Le travail corporel en Gestalt-thérapie

Les expériences de nos vies laissent des traces dans nos corps. Savoir les décrypter, c’est devenir plus entier, apporte de l'apaisement.

8 MARS 2022 · Lecture : min.
Le travail corporel en Gestalt-thérapie

Grâce à l'influence du philosophe Martin Buber, contemporain du fondateur de la Gestalt-thérapie Fritz Perls, celle-ci est comprise comme la rencontre de deux personnes uniques. Perls disait :

"Moi et toi, ce sont les bases du nous, et ce n'est qu'ensemble que nous pouvons rendre la vie dans ce monde plus humaine".

L'affirmation de Buber "Dès sa naissance, l'être humain vit dans des relations et tout développement se fait dans et par l'expérience des relations" est confirmée par le chercheur américain Daniel Stern, spécialiste des nourrissons. Il démontre que l'homme est un être social dès sa naissance. Il est prédisposé à entretenir des interactions uniques avec ses semblables. Ces interactions inscrivent dans le corps depuis le jour de la naissance. L'être humain se développe en interagissant avec son environnement et en faisant l'expérience de celui-ci et de lui-même. Cela signifie que l'être humain se réalise dans ses relations avec les autres. Alors, si l'on fait l'expérience de l'offense, de la blessure et de l'endommagement de l'âme et du corps dans des relations vécues, la guérison doit également avoir lieu dans le vécu des relations.

La relation guérisseuse

La posture très particulière des Gestalt-thérapeutes se caractérise par la présence et le respect du client, sans pour autant perdre le sens de sa propre réalité. L'approche phénoménologique permet d'observer ce qui se passe chez le client/la cliente, ce qui se passe chez le/la thérapeute dans la situation présente de la rencontre. Cette interaction constitue l'environnement où l'expérimentation thérapeutique puisse avoir lieu selon la devise : "Écoute ce que tu es destiné à devenir, ce que ce moment présent unique est destiné à devenir". Il s'agit donc de signaler à l'autre, par la relation (pas nécessairement avec des mots) : "Je t'accepte tel que tu es et je suis prêt à te soutenir du mieux que je peux". Ce n'est qu'à partir de cette relation que l'individu peut se développer.

Le dialogue interpersonnel est toujours un dialogue physique

Ce qui, selon Paul Watzlawick, psychologue jungien, psychothérapeute, et sociologue américain, s'applique à la communication verbale - on ne peut pas ne pas communiquer - s'applique également au niveau physique. La relation en Gestalt-thérapie entre un demandeur d'aide et un donneur d'aide est une relation dans laquelle deux personnes devraient, si possible, utiliser tous leurs sens de la perception. Et comme nous sommes des êtres physiques, nous nous percevons également physiquement. L'attention des gestalt-thérapeutes se concentre de fait sur la communication non verbale et verbale. La posture, les gestes, la respiration ou encore le ton de la voix sont pris au sérieux, tout comme le contenu des messages verbaux.

Cette attitude présuppose une capacité d'auto-perception sûre de la part du/de la thérapeute. Ils devraient être aussi conscients que possible de la multitude d'informations vers l'intérieur (par exemple les impressions sensorielles, les mouvements, la perception de tensions corporelles) et vers l'extérieur (par exemple la respiration, la posture, le ton de la voix, les gestes et les mimiques et effluves olfactives).

La dimension du langage corporel du dialogue contribue considérablement au processus thérapeutique. Le flux d'informations non verbal est nettement plus immédiat que le flux verbal et le précède toujours. Les récents résultats de la recherche neurobiologique le confirment d'ailleurs : la communication verbale ne conduit à un changement que si un état consensuel a déjà été établi par la communication non verbale.

La place de l'expression corporelle

En Gestalt-thérapie, les processus physiques et psychiques sont considérés comme deux aspects d'un même ensemble. Malheureusement, nos vies contemporaines focalisent davantage sur le mental et ne laisse plus de place au lien avec nos corps.

Pourtant le corps est très bavard. Il peut avoir une posture particulière (marcher comme un robot, avoir les épaules tombantes, se déplacer en trainant les pieds), de tensions dans la nuque ou d'une sensation de pression au niveau de l'estomac. Alexander Lowen, psychothérapeute américain à qui nous devons la théorie de la bioénergie, considère que toutes les postures corporelles fixes sont l'expression d'une compensation de manque, de répression ou de frustration. Toute inflexibilité corporelle correspond à une rigidité psychique. Les expériences de vie significatives ne marquent pas seulement le psychisme, mais se reflètent également dans le corps tout entier. Elles influencent la respiration, la posture, mais aussi la nature des mouvements.

La vision gestaltiste

Dans la vision gestaltiste, toute forme de résistance est comprise comme une expression vitale et créative mise en place à un moment donné de sa vie. Ces solutions créatives dans des situations de vie difficiles d'alors, deviennent chroniques et inappropriées. Elles sont figées. Ces anciennes stratégies d'adaptation sont désormais vécues comme des obstacles sur le chemin du libre développement de la personnalité. De ce point de vue, la résistance n'est plus exclusivement dévalorisée. Pour le client/la cliente, une gestion salutaire des résistances implique de s'identifier à celles-ci afin de comprendre le message qu'elles contiennent.

Il en résulte une sorte d'appréciation de sa propre bravoure et de sa créativité pour tenter de maîtriser des situations difficiles. Perls considérait même l'expérience du blocage (impasse) comme un moment décisif dans le déroulement de la thérapie : "Si vous ne passez pas par l'impasse, alors tout ce qui vous intéresse est le statu quo". Les clients/les clientes apprennent à en sortir avec l'aide du/de la thérapeute, mais surtout grâce leurs propre mobilisation. Cela nécessite du temps. Il n'est pas possible d'accélérer artificiellement le processus, ni d'omettre certaines étapes nécessaires. C'est pour cette raison, et parce que l'on fait toujours confiance à l'autorégulation organisationnelle des client(e)s, que la Gestalt-thérapie a pour devise „Don't push the river, it flows by itself." (Ne poussez pas la rivière, elle coule par elle-même)

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Gabriele Eibner

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Bibliographie

  • La réalité de la réalité, Paul Watzlawick, collection Point 1984
  • Gestalt Thérapie, F.Perls, R. Hefferline, P.Goodman, L'exprimerie 2001
  • Je et Tu, Martin Buber, Aubier Philosophie, 2012
  • Le langage du corps, Alexander Lowen, Tchou-Laffond 1977

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