Comprendre le deuil périnatal

Le deuil périnatal est une épreuve qui touche de nombreuses familles.

13 OCT. 2015 · Lecture : min.
Comprendre le deuil périnatal

À l'occasion de la journée mondiale de sensibilisation au deuil périnatal, l'association Chemin des Étoiles a répondu à nos questions pour nous aider à mieux comprendre le deuil périnatal.

Cette association a été créée par 7 mamans, pour venir en aide aux parents endeuillés mais nous travaillons également avec les maternités pour améliorer la prise en charge des parents.

Qu'est ce que le deuil périnatal ?

Le mot périnatal désigne tout ce qui entoure la naissance. Le deuil périnatal concerne les décès d'enfants pendant la grossesse ou pendant la naissance ou encore durant les premiers mois de vie de l'enfant. La définition concernant le deuil périnatal n'est pas figée, cependant, la limite de cette appellation va jusqu'à la première année de vie de l'enfant.

Les chiffres en France

En France, environ 7000 cas sont recensés chaque année. Nous pensons qu'il y en a toujours eu autant, seulement aujourd'hui nous en parlons ! Avant c'était encore plus tabou. Nous en tirons ces conclusions car lorsque nous avons perdu nos enfants, nous nous sommes rendu compte que dans l'entourage de chacune il y avait un ou plusieurs cas mais ça ne se savait pas..

Quel est le statut de cet enfant ?

Cet enfant existe réellement, il possède donc un statut légal qui est «enfant né sans vie» qui lui permet d'être inscrit sur le livret de famille et à l'état civil mais uniquement sur le registre des décès. Ce qui ne lui permet pas de porter le nom de famille de ses parents et de ses frères et sœurs, mais seulement un prénom.

Les parents ont la possibilité d'organiser eux-mêmes des obsèques, l'enfant pourra donc avoir une sépulture. À contrario, si l'hôpital se charge de la crémation, les cendres seront répandues au jardin du souvenir du cimetière le plus proche. Par exemple, au jardin du souvenir qui se trouve au crématorium à Mérignac, nous avons la chance qu'une stèle ait été installée, sur laquelle les parents peuvent faire poser des plaques nominatives pour rendre hommage à leur bébé.

Comment la société perçoit-elle ces enfants morts-nés ?

Un jour, nous allons avoir un bébé et le lendemain, nous apprenons que nous allons le perdre. Dès lors, les gens ne nous parlent plus de bébé mais de fœtus. Le suivi médical est, dans la majeure partie des cas, bien encadré. Cependant, l'accompagnement psychologique et le soutien moral restent encore très fragiles aussi bien du côté des équipes médicales que de la part de l'entourage proche des parents.

Le deuil périnatal est un sujet encore tabou en 2015. Parler de la mort est déjà un sujet complexe dans notre société mais encore davantage lorsque l'on parle d'un bébé mort né. La mortinaissance, c'est-à-dire le fait de naître sans vie, fait l'objet d'un grand malaise de la part de l'entourage familial des parents endeuillés. On n'en parle pas, on n'ose pas. N'ayant pas vu ce bébé, les personnes de l'entourage pensent finalement qu'il n'y a rien eu, qu'il ne s'est rien passé. Finalement ces bébés n'ont jamais vraiment existé ! On imagine toujours ce que peut être donner la vie, mais on ferme les yeux quand il s'agit d'imaginer ce qu'est donner la mort.

Si ces bébés sont morts nés, c'est qu'ils ont existé ! Dès la conception, nous avons en nous la vie ! Cet œuf puis embryon et fœtus a grandi en nous car il était en vie. Nous les avons portés pendant plusieurs mois, nous les avons aimés, nous leur donnions déjà des caresses à travers notre ventre, on leur parlait, on avait acheté des affaires, choisi un prénom. Nous avions déjà des projets d'avenir pour lui et notre famille, c'était NOTRE enfant.

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Nous avons été à la maternité, vécu les contractions, les douleurs de l'accouchement mais au lieu de donner la vie, c'est à la mort que nous avons été confrontées. Nous sommes rentrées à la maison le ventre et les bras vides mais le cœur meurtri. Nous devons nous accrocher pour survivre à cette épreuve que nous impose la vie, nous avons besoin de soutien et malheureusement, les gens ont du mal à comprendre et en essayant de nous réconforter, nous blessent profondément avec des phrases comme «c'est pas grave vous êtes jeunes vous en aurez d'autres» ou «c'est pas comme si c'était un bébé» ou «oh tu sais moi aussi j'ai fait une fausse couche ou une IVG».

Puis les jours passent et les gens pensent qu'avec le temps on va mieux, on a oublié. Mais comment oublier son enfant ? Un enfant que nous avons vu, porté, embrassé. Au fur et à mesure du temps, les gens oublient, reprennent leur vie, n'en parlent plus et font parfois même comme si ça n'était pas arrivé «alors quand est ce que vous nous faîtes un petit deuxième ?».

On parle souvent du silence ou du déni de l'entourage, comment justement en tant que proches, aider les parents dans l'épreuve qu'ils traversent ?

Même si nous comprenons qu'il est difficile de trouver les mots, qu'ils ont peur de nous faire du mal en évoquant nos bébés, c'est tout le contraire ! Même si nous avons les yeux humides, la voix qui tremble, nous aimons ces moments où nous parlons de nos bébés, entendre leur prénom dans la bouche d'un proche nous apaise.

