Je n'aime pas ma mère: pourquoi puis-je ressentir cela et que puis-je faire à ce sujet ?

Pourquoi ai-je une mauvaise relation avec ma mère ? Que puis-je faire pour faire face à cette situation ? Découvrez les raisons pour lesquelles vous avez cette déconnexion avec votre mère.

5 AVRIL 2024 · Lecture : min.
Je n'aime pas ma mère: pourquoi puis-je ressentir cela et que puis-je faire à ce sujet ?

Nos liens à nos parents, depuis les tous premiers temps de notre vie, sont faits de sentiments et de vécus ambivalents. D'amour, d'attachement, mais aussi de peur, de conflits, de manque, de dépendance. Des émotions et des vécus qui sont pourtant des étapes nécessaires à la constitution psychique du nourrisson. Et, au premier plan de ces liens qui vont construire l'univers du nouveau-né, la mère sera le principal réceptacle (et émetteur) de ces sentiments « mélangés ». Contemporaine de Freud, la psychanalyste Mélanie Klein sera pionnière dans l'étude de la relation du bébé avec sa mère, dévoilant le concept de « bon et de mauvais sein » pour symboliser la co-existence chez le tout jeune bébé des sentiments d'attraction et de peur vis-à-vis sa mère.

Ces étapes de développement vont peu à peu, si la présence maternelle répond à ses besoins affectifs, permettre au bébé de construire sa propre identité. Il pourra alors se détacher de cet objet tout puissant qu'elle représente, pour construire son propre psychisme. Mais, dans tous les cas et même si cette étape est dépassée avec succès, les angoisses liées à ces relations ambivalentes vont laisser des traces et marquer notre développement affectif.

Pourquoi est-ce que je n'aime pas ma mère ou est-ce que je ressens du rejet ?

Pourquoi la relation à la mère est-elle un sujet si important lorsqu'il est question de bien-être psychologique ? Pourquoi sont-elles si souvent sur le banc des accusées dans les cabinets psys? Souvent, parce qu'elles n'ont pas su être de « bonnes mères » pour l'enfant devenu adulte, et qui porte encore les
traces de ces manques affectifs. John Bowlby, psychiatre britannique du XXème siècle, a montré l'importance vitale du lien mère-enfant.Il a élaboré une théorie permettant de faire le lien entre la qualité de présence de la mère pour son bébé, et le type d'attachement futur de celui-ci. Si la mère répond aux besoins affectifs et sensoriels de son enfants sans lui imposer, tout en étant à son écoute, et ce dans une continuité de temps, le bébé va développer un
type d'attachement « sécure ». Par contre, si elle ne répond pas assez, de manière inadaptée, ou au mauvais moment aux besoins du bébé, et ce de manière répétitive, ce dernier, pour s'adapter à des réponses incohérentes ou irrégulières, développer des types d'attachement dits « évitants », ou encore
« anxieux » selon les situations qu'il aura vécu.

Les attachements « évitants » vont ainsi traduire le fait, que le bébé, parce qu'il n'a pas reçu, et de manière répétée, l'attention nécessaire à ses besoins, vont se détourner de leur mère, et ne plus être en demande. Ces bébés vont adopter un comportement qui paraît insensible (ils ne vont plus pleurer lorsque leur mère s'absente, ou encore ne manifester aucune émotion à leur retour).

D'autres vont développer un attachement « anxieux » : ce sont des enfants qui vont manifester des crises fortes, ne pas pouvoir rester seuls quelques instants, ou trop à distance de leur mère, et ce de manière expressive et démesurée. Ces types d'attachement vont constituer des façons d'être dans notre vie affective : une fois adultes, nous porterons les traces du lien maternel défaillant. Il pourra s'exprimer par des difficultés affectives.

Etre une mère qui puisse répondre aux besoins et aux attentes de son enfants de la manière appropriée, dépend bien évidemment des conditions affectives dans lesquelles votre mère a elle-même baigné, et aussi des conditions dans lesquelles elle a vécu durant les premiers mois de votre vie. Les conditions de son propre développement affectif seront importantes, tout comme l'état dans lequel elle a vécu la grossesse et les premiers mois de votre vie. Certaines mères, parce qu'elles traversent une dépression du post-partum, par exemple, on du mal à être présente à leur enfant. Cela peut parler de leur propre histoire affective.

La rivalité mère-fille : une dimension particulière

Garçons et filles ne sont pas égaux devant les difficultés dans la relation avec la mère. Bien que les futurs hommes ne soient pas exclus de ces difficultés, les petites filles sont particulièrement exposées à la relation de rivalité avec leur mère, et ce, dès le plus jeune âge. C'est en tous cas l'hypothèse du complexe d'oedipe qui s'exprime, à partir de la quatrième année, chez les filles, par un rejet de la mère. Après une période fusionnelle d'avec elle, surgit l'intérêt pour l'autre sexe, incarné par le père. La mère devient alors une « rivale » à évincer symboliquement (et même parfois dans les mots et les attitudes!). Nombre de petites filles à cette période vont déclarer vouloir se marier avec leur père et que leur mère aille vivre ailleurs... Cette émancipation est nécessaire : la fusion mère-enfant n'est pas vouée à durer, et la présence du père va ici jouer le rôle de séparation.

