Face au deuil

Vivre un deuil, c'est perdre l'être aimé et se perdre soi. On ne trouve plus notre reflet dans le miroir de l'autre. Comment ressusciter tel le Phoenix ?

14 OCT. 2017 · Lecture : min.
Face au deuil

e deuil : nous y faisons tous face dans notre vie, parfois c'est un choque, parfois c'est le quotidien. Le deuil représenet la perte. Il est signalé par l'émotion de la Tristesse et cette émotion a quelque chose de pationnant à nous apprendre : accepter la perte, lâcher prise puis ressentir le soulagement pour pouvoir vivre sa vie. Vivre sa vie ne veut pas dire oublier mais vivre en harmonie avec la réalité au lieu de la fuir.

Cette perte peut être celle d'un être aimé, d'une situation, d'argent, d'un maison, d'un objet ou même d'un rêve...

Lorsque je me suis remise de la mort de mon fiancé en 2008, j'ai alors choisi mon univers intérieur a été chamboulé. Je ne reconnaissais rien de la maison où résidait mon âme. Elle ne pensait qu'à souffir et même parfois à mourir.

Et puis j 'ai eu une révélation. Ce jour là, je suffoquais de chagrin assise dans l'escalier en métal sombre du sous-sol de l'immeuble où je travaillais. Je n'arrivais pas encore à pleurer, je n'arrivais juste plus à respirer. J'écoutais de la musique, les écouteurs vissés sur mes oreiles dans l'espopir de me couper du monde. Je ne me rendais pas encore compte à l'époque que c'est de la Réalité que je voulais me couper " non, ce n'est jamais arrivé ! Tout ce qui arrive c'est la musique, je ne suis que musique". Et là, un morceau de musique que je ne connaissais pas a débuté. Dés la première note j'ai été subjuguée. Mes yeux se sont ouverts si grands. J'ai senti mes poumons se remplir d'air. C'est comme si j'avais mis toutes mes forces à garder la tête sous l'eau depuis la mort de mon conjoint et que d'un coup j'acceptais de remonter à la surface.

Ce morceau c'est "Adadgio en D mineur"

Cette version est très particulière et fait monter très fortement les vibrations du coeur. Elle a eu un effet violemment curatif sur moi. C'était comme écouter le son de la Transcendance.

Respirer à nouveau : C'est le bienfait qu'apporte le fait d'accepter la réalité. A force de vouloir étouffer la réalité de ce cette perte, c'est moi que j'étouffais. En effet, il est impossible de changer la réalité ni de l'étouffer, ni de la vaincre. Alors qu'est ce que j'étouffais depuis des mois ? Mon propre droit à exister.

La perte était déjà un grande blessure pour moi mais en plus de ça, j'étais partie en guerre contre l'indomptable réalité. Je m'infligeais deux fois la même blessure.

Sortir la tête de l'eau, nager, avancer ça me faisait tant de bien. Cette musique donnait de l'essence à ma locomotive.

J'ai donc décidé de me créer un repère qui replacerait tous ceux que je venais de perdre. J'ai donc créé mon propre rituel et j'ai écouté cette musique tous les jour, 2 fois par jours se sont très vite transformés en une dizaine de fois par jours. Je me suis mise à marcher en l'écoutant puis à courir, puis à vivre.

Cette musique me faisais sentir si pleine, si vivante. Je ne comprenais pas pourquoi ni comment .. et ça n'avais franchement pas beaucoup d'importance. J'ai vécu ce deuil seule, loin de ma famille et mes "amis" de l'époque détournaient le sujet de peur d'y faire face. J'ai donc compté sur moi et je remercie toutes ces personnes de m'avoir laissée l'opportunité de vivre cette épreuve dans la solitude. Sans cela, je n'aurais jamais construit la confiance que j'ai en moi à présent et j'aurais peut-être appris à vivre au dépend des autres, la dépendance émotionnelle.

Un jour, alors que je courrais en écoutant ma musique de transcendance, mes yeux étaient bien ouverts vers l'intérieur comme vers l'extérieur. Je vivais la pleine conscience (de moi et du monde autour de moi). Le temps était comme suspendu et je pouvais goûter à toute la beauté du monde, les odeurs, les oiseaux, la sensation du vent sur ma peau, j'avais même conscience de l'air qui rentrait dans mes poumons et qui en sortait. J'ai alors vu un panneau où était écrit "qui es-tu ? ..." avec du texte à la suite.

Cette question m'a profondément touchée. J'ai été stopée net et je me suis posé la question en mon fort intérieur. En cet instant précis, en courant, en écoutant cette musique, qui suis-je ? Qui suis-je en train de devenir lorsque j'écoute cette musique ?

