : le presbyte (le sage qui va vers la mort comme une ouverture de lumière), et le géronte.

4 SEPT. 2015 · Lecture : min.
Sujet de Reflexion sur le vieillissement de l'être humain

Pour les grecs, on note deux étiologies pour désigner le « vieillard » : le presbyte représentant le sage allant vers la mort comme vers une ouverture de lumière et le géronte allant vers la mort comme vers un tunnel d'obscurité. Le vieillard est alors associé à l'approche de la mort et la représentation subjective que chacun s'en fait, source de lumière et/ou d'obscurité. Cela peut faire penser à la politique du verre à moitié vide et à moitié plein et à une résidente qui me disait : « Dans la vie, il faut qu'il y ait un équilibre entre toute chose ». La psychologie positive, qui a été fondé par Martin E.P. Seligman, a pour ambition de faire en sorte que le verre soit toujours à moitié plein, jonction entre le verre vide et plein. N'est-ce pas cela, aussi, cette notion de lumière et d'obscurité, ce juste équilibre, source d'appréhension de l'inconnu qu'est la mort dans nos représentations subjectives ? La Gérontologie qui vient du grec γέρων / gérôn « vieillard » et λογία / logía « étude » est un champ d'étude portant sur le vieillissement humain, ne serait-elle pas à voir comme un autre temps psychique du grand âge nous préparant à la mort ?

Qu'est-ce que la mort ? Du latin mors, la mort s'entend comme la fin de la vie, la cessation physique de la vie. Dans son sens médical, elle correspond à la fin des fonctions du cerveau définie par un électro-encéphalogramme plat. Dans son sens philosophique, elle fut considérée successivement par une pluralité d'auteurs. Platon l'a ainsi définie comme « le terme d'une vie terrestre et l'accès à un monde idéal ». Pour Epicure, « tant que nous sommes là, elle n'est pas ; quand elle est là, nous ne sommes plus » ou encore Lucrèce qui l'a définie comme « la dissolution de l'âme et du corps ». Heidegger l'envisage comme « la forme même de la vie humaine, considérée dans sa finitude ; cette forme saisie et assumée, permet l'accès à l'authenticité ». Enfin, Sartre, voyait la mort comme « un fait sans aucune cause ontologique ».

Marie De Hennezel, psychologue, psychothérapeute et auteur française, dans son livre « La mort intime : ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre », cite une des résidentes « la mort c'est comme un bateau qui s'éloigne vers l'horizon. Il y a un moment où il disparaît. Mais ce n'est pas parce qu'on ne le voit plus qu'il n'existe plus »[1]. Je trouve cette comparaison pertinente, se représenter la mort comme un bateau qui s'éloigne puis disparait vers l'horizon, à la jonction entre la mer et le ciel telle que la rencontre entre la lumière et l'obscurité. Se retrouve ici peut être ce juste équilibre, dans cette représentation subjective de cette résidente. Puis cette métaphore de la mort physique mais pas mentale c'est-à-dire que nous pouvons toute notre vie, nous représenter mentalement les êtres chers que nous avons perdu car ils restent vivant dans nos cœurs et nos esprits.

Dans nos expériences de vie, de rencontre, que cela soit dans notre entourage, dans nos familles et nos stages, la représentation de la mort est propre à chaque individu en fonction de son histoire de vie, certains sont emprunts de sagesse et se préparent à la mort sans peur ni angoisse et pour d'autres personnes, c'est l'opposé. Dans son livre « Parler de la mort », Françoise Dolto disait « L'expérience de la naissance est la première expérience de l'émergence de la mort »[2]. Notre venue au monde nous installe parmi ceux qui vont mourir qui implique d'emblée une perte : celle du placenta protecteur vécu par le nouveau-né comme une part de lui-même. Cette notion de perte est importante car c'est elle qui tout au long de notre vie réactive l'angoisse de la mort. Effectivement, nous vivons des pertes, ne serait-ce que la perte de l'enfance lorsque nous rentrons dans l'âge adulte.

vieux.jpg

Selon Pascal Courdec, psychanalyste et psychologue, cette perte de l'enfance pour accéder à l'âge adulte nécessite l'acquisition des valeurs accordées à la vie et à la mort. Cette dualité « vie- mort » est le fondement même de la vie adulte. Il est par exemple normal que certains adolescents témoignent d'une attirance ou répulsion pour les événements macabres (obsèques, cimetières..) en raison du symbolisme de ces événements et de leur participation dans l'évolution psychique. Etre adulte signifie « devoir mourir » un jour, l'angoisse de la mort résulte donc de l'affrontement de deux idées : vouloir vivre et devoir mourir. Il s'agit d'une évolution naturelle et normale de l'état psychique[3]. Cette dualité « vie-mort » connote effectivement le fait de vouloir vivre et devoir mourir et accepter cette finalité de vie, cela serait peut-être de trouver ce juste équilibre qui permettrait à chaque personne de vivre pleinement sa vie en acceptant sa mortalité.

Cependant, cette évolution normale de l'état psychique aboutissant à cet équilibre, n'est pas à l'identique pour chaque individu. D'ailleurs, Jérome Pellissier, docteur et chercheur en psychogérontologie, précise dans un de ses articles : « on ne devient pas soudainement tous vieux au même âge, comme on ne devient pas soudainement tous adultes au même âge »[4].