Néanmoins, le climat de rivalité mère-fille peut résister : alors que la petite fille, en grandissant, a besoin de s'affirmer dans son identité de future femme, et pour cela, de prendre la place de sa mère, la mère, de son côté, doit renoncer à sa position de puissance, progressivement, pour laisser s'émanciper sa fille.

Pourquoi est-ce que je n'aime pas ma mère ou est-ce que je ressens du rejet ?

Laisser grandir son enfant, un deuil difficile pour les mères

Mais certaines mères auront des difficultés à « laisser la place » à leur enfant, fille ou garçon. Le deuil de la séparation peut être trop lourd à porter. Cultiver la fusion, ou l'emprise, pourra constituer un antidote à la séparation impossible. Ainsi, les mères « pieuvres » qui agiront de manière intrusive dans la vie de leur fils, par exemple, ne laissent pas ou peu de place au développement affectif de ces derniers. Ou encore, certaines mères avec leurs filles, se projetant en elles comme dans un miroir, et qui vont tenter de contrôler leur vie, ou leur destin. Dans son livre, « Mères et filles, un ravage », la psychanalyste Marie- Magdeleine Lessana décrit les relations d'emprise de mères vis à vis de leurs filles, et notamment celles que Mme de Sévigné avec sa fille, Mme de Grignan, qui a été portée à l'écran avec le film « Madame de Sévigné », avec Karine Viard, en 2023. Que faire pour s'en sortir ?

  1. Reconnaître votre blessure : Si vous vous sentez blessé(e) dans votre relation à votre mère, cela est à prendre en compte. Et pourtant, nombre de personnes ont du mal à s'autoriser à ressentir de genre de sentiments. En effet, il peut être culpabilisant de ressentir des sentiments contrastés pour ses propres parents. Le petit enfant n'en a aucunement la possibilité, car pour grandir, il est dépendant de sa famille. A l'âge adulte, cette culpabilité à en vouloir à ses géniteurs ne disparaît pas complètement : en effet, le lien à nos parents s'apparente à une « dette de vie » : inconsciente, certes, mais agissante. Cela explique que des enfants et même des adultes puissent rester très attachés et en devoir vis-à-vis de parents qui se sont montrés maltraitants. Donner forme à votre souffrance, la reconnaître, la valider, sera une étape primordiale pour avancer dans le cheminement de votre reconstruction, et, peut-être, de la reconstruction de la relation avec votre mère, si cela est possible. Souvent, le travail thérapeutique est nécessaire à cette étape, qui nécessite beaucoup de soutien.
  2. Chercher les causes de ces difficultés : Se questionner sur le déroulement de son enfance, de sa petite enfance, sera un élément fondateur pour mieux comprendre. De quand datent ces mauvaises relations ? Quels souvenirs avez-vous du lien avec votre mère dans votre enfance et votre petite enfance ? Comment vous sentiez-vous à cette époque ?
  3. Tenter de comprendre ces comportements maternels : Afin de comprendre ce comportement maternel, il sera intéressant de regarder quel était le contexte de vie de votre mère dans votre enfance. A-t-elle rencontré des difficultés particulières ? Son enfance et ses relations avec ses parents, et sa propre mère, pourront éclairer encore davantage. Si les relations étaient déjà conflictuelles durant son enfance, alors il est assez naturel qu'elle ait pu reproduire ce type de lien avec vous. Le travail thérapeutique en transgénérationnel peut s'avérer libérateur, dans ce cas. Comprendre que la difficulté d'une relation n'appartient pas qu'à votre seule génération peut être libérateur, et vous donner des clés pour comprendre, et peut-être, prendre de la distance avec votre colère ou vos ressentiments vis-a-vis de votre mère.
  4. Accepter que votre mère ne soit pas celle dont vous auriez eu besoin : Elle a peut-être rencontré des difficultés psychiques, ou existentielles, qui expliquent qu'elle n'ait pas été une mère suffisamment bonne pour vous permettre de développer, durant l'enfance, une sécurité affective. Tout cependant n'est pas perdu : d'autres figures d'attachement ont pu jouer un rôle considérable dans votre développement. En premier lieu, votre père, ou encore des grands-parents, un instituteur. Les enfants, même s'ils sont conditionnés par les premiers temps de la vie, ont aussi en eux de grandes capacités de résilience pour trouver la réponse à leurs besoins, ailleurs qu'attendu. Le reconnaître pourra vous permettre de valoriser ce qui a été soutenu en vous. Et ainsi pouvoir décider, en pleine conscience, la place que vous adulte, vous décidez de donner à votre mère aujourd'hui.

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Écrit par

Deborah de l'Espinay

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Bibliographie

  • Segal, H (2011). Introduction à l'oeuvre de Mélanie Klein. éditions PUF
  • Wallon, E (2022). Psychothérapie de l'attachement, Dr Christine Genet. Éditions Dunod
  • Magdeleine, M (2009). Entre mères et filles, un ravage. Éditions Hachette

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