Confinés, déconfinés... qu'avons-nous appris de cet enfermement ?

Il est bien souvent question de conflit et d’enfermement dans le cabinet du psy. « Je veux mais je ne peux pas revient en boucle », tel un enfermement dans un comportement malgré soi.

11 MAI 2020 · Lecture : min.
Confinés, déconfinés... qu'avons-nous appris de cet enfermement ?

L'enfermement, contenant ou aliénant ?

Jusqu'où accepter cet enfermement qui est très souvent posé sur le berceau, avec des consignes des parents et des chemins invisibles de prime abord mais pourtant réellement tracés ?

L'enfermement est agréable au départ dans le beau berceau de l'utérus, même si pourtant même là des dangers rodent déjà dans un avant goût d'un après plus sombre. De contenant, il doit rester suffisamment pour protéger le petit enfant dépendant. Le sein, les bras peuvent aussi devenir mauvais et l'enfermement vite peut devenir moins cosy les bras de la mère. Cela sera dommageable de ne pas avoir été dans cette sécurité qui à cette seule condition va permettre de s'envoler. Enfermé, on le reste longtemps, parfois toujours. Il faudra encore un peu la nounou, la crèche, côté règles, on y va en douceur. L'école premier espace de liberté et de socialisation et pourtant on sait à quel point certains seront en souffrance dans une école vécue comme un bagne, le calvaire d'un système imposé qui ne convient pas. Plus tard encore le couple, la maternité, la paternité, qui, malgré les joies (aussi !), pour certains se conjuguent avec une privation de liberté. Le travail, la pointeuse, l'enfermement engrenage du compte bancaire et des crédits à payer. On est forts pour s'enfermer et moins pour se libérer.

Le corps aussi lieu de l'enfermement en proie aux angoisses, aux somatisations et au temps qui passe. Angoisse du corps sexué, angoisse du corps malade ou qui viellit.

On a beau faire, on a beau s'arranger (heureusement ! ) on est enfermé souvent.

Où est la limite de notre propre enfermement ? Ne rechercherions nous pas cet enfermement pour le vivre tant en boucle ?

Il peut être un refuge sain, un espace à soi quand il est choisi et un enfer quand il est imposé. L'ado enfermé dans sa chambre à clé, le lecteur enfermé dans sa lecture, la coupure avec le reste du monde fait du bien aussi mais elle reste mince avec la protection.

Enfermement psychique, corporel, éducatif, marital, parental. Il est complexe et ambivalent. On le recherche, on le crée et on le rejette à la fois.

L'enfermement a été questionné par Foucault, philosophe français et militant politique des années 70. Il a donné la parole aux prisonniers sur les conditions de vie en incarcération et travaille sur les groupes des structures fermées en institution disciplinaire (casernes, asiles, prisons). Il travaille à la fois sur le pouvoir et le souci de soi vis-à-vis de l'autorité. Lui aussi nous parle de ces structures confinantes et de l'effet de l'enfermement en le reliant au pouvoir.

Pour Foucault, les juges sont partout. On sait en psychanalyse qu'ils sont aussi en nous-mêmes en premier lieu, souvent tyraniques même. L'enfermement, adaptatif, défensif. Subit ou choisit. Le premier enfermement que nous avons connu a duré 9 mois. Nous n'étions pas prêt à sortir. Le sommes-nous maintenant, à l'aube de ce 11 Mai ?

Une autre étape qui se prépare

On ne quitte pas un mode de vie mis en place sous contrôle et contrainte et dans la peur 8 semaines pour en rechanger du jour au lendemain.

Même si certains y ont trouvé des avantages nous sommes très loin d'être en vacances, personne n'est dupe. Revenir comme avant ? Non pour certains. Hâte pour d'autres. Pari à tenir. Difficile pour ceux qui parmi nous ont vécu de lourds dommages, des proches décédés, la maladie, des grosses pertes financières ou des situations familiales pénibles.

Non, on ne recommencera pas la vie d'avant pour la simple raison que l'on ne recommence pas les choses, pas si consciemment en tous cas, tout simplement car quelque chose de grave s'est passé. Nous avons tous croisés un trauma, à des degrés différents mais trauma quand même. On a croisé la mort et la suspension de nos libertés. Nous avons vu que nous étions mortels et fragiles. Nous l'avions oublié comme nous avions oublié d'être frustrés. Le temps est moins à l'immédiateté et plus à l'essentiel, les clics ne suffisent plus. Bien nous en fera pour apprendre à mieux vivre, prendre soin de nous.

Il faudra déjà reconstruire ce qu'on a pu perdre si on veut le retrouver ou aller de l'avant si l'on veut changer la donne et nos peines et nos colères qui, même si elles ont pu être sublimées, occupées, tournées en ironie, devront être verbalisées. C'est identifier ce qui nous a touchés qui nous fera avancer et comprendre nos besoins essentiels. Infantilisés, punis, dénoncés pour d'autres, dans un discours plus anxiogène que contenant, chaque jour dans ambivalence entre ce que l'on voit, doit croire ou penser, le monde sur lequel on s'est construit n'est plus trop sûr.

N'était-ce pas qu'illusion ?

On coupe les tv mais c'est bien de douter aussi. La certitude est dangereuse. On a besoin de redessiner nos cartes du monde avec nos crayons. Nous n'avons pas rencontré que des doutes mais aussi le temps, à profusion, et de nouvelles prises de conscience nous ont accompagnés pendant ces semaines. Nous avons eu plus de temps, parfois trop, nous avons pris le temps.

On ne recommence jamais notre vie, on la continue, forts ou pas de nos expériences.

Tenus à l'écart de ce qui nous manquait, tenus à l'écart de nos proches, de notre travail, tenus à l'écart de notre liberté, la cage va s'ouvrir bientôt, avec un goût amer de mort qui rôde, de danger dehors, de méfiance des autres. On ne sortira pas qu'avec nos masques mais avec la crainte au bout des gestes barrières. Nous avons su mettre en place une belle solidarité, une belle part de nous, humaine, drôle, créative au début du Covid, puisse-t-elle continuer pour nous éviter l'hypocondrie, la paranoïa et l'égoïsme. Ne nous perdons plus. Avancer c'est faire avec nos expériences, nos erreurs et nos désirs.

Ce n'est pas l'autre qui est dangereux c'est le virus et très souvent nous-même, tout simplement.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Corinne Vera Alexandre

Psychanalyste, Hypno analyste, Psychothérapeute et Sexothérapeute, elle exerce dans le Vaucluse à Bollène et Avignon ainsi qu'en ligne. Elle utilise les thérapies brêves en association de la psychanalyse dans une pratique intégrative en EMDR et en Hypnose.Sa pratique est aussi psychocorporelle avec l'hypnose et de la médiation corporelle.

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