Des explications à nos comportements sur les réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux sont régulièrement le théâtre de scènes violentes. Peut-on les éviter ? Le problème vient-il de l'être humain ou de la possibilité de tout partager au monde entier ?

20 AVRIL 2017 · Lecture : min.
Des explications à nos comportements sur les réseaux sociaux ?

Dimanche 16 avril, un homme a lancé plusieurs macabres vidéos en direct depuis son compte Facebook. Après avoir annoncé qu'il voulait tuer quelqu'un dans la première, il met sa menace à exécution et assassine en direct un homme de 74 ans dans une deuxième. Dans la troisième vidéo, il annonce qu'il aurait tué treize autres personnes (pour le moment, les autorités n'ont pas confirmé cela). Le mardi 18 avril, cet homme, Steve Stephens, s'est donné la mort.

Deux heures après la publication de l'une de ces vidéos, un internaute a finalement signalé le contenu, et Facebook a supprimé quelques minutes plus tard le compte de cet homme. Pourtant, il semble que plusieurs millions de personnes auraient visionné l'une des vidéos de Steve Stephens.

On peut se poser plusieurs questions face à cette nouvelle : pourquoi vouloir faire quelque chose d'aussi atroce et vouloir que cela soit vu ? Et pourquoi tant de personnes ont-elles regardé les vidéos sans alerter personne ?

Ce n'est pas la première fois que les réseaux sociaux sont le théâtre de scènes macabres et de morts en direct. Qu'elles soient accidentelles ou volontaires, ce sont toujours des moments choquants car cela nous touche au plus profond de notre être.

Le besoin d'être populaire

Contrairement à ce que l'on entend souvent, la recherche de célébrité est née bien avant les réseaux sociaux. Dans l'Antiquité, Erostrate a mis le feu au temple d'Artémis à Ephèse, uniquement dans l'espoir d'être connu. Depuis, on appelle cette recherche de célébrité le "syndrome d'Erostrate", preuve que les réseaux sociaux n'ont pas donné naissance à une société égocentrique.

Les réseaux sociaux n'ont rien inventé, mais ont offert un espace pour s'exprimer à ces personnes qui recherchent la célébrité, pour le meilleur comme pour le pire. Pour beaucoup, être populaire sur les réseaux sociaux équivaut à l'être dans la vie réelle.

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Quelles sont les motivations qui nous poussent à mettre un "j'aime" ?

Avez-vous déjà cliqué sur "j'aime", "partager" ou "retweet" pour que la personne se souvienne de vous et vous rende la pareille sur votre prochain statut ou photo ? Avez-vous déjà regardé plusieurs fois vos réseaux pour voir si l'une de vos publications avait du succès ?

Ceci est dû au fait que les réseaux sociaux alimentent notre ego et notre estime de nous-même, et dans ce monde qui nous semble de plus en plus individualiste, nous avons besoin de satisfaire nos besoins d'une manière ou d'une autre, et de nous sentir au-dessus de la moyenne pour "être quelqu'un". Les réseaux sociaux nous offrent la possibilité de porter un masque et d'être quelqu'un d'autre, mais aussi de créer des profils anonymes et de se faire de nouveaux amis. Ce sont des opportunités pour nous socialiser, ce qui est l'un de nos plus grands besoins mais aussi le fonds de commerce des réseaux sociaux.

L'homme, un animal grégaire

L'homme vit depuis toujours en communauté. Nous sommes habitués à vivre avec d'autres, à partager les choses avec nos congénères, à vivre plus ou moins dans les mêmes sphères. Les réseaux sociaux sont une panacée dans ce domaine : ils nous permettent de partager en masse notre vie, de suivre en masse celle des autres, satisfaisant notre instinct grégaire comme notre besoin de curiosité.

Selon Néstor Fernández Sánchez, dans son article "Troubles comportementaux et réseaux sociaux sur Internet",

"à chaque fois que les personnes ont besoin d'établir une communication de forme naturelle avec les autres, les réseaux sociaux [...] brisent les barrières du temps et de l'espace pour établir et maintenir des relations interpersonnelles au moyen de l'échange d'idées".

Les troubles du comportement dus au réseaux sociaux

Avec le développement des réseaux sociaux, on a pu identifier de nouvelles conduites au sein de la société et des individus. Dans le domaine de la santé, on trouve aujourd'hui un nouveau genre d'addictions, comme les addictions à Internet, au cybersexe, ou encore l'addiction aux réseaux sociaux, des thématiques que les chercheurs en psychiatrie et psychologie étudient encore aujourd'hui. Évidemment, ces troubles sont encore peu connus, précisément parce que les ressources offertes par Internet n'existaient pas auparavant et que rien ne laissait la place à ces comportements de se développer.