Par leur écoute et leur reconnaissance envers notre enfant, ils nous sont d'une aide précieuse. Juste après la perte de mon enfant, même si je ne souhaitais pas décrocher le téléphone et parler, certains messages m'ont raccroché à la vie, «je pense à toi et je pense à elle». Certains proches me disaient «ce que tu dois ressentir est indescriptible mais on est là, quand tu auras de nouveau envie de nous parler, on sera là. Donne-nous des nouvelles»« je ne sais pas quoi dire, je n’ai pas les mots mais je suis de tout cœur avec vous », « je ne sais pas comment je peux t’aider, dis-moi, je suis là »

D'autres n'ont pas compris, ont eu des propos extrêmement blessants, me laissant penser que ce que je traversais n'était finalement pas si grave et que mon enfant n'avait pas de place dans cet univers.

Penser à la date anniversaire, à un mot ou une pensée pendant le repas de Noël où tous les enfants sont sous le sapin sauf le nôtre… savoir que votre famille ne l'oublie pas nous permet de nous sentir moins seuls dans notre chagrin.

Le plus doux des réconforts est de voir que finalement aux yeux de tous notre bébé est bien présent, qu'il a une place, comme les enfants vivants, dans le cœur de nos proches.

Existe t-il un accompagnement spécifique à la maternité pour les parents ?

Il existe des «protocoles» mis en place dans certaines maternités. Les protocoles diffèrent en fonction des familles puisqu'il existe énormément de causes différentes lorsque l'on perd un bébé.

Dans le cas d'une interruption médicale de grossesse, les familles sont d'abord prises en charge par l'équipe de diagnostic prénatal. On leur explique comment se déroulera l'IMG. L'entretien a lieu avec un obstétricien et généralement un psychologue. On leur conseille de préparer la rencontre avec leur enfant : acheter des vêtements pour l'habiller, apporter des doudous, un appareil photo. Certains hôpitaux prennent les empreintes des petits, réalisent un bracelet de naissance et des photos que les parent pourront garder en souvenir.

Malheureusement cela n'est fait que dans certaines maternités et nous nous battons pour que ce soit le cas partout. On ne propose pas toujours aux parents un accompagnement psychologique ensuite et cela est vraiment important. Certains parents sont assez isolés dans leur deuil car ils n'ont pas accès à ces soins. Ils ne peuvent pas exprimer ce qu'ils ressentent et sont confrontés à des sentiments extrêmement violents. Le couple est aussi très fragilisé et il est indispensable que chaque famille soit accompagnée.

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Le sujet du deuil périnatal a été longtemps passé sous silence, quel message souhaitez-vous faire passer aujourd'hui?

Tout d'abord, en cette journée nous souhaitons amorcer une prise de conscience de la part du public non concerné : faire connaître le deuil périnatal en l'expliquant, en informant, et ainsi commencer à faire évoluer les mentalités. Et puis, cette journée est celle des parents endeuillés venus représenter leurs bébés, venus se rassembler pour honorer leurs petits partis trop tôt. Nous sommes là pour les écouter, échanger, les guider et les réconforter.

"Notre deuil est le deuil de toute une vie, c'est le deuil du futur."

On ne fait pas le deuil de son enfant, celui- là ne se termine jamais. On apprend juste à vivre avec. On apprend à vivre autrement avec l'absence de ce bébé. Nous avons des enfants qui courent, d'autres destinés à voler mais ces enfants font et feront toujours partis de notre vie et notre quotidien.

L'association Chemin des Étoiles organise régulièrement des événements pour rendre hommage aux enfants. Renseignements sur le site internet de l'association.

En hommage à Samaé, Charline, Maël, Eliott, Angel, Sacha et Éthan.

Auteur : Association Chemin des Etoiles.

Photos :     Shutterstock

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psychologues
Écrit par

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Commentaires 3
  • Lambert severine

    Courage à vous madame.Comme vous dites on oublie jamais. J'ai eu la chance d'avoir mes deux trésors en bonne santé et leur souhaite longue vie et de réussir dans leur vie.

  • Lambert severine

    Je pense que même si les parents perdent un bébé que ce soit à 1 semaine ou plus, c'est un petit être humain et je pense qu'il faut respecter ces parents en reconnaissant leur enfant comme tel sans jugement et leur apporter tout le soutien possible et ce tout au long de la vie.

  • ADAM Régine

    MERCI ! J'ai perdu ma petite Carole à 7 semaines, elle aurait, le 18 Novembre prochain, 37 ans et je la pleure toujours et je me culpabilise énormément, encore aujourd'hui, car j'ai eu, avant Carole, une première fille, Laetitia, qui avait 5 ans lorsque sa petite sœur est morte, et a dû en souffrir énormément, mais je n'étais pas capable de m'occuper d'elle et le silence qui a été imposé, nous a fait le plus grand mal... Pour mon mari, il ne fallait absolument pas évoquer Carole. Tout a été retiré, plus une photo, plus la moindre chose qui puisse rappeler qu'elle avait existé. Je ne sais même pas comment j'ai pu supporter cela, mais on m'avait "droguée" et tous les jours, en cachette, j'allais pleurer sur sa tombe. Pourquoi en Janvier 1979, mon médecin traitant, ne m'a t-il pas dirigée vers un psychiatre ou psychologue ? J'ai 63 ans et je la pleure comme si c'était hier...

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