De l’épreuve traumatique à l’expérience initiatique

Comment trouver un nouveau sens à sa vie après une épreuve traumatique ? Comment passer du drame à l'expérience initiatique ? Quelle thérapie pour se libérer de la charge émotionnelle liée à un traumatisme ?

18 AVRIL 2024 · Lecture : min.
De l’épreuve traumatique à l’expérience initiatique

« Je me souviens de ce matin-là, dans cette clinique, quand j'ai ouvert les yeux en salle de réveil, entourée d'autres fraîchement opérés ; quand ce matin-là, j'avais demandé à une infirmière penchée sur moi combien j'avais de cicatrices ; quand à ce moment-là, elle avait répondu : « deux ». J'ai su que j'avais un cancer. Devant moi, j'avais aperçu l'ombre de la faucheuse, aussi effrayante que l'arcane sans nom du Tarot et j'ai compris que le destin avait décidé que mon sablier était bientôt vide en haut et plein en bas. Je ne verrai pas grandir mon enfant. Je n'aurais pas le temps de réaliser mes rêves. Tout ce que je m'étais imaginée pour mon avenir n'était qu'illusion. Ma route allait s'arrêter là. Et puis, ce fut la révélation. Celle qui doit rester gravée dans mon cœur si je dois vivre encore. Elle tient en un seul mot : l'amour. […] Je vis toute mon existence se rétracter, se condenser en images apparaissant sous forme de flashs qui se bousculaient, se télescopaient et, au milieu, la seule chose essentielle à vivre : aimer, être aimé(e), c'est tout.»

Dans une telle situation, comme l'annonce d'une maladie mortelle, ou tout autre événement à valeur traumatique, quoique nous fassions, nous ne pouvons nous soustraire à notre destinée. Impossible de reculer, négocier, éviter cette expérience. Nous sommes projetés malgré nous dans un espace temps, au-delà de la conscience « habituelle ». Nous nous retrouvons au cœur de la question existentielle : la vie, la mort, l'amour. Mais avant de pouvoir atteindre ces instants d'extrême lucidité, la peur, la détresse ont envahi tout notre être. Comme le décrit Maud Séjournant lorsqu'elle évoque le décès de son premier enfant : « les mois que je passais à tenter de comprendre la signification de cet événement me permirent de labourer en moi les champs de souffrance que j'avais laissés en friche. La terre était fertile, je le savais, mais je n'avais pas encore le guide pour savoir l'ensemencer. »

Le processus traumatique

En effet, tout événement dramatique, d'autant plus quand il survient brutalement, tel que la perte d'un être cher, une agression, un accident, une maladie, une guerre, plonge la personne dans un état de sidération, d'effroi, qui la conduit à rester comme bloquée dans un passé traumatique éternellement présent, empêchant toute projection dans l'avenir. La personne victime maintiendra un état d'hypervigilence émotionnel et physique ; son quotidien sera envahi par des réminiscences de l'événement, freinant tout travail d'élaboration. Elle sera nostalgique de ce qu'elle et de ce qui était avant le drame. Elle est passée de l'autre côté du miroir, a rencontré le visage de la mort, pris conscience de sa finitude et se retrouve prisonnière d'un entre-deux, incapable de réintégrer pleinement le monde des vivants.

Le point de vue culturel

En Occident, souvent perçu comme négatif, humiliant, voire comme un échec, la personne victime d'un drame va tenter vainement d'oublier, de nier, de l'effacer de son histoire. Pourtant, dans les contes pour enfants, le héros accepte avec résignation et sagesse d'aller au bout de l'expérience qui lui est présentée, devenant ainsi acteur de sa vie, faisant le choix de subir, plutôt que de subir tout court.

Dans d'autres cultures, ces accidents de la vie sont perçus différemment, comme étant un signe qui désigne l'élu, le futur initié, celui qui présente des capacités autres, qui le place distinctement dans sa communauté. Dans les cultures traditionnelles, ces expériences sont même « provoquées » au travers des rites de passage, ou de quête de vision, dont les objectifs sont d'éprouver le courage et la résistance physique et mental du jeune initié, à savoir l'amener à un autre niveau de conscience, à un autre statut social. Mourir à lui-même en tant qu'enfant, adolescent, pour devenir autre, adulte.

Du trauma à l'initiation

Quand une personne a été confrontée au pire, au moins deux voies s'offrent à elle : rester victime du mauvais sort toute sa vie ou accepter d'avoir vécu cette douloureuse expérience et de ce fait, arrêter de continuer à la subir émotionnellement pour reprendre son plein pouvoir. C'est passer de la soumission à l'initiation, de l'absurde au sens, de la crise à l'opportunité, de l'objet du destin au sujet de son existence par un changement de conscience.

Le processus traumatique

L'expérience traumatique oblige à descendre en soi et à trouver des ressources inexplorées jusqu'à ce jour pour survivre physiquement et psychiquement. Elle extrait du social, de la communauté, comme laissé sur le quai d'une gare, sans train à prendre, sans destination, tandis que nos, plus tellement, semblables continuent leur chemin. Le point commun entre expériences traumatiques et initiatiques est l'ancrage dans un présent que l'on ne peut fuir. L'expérience traumatique a en cela de commun avec la voie spirituelle de nous soustraire de force à nos distractions et préoccupations habituelles. Elle nous fait passer dans une autre réalité, plus subtile, celle qui nous ouvre les portes de notre monde intérieur, d'une plus grande connaissance de nous-mêmes au-delà des apparences, des conventions sociales, de notre éducation, au-delà du connu.

Thérapie

Il serait présomptueux de ma part de vouloir donner ici des techniques pour se libérer de traumatisme graves, mais pour avoir été amenée à accompagner de nombreux patients victimes d'événements dramatiques, j'ai appris que le chemin à parcourir est parfois très long. Il est important de respecter la temporalité de la personne, sans la brusquer. Il existe toutefois différentes approches thérapeutiques qui aident à libérer plus rapidement la charge émotionnelle liée au traumatisme. En allégeant cette charge émotionnelle, le patient pourra enfin faire la paix avec son passé, l'accepter tel qu'il fût et trouver un sens à l'événement traumatique. L'hypnose[3], l'EMDR[4], la PNL[5], … entre autres peuvent s'avérer très efficace pour ce type d'accompagnement.

Le passage d'une expérience traumatique à une expérience initiatique se fait par l'exploration de la conscience, au-delà de l'émotionnel et du mental. En s'ouvrant à la spiritualité, au sens de l'esprit, l'objectif est de se souvenir que, quoiqu'il arrive, nous sommes mortels, que nous ne sommes que de passage dans cette incarnation pour y vivre des expériences, lesquelles si elles sont traumatisantes peuvent être vécues dans l'après-coup comme des ré-missions.

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Écrit par

Florence Delem

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Bibliographie

  • Delem, F (2010). Héroïne anonyme. Editions du banc d'Arguin.
  • Séjournant, M (1997). Le cercle de vie. Albin Michel.
  • Erickson, M (2016). De l'hypnose clinique à la psychothérapie stratégique, Jaques-Antoine Malarewicz- Jean Godin. 
  • Shapiro, F (2010). Manuel d'EMDR. Inter Editions. 
  • Bandler, R (2018). Un cerveau pour changer. Inter Editions.

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