Les conduites à risque à l'adolescence

L'adolescence, passage difficile vers l'âge adulte. Cette étape est très souvent un moment où l'agir va primer sur la parole, mais pourquoi ?

26 JUIL. 2022 · Lecture : min.
Adolescentes qui fument

L'adolescence est l'un des passages clé dans la formation psychique de chaque être humain. Cette étape de notre vie se met comme un entre-deux entre la vie d'enfant que l'on quitte, et celle d'adulte qui nous ouvre ses portes. L'adolescence est souvent un passage éclectique qui vient avec différents changements. Ces derniers, à la fois physiques et psychiques, peuvent être difficiles à vivre, que ce soit pour la personne concernée ou pour son entourage. Ces changements sont difficiles à comprendre pour les adolescents qui, en retour, ne savent pas non plus comment en parler. Pourtant, le mal-être est là, le changement se fait, sans qu'ils/elles puissent l'arrêter. Cela peut faire peur, cela peut déranger. Le besoin de s'exprimer est grand, pourtant ils/elles ne savent pas comment s'y prendre pour expliquer une situation qu'ils/elles ne comprennent pas eux-mêmes. Garder en soit ses sentiments négatifs met beaucoup de pressions sur un.e adolescent.e. Comme ils/elles ne peuvent l'exprimer par la parole, ils/elles passent alors par les actes. C'est de ce mal-être que découlent les conduites à risque, cet agir violent qui se retrouve si souvent dans l'adolescence.

I) Les conduites à risque, c'est quoi ?

Les conduites à risque sont des comportements, uniques ou répétitifs, qui mettent, réellement ou symboliquement, la vie de la personne concernée en danger. On y regroupe toute tentative d'exposition délibérée au risque de mourir ou de blesser, de mettre sa propre santé en péril, ou d'altérer son avenir personnel. Ces comportements peuvent entraîner une dissolution provisoire de l'identité et mettent grandement en difficulté au niveau de l'intégration sociale.

Rappelons que l'adolescence est un âge de multiples transformations, où la quête de sens prend une place importante. Cette entreprise peut être difficile, en particulier lorsque l'on a l'impression de n'être ni entendu, ni compris, par autrui. La conduite à risque se place alors comme un acte de réappropriation : d'une parole, d'un corps, d'une pensée. L'adolescent.e veut trouver un sens, comprendre son existence dans un monde où il est difficile de s'exprimer. Par ce recours au corps, ces jeunes vont tenter d'échapper à une certaine impuissance face aux changements auxquels ils sont confrontés. Ainsi, les conduites à risque sont un moyen d'expression pour l'adolescent.e. Cela montre une tentative de prise de contrôle de soi, une tentative pour se faire entendre, et trouver sa place dans la société.

II) Les conduites à risque, pourquoi ?

Le comportement d'opposition se retrouvera chez l'adolescent lorsque la réponse de l'entourage envers ce dernier est perçue comme une blessure et n'est pas en accord avec sa pensée. Ce comportement est une mise en acte permettant de se distancier de l'autre sans s'engager soi-même. Cela peut même entraîner des actes de violence envers la personne concernée ou envers son entourage. Refus et oppositions sont alors monnaie courante.

Le refus est une tentative pour l'adolescent de montrer qu'il ne veut plus se plier aux exigences d'une autre personne. Ces dernières sont vécues comme des tentatives pour faire disparaître sa personnalité, pour le conformer à outrance. L'opposition, elle, sert de frein dirigé contre les demandes de l'autre partie. Ainsi, l'individu se place non pas en fonction de sa propre initiative, mais plutôt en fonction de l'autre. Par ce comportement, l'adolescent cache ses pensées aux adultes qu'il sent comme une menace. La communication avec lui devient plus difficile.

Cette position d'opposition est créée à cause d'un sentiment d'emprisonnement que ressent l'adolescent vis-à-vis d'une autorité qui, selon lui, pèse trop et le prive de sa liberté. L'adolescent.e est alors dans une lutte pour conserver son identité, pour pouvoir se différencier de l'autre sans être effacé par lui. Le passage à l'acte, tout comme l'opposition, est une forme de mise en acte effectuée par ces jeunes lorsqu'ils sentent que la parole ne peut être entendue ou comprise.