Je n'ai pas vécu d'expérience de stage à ce sujet mais deux expériences de vie qui m'ont interrogé sur la mort assez tôt que je me permets de vous écrire. D'un part, à l'âge de 17 ans ou j'étais encore insouciante et je pense, dans une croyance infantile que nous étions immortelles. Je n'avais pas accepté l'idée que nous allons tous vieillir et mourir, ce n'était pas pensable pour moi. Mes parents étaient séparés depuis longtemps et mon père vivait en Italie. Sans savoir que mon père était malade, j'ai su, suite à un appel téléphonique de son frère, qu'il était décédé seul dans une chambre d'hôtel. Il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter son décès et cette image effrayante, voir même violente de lui, allonger sur son lit, seul, en train de mourir. Je me suis souvent demandée, « A quoi a-t-il penser avant de mourir ? », « A-t-il souffert ? » en espérant de tout cœur que non, « A-t-il pu se réconforter en pensant à ses enfants avant de partir retrouver la lumière et/ou l'obscurité ? ». Je l'ai peu connu et nous avions jamais parlé de la mort, je n'avais aucune idée de sa représentation subjective de celle-ci. Je peux dire qu'à ce moment-là, la vie m'a montré au combien nous étions mortelles et j'ai dû l'accepter et accéder à la vie adulte avec une double perte, celle de « l'enfance- adolescence » et celle de mon père. Je me suis, avec le temps, donnée les réponses réconfortantes symboliques afin de m'apaiser et d'accepter de ne jamais les avoir réellement. Puis, j'ai profité, d'autant plus, de chaque instant de la vie en totale conscience et acceptation que la mort est une finalité qui n'arrive pas automatiquement lorsqu'on est « vieux ».

D'autre part, à l'aube de mes 23 ans, ma mère avait fait une rechute, son cancer était revenu et tout ce que cela a pu engendrer comme finalité. Après avoir perdu mon père et accepter que nous étions mortelles, ce fût, cependant, un choc émotionnel pour moi de perdre ma mère et cela, même si j'étais consciente qu'elle était condamnée par cette effroyable maladie qu'est le cancer. Une part de moi espérait un miracle. Ma mère et moi avons réalisé, à la même période, qu'il n'y avait plus d'espoir, ce qui est arrivé lorsqu'elle s'est sentie mieux pendant deux jours, elle arrivait plus à marcher et nous avait même préparé des frites comme elle aimait tant le faire. J'étais heureuse de la voir en meilleure forme. Et elle s'est éteinte peu de temps après. Nous n'avions pas échangé sur cet inconnu qu'est la mort et je n'avais aussi aucune idée de sa représentation subjective de celle-ci. Je suis restée souvent près d'elle dans le silence, présente, lui touchant le bras et la main par moment sans rien dire, en me disant que si elle avait besoin de me faire part de ses questionnements, elle l'aurait fait. Je ne savais pas, à ce moment-là, que j'allais devenir psychologue et que l'étayage que j'ai fait avec ma présence, mon toucher, mon regard aussi auprès de ma mère, c'était ce dont elle avait besoin.

vi.jpg

En conclusion, comme l'explique Pascal Courdec, « c'est la mort des autres qui nous fait prendre conscience de notre mortelle condition »[5]. En effet, de mon expérience, c'est la mort de mes parents qui m'a fait prendre conscience de notre existence mortelle. Et l'accepter n'a pas d'âge. Le grand âge nous préparant à la mort peut tout aussi bien être à 20, 40, 60 ou 80 ans, tout est fonction de l'histoire de vie propre à chaque individu.

La Gérontologie qui est l'étude portant sur le vieillissement humain peut être perçue, effectivement, comme un autre temps psychique du grand âge nous préparant à la mort. Cependant, cette conception du grand âge ne doit pas être liée automatiquement à des sujets âgés mais à des personnes peu importe leur âge. Si nous prenons par exemple l'étude du vieillissement humain sur le plan cognitif, selon la littérature, les résultats observés des différentes recherches mettent en évidence un développement des performances cognitives des individus jusqu'à l'âge de 18 ans environ et celles-ci déclinent aux alentours de 27 ans (Salthouse, 2009)[6].

Enfin, je terminerais ce sujet de réflexion sur une citation de Romain Rolland, écrivain français :

« Chacun porte au fond de lui comme un petit cimetière de ceux qu'il a aimés »


[1] Marie de Hennezel (2006) : La mort intime : Ceux qui vont mourir nous apprennent à vivre. Éditeur : Pocket.

[2] Françoise Dolto (1998) : Parler de mort. Éditeur : Mercure de France

[3] http://psychoparis.com/

[4] http://www.monde-diplomatique.fr/2013/06/

[5] http://psychoparis.com/

[6] Salthouse, T. A. (2009). When does age-related cognitive decline begin. (Elsevier, Éd.) Neurobiology of aging, 30, pp. 507-514.

Photos : Pixabay

PUBLICITÉ

Écrit par

Huret Anne-France

Psychologue clinicienne, Psychothérapeute et Coach en Psychologie Positive. Durant son cursus universitaire, elle s’est spécialisée auprès des enfants (Psychologie de l'enfant et de l'Ado, Psychologie Comportementale), des adultes (DU Approche Non Médicamenteuse et DU de Psychotraumatologie) et aussi auprès des séniors (DU de Gérontologie).

Consultez nos meilleurs spécialistes en
Laissez un commentaire

PUBLICITÉ

derniers articles sur couples

PUBLICITÉ