Harcèlement scolaire : un terme peu adapté

Si le sujet du harcèlement est, en ce moment, malheureusement, au coeur de l'actualité, il est important de comprendre ce qu'est le harcèlement scolaire pour bien le différencier des violences ou des conflits entre enfants.

14 JUIL. 2023 · Lecture : min.
Harcèlement scolaire : un terme peu adapté

Le terme de harcèlement scolaire n'est pas adapté car, en réalité, ce phénomène n'est pas uniquement scolaire. On le trouve dans tous les collectifs d'enfants : périscolaires, centres de loisir, clubs de sports ou écoles de musique ou d'arts. De plus, le mot « harcèlement » évoque le harcèlement chez les adultes, sur le lieu de travail ou au harcèlement sexuel alors que le harcèlement scolaire, entre enfants, n'est pas de la même nature. Ce n'est pas la personnalité des enfants qui expliquent les intimidations, les brimades. Les enfants intimidateurs ne sont pas pervers ou sadiques. Ils sont plutôt pris dans un phénomène de groupe qui se développe car l'environnement, les adultes n'y ont pas mis un terme.

Dans d'autres pays, on utilise des termes différents pour qualifier le harcèlement scolaire, ce qui permet de faire la différence. Au Canada, on dit « intimidation et brimades », en Belgique « mobbing » (de mob: la foule)

Aujourd'hui, les spécialistes du harcèlement scolaires utilisent les termes : intimidations et brimades », « Cible » et « intimidateur » pour désigner ce phénomène. Utiliser les bons mots et bien décrire le phénomène permet de lutter efficacement contre lui. De la même marnière, toutes les violences à l'école ne sont pas du harcèlement et utiliser ce mot à mauvais escient brouille les pistes et ne permet pas d'aider les enfants cibles.

Qu'est-ce le harcèlement scolaire ?

Si en France, le harcèlement entre enfants est abordé par l'éducation nationale depuis moins de dix ans, le phénomène n'est absolument pas nouveau et le premier article sur le sujet, écrit par Dan Olweus (psychologue américano-norvégien) date de 1973 ! et son livre n'a été traduit qu'en 1990 en France… Et si on lit « la guerre des boutons » de Pergaud qui se passe dans les années 1920, on y trouvera des beaux exemples d'intimidations et de brimades (dont celle qui consiste à plonger la tête de certains enfants dans les toilettes à la turque de l'école). Donc le phénomène est très long d'être une nouveauté émergeante à cause des réseaux sociaux. Il existait avant et les réseaux sociaux lui ont permis de prendre d'autres formes.

Voilà la première définition, données par Olweus, du harcèlement scolaire : « Un élève est harcelé ou victimisé quand il/elle est exposé, de façon répétée et sur le long terme, à des actions négatives de la part d'un ou plusieurs élèves »

Olweus fait une liste assez longue de ce que sont les choses négatives : se moquer, ignorer l'autre, dire des mensonges à propos de l'autre, exclure ou frapper, donner des coups, pincer, pousser etc. Dans les situations que j'ai eu à traiter, on peut aussi avoir : faire tomber la trousse d'un camarade pour le faire punir, l'insulter ou insulter ses parents, lui interdire de porter certains vêtements, mettre son cartable dans un lavabo et ouvrir le robinet, vider une carafe d'eau dans son plateau à la cantine, voler son dessert, lui faire brouter l'herbe de la cour, lui piquer le dos avec un compas, lui casser ses lunettes tous les 15 jours etc…. L'imagination est sans limite comme le montre ces exemples réels et on peut aussi ajouter les menaces si l'enfant révèle les faits.

Qu'est-ce le harcèlement scolaire ?

Pour qu'il y ait harcèlement et pas uniquement violence, il faut que ces agissements soient répétés, chroniques, pendant un temps longs et perpétrés en groupe, soit au même moment, soit en se relayant. Par exemple, on peut se faire tomber sa trousse par le copain à coté, puis par celui de derrière puis celui de devant fera tomber votre règle et un quatrième renversera votre trousse au sol. Pousser la trousse pour la faire tomber une fois n'est pas du harcèlement. Le faire 10 fois dans la journée, pendant plusieurs semaines, pour que l'enfant se fasse réprimander ou punir constituent des brimades. L'enfant fait l'expérience de son impuissance. L'adulte le réprimande, le trouve maladroit et ses protestations n'y changeront rien.

Plus subtile, des enfants peuvent s'amuser à en ignorer un. Dès qu'il s'approche, le groupe se tait, s'éloigne. S'il vient dire bonjour, on ne lui répond pas. En dehors de l'école, certains peuvent lui parler. Mais à l'école, ils font semblant de ne pas le voir… c'est un traitement absolument terrible qui met l'enfant, là aussi, dans l'incapacité à changer la situation, quoiqu'il fasse. Et les adultes lui diront : tu n'as qu'à aller jouer avec d'autres enfants…

On observe aussi qu'il y a un différentiel de pouvoir entre la cible et les intimidateurs. C'est toujours les mêmes qui ont le dessus et un seul enfant se trouve démuni et au désespoir face à une situation dont il ne comprend pas les tenants et les aboutissements. Dans un conflit banal entre deux enfants de pouvoir égal, ce n'est jamais le même qui a le dessus. Il y a une alternance et ils viennent se plaindre de l'autre successivement.

Les études sur le sujet montrent qu'environ 10% des enfants sont touchés, sans doute à des degrés divers. C'est donc un problème répandu face auquel les institutions ont longtemps fermé les yeux (et encore aujourd'hui). Dans mon prochain article, j'aborderai le pourquoi du harcèlement. Puisque les intimidateurs n'ont pas de personnalité particulière, pourquoi font-ils cela ?

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Écrit par

Nathalie Goursolas Bogren

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Bibliographie

  • Bogren, N. G. (2010). Utiliser l'A.T. pour comprendre et guérir les effets du harcèlement chez les enfants. Actualités en analyse transactionnelle, 134, 9‑23. https://doi.org/10.3917/aatc.134.0009
  • Olweus, D. (1993). Bullying at School : What We Know and What We Can Do. Wiley.
  • Olweus, D. (2010). Bullying in schools : Facts and intervention. Kriminalistik, 64.

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