III) Comprendre ce comportement identitaire

Ce comportement arrive généralement dans un contexte où l'adolescent.e se sent privé de sa liberté et où il/elle a l'impression que nulle parole ne sera entendue. Le passage à l'acte est alors un outil utilisé pour ne pas se retrouver piégé par l'autre et, ainsi, pour librement s'exprimer. Dans le passage à l'acte, la parole fait défaut car l'adolescent.e n'a pas de place pour se manifester : soit parce que cela lui est interdit, soit parce qu'il/elle a l'impression qu'on ne l'écoutera pas. Cela peut mener à la sensation de ne pas être reconnue dans sa qualité de sujet, à se sentir illégitime et à ne pas trouver d'endroit ou de moment pour se manifester.

A cet âge plutôt, que de passer par la parole car on ne se sent pas reconnu ou pas à sa place, être dans l'action permet de s'exprimer plus facilement. L'adolescent.e ne parle pas, il/elle agit pour montrer ce qui est ressenti et pensé. Le passage à l'acte vient montrer que le jeune se trouve devant un objet qui n'est pas ouvert, l'empêchant ainsi de se faire voir et entendre comme quelqu'un de différent, d'à part entière. Au contraire, il se trouve devant un discours venant des attentes de ses géniteurs qui lui mettent beaucoup de pression, et le rend comme un objet uniquement là pour accomplir les attentes inassouvies de ses parents.

L'adolescent.e cherche donc à s'éjecter de cette situation par le passage à l'acte. Cela lui permet de s'exprimer et de montrer qu'il/elle est un sujet, non un objet, avec sa propre particularité. Le passage à l'acte est ainsi une tentative de regagner un espace de liberté en se dégageant des attentes des parents, ou de l'entourage. En effet, ces attentes impliquent une dépendance à laquelle le jeune ne veut plus faire partie. La meilleure façon de s'en défaire semble alors d'agir à l'encontre de ces dernières.

Conclusion

L'adolescence est donc une période d'ambivalence où le jeune bien qu'il aime ses parents, a le sentiment de devoir s'en séparer pour trouver qui il est ; d'où l'opposition qui est montrée. L'adolescent.e cherche à passer d'un stade d'objet à un stade de sujet. Le besoin de faire ses propres expériences est important, quitte à transgresser certaines règles. La reconnaissance de ses pairs sera alors plus importante que celle des parents. L'adolescent.e est un jeune à fleur de peau du fait d'un désarroi, vécu à cause des relations avec ses parents et de son histoire personnelle.

C'est une période de sa vie où l'on se détache des repères sécurisants de l'enfance pour pouvoir se diriger vers l'autonomie et l'indépendance. C'est un moment de grandes fragilités où l'adolescent.e aura besoin d'avoir des limites précises marquées et de soutien de la part de son entourage. Par ailleurs, il/elle aura l'impression de ne pas être entendu.e, ni écouté.e. Il sera alors préférable pour ces jeunes d'être plutôt dans l'agir que dans la parole, d'où des comportements de conduites à risque voire de passage à l'acte. Ces derniers ne sont en réalité que l'expression d'une souffrance interne que le jeune ne saura expliquer autrement.

Ces comportements sont également mis en place afin de se détacher des parents. Ce détachement permettra l'émergence d'un adulte qui sera détaché de ses premiers objets d'amour mais qui sera capable d'être concerné par eux et de s'en préoccuper. Le but général est de ne plus être dépendant de ses parents. Cette séparation est un processus intrapsychique qui permet à l'individu d'accéder à l'autonomie. Les effets positifs de ce processus dépendront de la capacité parentale à faire face et à tenir leurs positions face à l'agressivité possible de l'adolescent. La qualité des liens parents-enfants jouent alors un rôle important.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Gwenael Thing-Leoh

Psychologue clinicienne spécialisée dans la psychologie interculturelle. Grâce à ma formation, je dispose d'outils que j'utilise pour vous proposer une psychothérapie adaptée qui vous permettra d'avancer et de vous épanouir pleinement.Dans ma pratique je me base sur une approche humaniste et psychanalytique.

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Bibliographie

  • Forget, J-F. (2010). Les violences des adolescents sont les symptômes de la logique du monde actuel. Bruxelles : Fabert
  • Le Breton, D. (2010). Adolescence et conduites à risque. Bruxelles : Fabert
  • Zimmermann, G., Carvalhosa, M. B., Sznitman, G. A., Van Petegem, S., Baudat, S., Darwiche, J., ... & Clémence, A. (2017). Conduites à risque à l'adolescence: manifestations typiques de construction de l'identité?. Enfance, (2), 239-261.

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