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Je deviens Lumière une étincelle et je ressens la joie de vivre. Mes premières larmes ont alors coulées sur mes joues. Je venais de comprendre que cette partie qui s'activait en moi lorsque j'écoutais cette musique était la même que celle qui se reflétait dans le miroir que représentait mon amour perdu. La partie en moi nommée Lumière se reflétait en lui, je pouvais la voir et la vivre avec lui car je la voyais également en lui. Comme un lien, un reflet commun de deux êtres qui se ressembles sur certains points primordiaux.

Les larmes ont coulées sur mes joues, elles étaient chaudes, je me sentais un peu plus en paix, soulagée. Je vennais de mettre le doigt sur un point primordial pour ma guérison : comment laisser partir l'autre si je cherche toujours à me refléter en lui ?

Le plus grand apprentissage que m'a offerte cette épreuve c'est d'apprendre à faire le deuil de la partie de moi qui se reflétais dans cet homme extraordinaire avec lequel je voulais faire ma vie. J'aurais pu continuer à la nourrir à travers la musique mais cela ne m'aurait pas permis de faire mon deuil, juste de survivre. J'en voulais plus. Survivre ne me suffisait pas.

"Faire le deuil d'une partie de moi ?! Quelle idée folle et contre nature !" me suis-je dis au début de mon cheminement, puis j'ai compris que j'avais besoin de couper le lien entre mon identité et celle de cet homme que je venais de perdre. J'ai donc laissé partir cet homme en laissant mourir cette partie de moi qu'il nourissait.

Devinez ce qui s'est produit... cette partie de moi qui était morte avait trouvé la paix pour la première fois depuis des mois. J'avais renoncé à elle.

Et que s'est-il produit alors ? Après la paix et le repos, tel le Phoenix, elle est revenue à la vie ! Plus belle, plus forte, plus sage, plus lumineuse. Son repos avait permis la résurrection éclatante de mon coeur mais surtout un changement profond. Cette partie de moi n'était plus Lumière, elle était Feu ! Je lui ai donné l'opportunité de changer, de se transformer.

Lâcher prise sur l'autre et sur soi c'est se donner la possibilité de changer pour ne plus souffrir. Encore faut-il avoir le courage de changer.

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Cette parti de moi dépendait totalement de cet homme disparu. La maintenir en vie alors qu'elle était meurtrie, mourante et affamée par la perte de l'être aimé, c'était très difficile, c'était même épuisant. Ca me demandait des soins ininérompus, de la ranimer régulièrement , de la mettre sous respirateur dans la douleur. Mais Lumière ne voulais plus vivre sans exister, sans se refléter.

Les épreuves de notre vie nous demandent d'effectuer des changements profonds et de nous transcender.

Accepter les épreuves de la vie c'est accepter de devenir la personne que l'on mérite d'être et que l'on a envie d'être.

"Je suis la plus grande chose qui me soit arrivé : je suis la personne avec qui je vais vivre toute ma vie". Ce nouveau repère ou cette nouvelle croyance m'a sauvé et m'a permis d'apprendre à prendre soin de moi et de mes blessures et ainsi d'avoir la force d'aider les autres à le faire pour eux-même. Voici le fruit que m'a offert cette épreuve. Je saurais reconnaitre le gout du fruit qu'est la Résurection n'importe où, dans n'importe quelle condition. Je saurais trouver ce fruit : je connais sa couleur, son odeur et quelle hauteur le trouver.

Je le désire, le convoite pour en manger chaque jour au petit déjeuner et je vais en cueillir plus haut et plus sucré chaque jour.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Diane Scerri

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Commentaires 4
  • Rantanplan

    Faire le deuil 36 fois ok mais penser qu'on va trouver l'équivalent de ce qu'on a perdu ? Devenir un autre....essayer et cela dure des annees. Pas le choix.

  • Zoizic

    Comment faire le deuil de ses trois enfants aimés dont on s'est beaucoup occupés et qui vous abandonnent complètement en ne voussonnant aucune raison et se coupent de vous (aucun moyen de les contacter) et si on les contacte c'est le silence.... On ne voit pas non plus ses petits-enfants.On a envie d'en finir mais pas de courage.

  • Nicky

    Je te retrouve dans Matthys et dans Léo. Les jeux, les rires, les joies, les peines, les caresses, les je t'aime, les colleux, les...........je vous aime Boutch. Cela a pris presque 10 ans avant de vraiment lâcher prise sur tous les deuils que comportait ta mort. Trop jeune et trop de rêves non vécus, tant d'amour non donné........je sais aujourd'hui que le temps ne compte pas lorsque tu es dans le don de soi. Nous avons marcher sur la même route en apprennant à se faire confiance, de donner autant de tendresse qu'il puisse en exister. Des moments de bonheurs immenses et intenses allant jusqu'a l'extase. Je suis comblée d'avoir eu un partenaire comme toi SB. Je suis ma voie, je suis redevenue l'allumeuse de réverbères et tente de le demeurer chaque jour où je me lève devant l'océan........

  • Mirabelle

    Beau témoignage, lourd de sens. il m'apporte beaucoup.

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