La symbolique du sein

Le cancer du sein conduit la femme à poser des mots sur la représentation de cet organe féminin afin de comprendre ses réactions et attitudes face à elle-même mais aussi face aux autres.

5 MAI 2015 · Lecture : min.
La symbolique du sein

Le sein, participe aux différentes étapes de la vie d'une femme. Le sein est appréhendé en trois dimensions :

Il permet la prise de conscience du franchissement de la puberté. Il faut environ 4 ans pour que le sein prenne sa taille et son poids définitif. Cependant la prise ou la perte de poids en font varier la taille. Le sein est symbolisé par une pléiade de fruits (melon, citron, ananas, pamplemousse, orange, poires, cerises) il n'en reste pas moins que 3 types de seins sont reconnus, aplatis, coniques, piriformes.

Le sein, organe sexuel de plaisir par sa dimension érogène. Atout, appât sexuel attirant l'homme. Dans notre société le sein à une valeur hautement sensuel et érotique. Il nous suffit de regarder les magazines pour prendre conscience de la place de cet organe pour la promotion de tel ou tel produit, qui dans la majorité des cas il nous est impossible de faire le lien entre le sein et le produit .Le beau dans l'inconscient collectif se donne aisément à aimer, et comme le soulignait Freud, il est à la racine de l'excitation sexuelle.

Le sein organe nourricier. Les seins sont liés à la mère et symbolisent la nourriture, la fécondité, le réconfort, la protection, la tendresse, la douceur.

Dans l'histoire de la femme, le sein ne fut longtemps qu'un organe de lactation qu'elle se devait de conserver intact afin d'en assurer le rôle physiologique : l'allaitement. Lié à la première nourriture, le sein est synonyme de don, de refuge, d'intériorité, de ressource, car de lui s'écoule la vie.

Une fois parée de ses seins la jeune fille s'identifie à une femme. Mais comment est investi cet attribut, que symbolise-t-il ? Est-ce un sein séducteur, un sein nourricier, les deux à la fois ? Chaque femme à son propre imaginaire construit par les croyances, le culturel, l'environnement, la société, c'est pour cette raison qu'il est difficile de mettre toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein dans le même panier. Chaque individu est unique, son ressenti l'est tout autant. Il ne faut pas nier que le cancer du sein va toucher à la féminité, à l'identité féminine, à l'image de soi, à l'image du corps. L'image que la femme perçoit, mais aussi l'image que l'autre (le partenaire) voit

L'image « identitaire » est modifiée dans le miroir, la femme ne se reconnaît pas. Son miroir lui renvoie une image de son corps modifiée par la maladie. La première modification est le constat après la tuméfaction ou l'ablation qu'une partie ou la totalité du sein manque, remplacée par une cicatrice qui traverse ce qui reste du sein, marque indélébile. La radiothérapie change la couleur de la peau de la zone irradiée, un sein blanc et l'autre sein qui n'est plus qu'une moitié de sein passe du rose, au noir. Les brulures qui crevassent le sein irradié, la peau devient douloureuse, elle part en lambeau. La perte du corps sain est visible, réelle. La femme ne sera plus jamais comme avant, quelle que soit l'évolution de sa maladie. C'est un réel traumatisme. A la puberté, elle triomphait en découvrant dans le miroir une image entière d'elle-même, une image de femme. L'identité se défait en même temps que l'image. La perte du sein, les capacités corporelles amoindries, les perceptions sensitives modifiées viennent réactiver l'image entrevue, qui n'est plus celle d'un Moi idéal, mais celle d'un Moi déplaisant dont il est parfois difficile de supporter la vue et encore plus difficile à montrer.

La nou­velle réalité du corps avec ses dysfonctionnements et la perte des re­pères corporels, entraîne des perturbations dans le rapport à Soi et à l'Autre.

L'image de son corps peut devenir insupportable, un corps à dissimuler, un corps inhibiteur du plaisir et du désir. Les troubles de l'image du corps sont toujours associés à des modifications de la personnalité, anxiété, réactions dépressives, baisse de l'estime de soi, baisse de la libido.

Il ne s'agit pas ici de symbolique collectif du sein, mais de ce qu'il représente pour deux femmes.

« J'ai eu une puberté tardive entre la quinzaine et la seizième année, je considérais cela plutôt comme un avantage, car très sportive, les seins me paraissaient gênants dans les mouvements, pas de ballotage, pas d'armature pour les soutenir, en quelque sorte sans eux j'éprouvais une liberté du corps. Les seins n'avaient pas une valeur érotique d'autant plus qu'à cette époque la représentation des seins par David Hamilton était celle de petits seins sur un corps juvénile. Ce n'est qu'au moment de mes grossesses que les seins ont pris une valeur symbolique, ils étaient porteurs de vie. J'ai aimé les voir grossir en même temps que mon ventre s'arrondir. L'allaitement de mes enfants a été source de plaisir et surtout d'identification féminine. Je me suis sentie femme en devenant mère, les seins avaient enfin une utilité et c'est seulement à ce moment-là que je les ai érotisés.

Symboliquement, le sein est pour moi avant tout le sein nourricier. D'autant plus que dans mon discours durant la grossesse et l'allaitement j'utilisais le terme de mamelle et non pas celui de seins. Expression qui au moment de l'intervention chirurgicale est réapparue dans mon discours.

Même si le cancer du sein s'est déclaré en période de pré ménopause, où il n'est plus temps d'enfanter, ce rajoute dans l'inconscient le fait de ne plus pouvoir nourrir, de ne plus donner de soi d'où je suppose mon attitude vis-à-vis de mes enfants lors de la traversée du cancer. Mère habituellement débordante de joie en leur présence, cherchant à leur faire plaisir en préparant de bons petits plats (renvoie à la mère nourricière), je me suis vue ne plus apprécier leur présence et surtout dans l'incapacité de préparer un seul repas. Ma libido a été retirée de mes enfants c'est comme si je n'avais plus la capacité d'aimer, de donner de moi, vidée d'affect avec en toile de fond la culpabilité de ne plus être une mère suffisamment bonne. »

« Dans la famille, toutes les femmes ont une belle poitrine, c'est génétique…

Lorsque mes seins ont commencé à pousser, j'étais au centre des regards familiaux, et lorsqu'ils ont eu leur forme définitive j'ai eu le sentiment d'appartenir au clan féminin de la famille. J'ai une fille que je n'ai pas allaitée par crainte que mes seins deviennent des gants de toilette. Mais je crois surtout que je ne pouvais pas les imaginer autrement qu'organe sexuel, donnant du plaisir à mon homme. Mon compagnon n'a jamais caché que se sont mes seins qui l'on attiré, d'ailleurs je les mettais toujours en valeur dans des tricots moulants ou avec des décolletés. Je me sentais une femme désirable et désirée. Pour moi les seins symbolisent la féminité, plutôt l'érotisme féminin. Je pensais qu'après la reconstruction mammaire, notre sexualité allait reprendre, mais je n'arrive pas à me regarder dans un miroir et encore moins à être nue devant mon homme. Je suis souvent agressive avec lui, en plus pour aucune raison valable. Je ne me sens plus femme ni à l'extérieur ni à l'intérieur »

Le cancer du sein provoque un remaniement libidinal dans le rapport au corps, mais également dans le rapport à l'autre.

La symbolique du sein

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Écrit par

Sylvie Vulliermet

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