Pour Néstor Fernández Sánchez, il n'existe pas réellement d'addiction à Internet ou aux réseaux sociaux, mais plutôt des problèmes de conduites dérivés de l'accès illimité aux contenus possible par Internet. La FOMO (Fear Of Missing Out, la peur de rater quelque chose) fait partie de ces problèmes de conduite.

Sommes-nous nous-mêmes sur les réseaux sociaux ?

Selon la psychologue Mónica Quintana, "il y a un peu de mythes et de diabolisation quand on parle des réseaux sociaux". Pour elle, ceci est notamment dû à la peur provenant des génération qui n'ont pas grandi dans un monde où les nouvelles technologies tenaient une place centrale, comme c'est le cas des générations X (les nés entre 1960 et 1980) et Y (les nés après 1980). Pour elle, "ils sont comme toute autre technologie : ni bons ni mauvais".

De toutes les différences de comportement que l'on peut avoir sur les réseaux sociaux, la principale est que nous ne nous montrons pas tels que nous sommes vraiment. Pour la psychologue Maite Sánchez-Mora, nous nous créons un profil sur les réseaux sociaux et nous construisons une image de nous à partir de celui-ci. Ceci fait que nous n'avons pas forcément de filtre et que nous pouvons publier tout type de contenu.

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La sidération face à la violence

Peut-être avez-vous déjà expérimenté un phénomène de sidération. On se sent comme sorti de son corps, on ne sait plus ce que l'on fait. Récemment, dans les attentats, de nombreuses personnes ont été accusées de ne pas avoir de coeur car elles filmaient ce qui se passait autour d'elles plutôt que de contacter les secours. Or, c'est la sidération qui nous fait agir comme cela : le choc est trop grand à encaisser pour notre cerveau, et, dans ce cas, mettre un écran entre nous et la scène permet de prendre de la distance.

C'est un réflexe totalement humain, qui ne reflète pas du tout, comme on a pu le voir, une individualisation de la société, où l'on irait vers du chacun pour soi. Au contraire, c'est réellement un mécanisme réflexe de notre cerveau pour se protéger.

Ainsi, on ne peut pas arguer que les millions de personnes qui ont vu les vidéos de Steve Stephens soient des personnes macabres : il se peut que le phénomène de sidération ait été fort chez certains, les empêchant d'appeler les secours, et d'autres ont pu penser à un canular.

Comment les réseaux sociaux influencent-ils notre état d'esprit ?

Pour Maite Sánchez-Mora, cela dépend si l'on est très actif ou non sur les réseaux sociaux. L'état d'esprit des personnes très actives sur leurs réseaux sociaux peut être modifié, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.

Selon Mónica Quintana, notre état d'esprit est en partie lié au besoin, en tant qu'être humain, de se sentir membre d'une communauté, de quelque chose de plus grand que soi. "Nous avons besoin de nous sentir reconnus par les autres pour avoir une bonne estime de nous-même", explique-t-elle.

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Elle explique aussi que, coupés de la communication physique que l'on a en face à face, nous perdons toute une dimension de la communication émotionnelle lorsque nous passons sur les réseaux sociaux.

Dans une société où nous occupons chaque jour un peu plus de présence sur les réseaux sociaux et où ceux-ci occupent chaque jour un peu plus de place dans nos vies, que se passe-t-il lorsqu'on ne reçoit pas de feedback gratifiant ? Est-il possible de se sentir plus seul ?

Nous savons que les réseaux sociaux ne peuvent pas prévenir ce genre de dérives, comme ce qu'a fait Steve Stephens, le risque est présent sur toutes les plateformes. Le partage d'informations en temps réel est nécessaire pour les entreprises fondatrices de ces réseaux. Il est trop tard pour revenir là-dessus, mais pas trop tard pour pouvoir réagir plus vite.

Il est certain que les utilisateurs ne quitteront pas les plateformes sociales parce qu'elles montrent le monde réel. Cela fait partie de leurs risques d'héberger de tels contenus. Il n'est pas possible de prévenir les violences sans enfreindre les droits de chacun.

Doit-on rester dans nos bulles et écouter seulement ce qui nous plaît et fermer les yeux sur ce qui nous dérange ? Devons-nous nous libérer de la dissonance cognitive, isolés assez longtemps de la disharmonie pour oublier qu'elle nous entoure, et, pour les plus chanceux d'entre nous, pouvoir l'ignorer ? Nous sommes des humains, et cela se reflète malheureusement aussi dans ce que nous publions sur nos réseaux sociaux.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

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Commentaires 2
  • scharzy

    Réseaux à emmerdes, ça fait des histoires dans la famille ! Je suis bien placée !

  • scharzy

    Facebook c'est un réseau d'embrouilles

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