Harmoniser notre esprit et notre langage

Une introspection psychophénoménologique contribue à l'harmonisation de l'intériorité en examinant nos représentations afin de [...] les déconstruire et les reconstruire

22 FÉVR. 2019 · Dernière modification: 4 MARS 2019 · Lecture : min.
Harmoniser notre esprit et notre langage

La vie intérieure se constitue d'une série de contradictions que chacun doit dépasser et surmonter pour accéder à un niveau supérieur d'équilibre de l'intériorité ; elle se compose d'opinions instables et contradictoires, d'idées plurielles souvent opposées, d'affects et d'émotions plus ou moins vives, de sentiments qui oscillent entre des pôles eux-mêmes antagonistes. L'esprit forge au fil de son édification et de son vécu une somme de représentations sur le monde, les autres et soi-même.

La construction de nos représentations

Chaque individu accorde avec bonne foi une valeur de vérité à chacune de ses représentations comme si elles étaient parfaitement conformes à ce qu'elles visent : le monde, les autres et nous-mêmes. Articuler toutes les représentations que nous élaborons avec des opinions variantes, des sentiments épars, des émotions et des désirs non maîtrisés dans un grand projet de construction de soi-même est un processus long et difficile. Ce sont bien souvent les contradictions qui mènent la danse.

Beaucoup de nos représentations sont issues d'un apprentissage erroné en son fondement, relèvent aussi d'un mimétisme rassurant mais vide de soi-même, à tel point que nous peinons à les présenter dans le langage lorsque nous communiquons avec les autres.

Pour que la parole soit parlante et qu'elle parle bien à quelqu'un, il faut préalablement s'entendre sur les termes. Qu'est-ce qu'un autre ? Est-ce une identité autre que je peux ramener au même que moi-même ? Est-ce un alter-ego ? Le même que moi en l'autre l'emporte-t-il sur l'altérité de l'autre de telle sorte que nous puissions converser en nous entendant ? L'image que je me façonne de l'autre et des autres correspond-elle vraiment avec cet autre et ces autres ? Ou l'autre est-il encore si autre en tant qu'autre, dans la radicalité de sa différence, que je ne puis le désigner que comme Autre, un inidentifiable pour toujours ? Y-a-t-il en l'Autre une donnée qui ne se donnera jamais ?

Nous construisons des représentations, cela veut dire que nous disposons via notre esprit des identités et des différences qui mettent en ordre notre sens du réel, qui sécurisent notre rapport au monde et aux autres. Cela implique que nous estimons vraie notre manière de disposer dans notre vie intérieure le monde, les autres et les choses, car nous présupposons vraies nos représentations sur ceux-ci.

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Déconstruire ses représentations

Le moment où nous commençons à déconstruire nos représentations compte véritablement, c'est à dire qu'il engage notre manière de constituer la vérité des nouvelles représentations à fonder. Toutes nos anciennes représentations ne sont pas à jeter ; certaines méritent d'être développées, creusées, améliorées. Les discours qui se rapportent à nos représentations accroîtront progressivement en démonstration et rationalité jusqu'à tenir stablement dans le cour instable de l'existence.

Dans la mesure où les opinions (discours faible, peu ou pas démontré, contenant une maigre part de rationalité) sur les autres, qui ne se confondent pas avec des vérités subjectives, peuplent notre esprit, elles sont bien évidemment les premières à remettre en question pour débuter le processus lent d'harmonisation de l'intériorité. Lorsque je dis « untel est comme ceci et untel est comme cela », je réduis illégitimement son identité infinie en niant radicalement qu'il puisse être autrement que ce que j'en dis et m'en représente.

Or, nous avons besoin de déterminer des identités en affirmant que « x est comme ceci, y est comme cela » et dans ce processus d'identification logique, qu'est-ce qui distingue « untel est comme ceci » de « la table est comme cela » ? Si l'on ne fait pas attention sérieusement à notre manière d'élaborer nos représentations et nos discours sur ce qui est hors de nous-même (le monde, les autres, les choses), nous continuerons à concevoir et discourir sur les autres comme on le ferait sur les choses.

Ainsi, pour harmoniser nos représentations, nous devons d'abord saisir que le monde, les autres et les choses ne se visent et ne se disent pas de la même manière. Quel impact ont les autres sur nous-même ? Seulement la représentation que nous nous en faisons ; l'impact peut être grand, ou nul. Toutefois, affirmer la nullité de la différence de l'autre n'est ni juste, ni vraie, ni souhaitable et ne mène à rien.

Une introspection psychophénoménologique contribue à l'harmonisation de l'intériorité en examinant nos représentations afin de les trier, les mettre en ordre, les déconstruire et les reconstruire en leur donnant du sens. Les contradictions nous font souffrir et les surpasser permet l'amélioration de notre vie intérieure.

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L'amplification de certaines représentations

Le malheur naît assez souvent d'une tendance fâcheuse qui est trop humaine à amplifier certaines représentations (relatives par exemple à des événements que nous traversons), d'augmenter fortement des impacts faibles, d'accorder plus d'importance à ce qui n'en a que peu, à minimiser aussi ce qui pourrait être de grande valeur, de laisser nos sentiments faire un peu comme ils veulent, et nous finissons par ne plus nous appartenir nous-même sans même nous en apercevoir. Les phénomènes de l'intériorité sont complexes et c'est peu dire. Cette tâche d'harmonisation de soi nécessite de (re)devenir auteur des phénomènes intérieurs dans le sens où il faut impérieusement ne plus être traversé par eux comme s'ils étaient en nous des phénomènes étrangers. « J'aime les pommes », « j'aime me promener à la plage », « j'aime les tartines grillées », « j'aime untel », « j'aime cette table grise », « j'aime jouer au scrabble », « j'aime aimer »...mais que disons-nous exactement quand nous disons quelque chose ? Quelle valeur dans nos mots usuels et quotidiens ? Victime des mots, nous le disions auparavant, il n'est pas surprenant par habitude de considérer les autres à la manière des choses. Cela il faut le rompre et apprendre à désigner, décrire et intentionner autrement quand on se rapporte au monde, aux autres et aux choses.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Maxime Le Bihan

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