Présentation de la maïeusthésie

Qu'est-ce que la maïeusthésie ? Comment peut-il nous aider à améliorer nos vies ? Découvrez en quoi cela consiste et comment cela se fait.

14 JUIL. 2023 · Lecture : min.
Présentation de la maïeusthésie

La maïeusthésie fait accoucher des parts de soi en souffrance : c'est une écoute basée sur les ressentis, et non pas sur l'intellect. En effet, il ne s'agit pas de se souvenir, mais d'explorer les ressentis vécus à des moments clés de votre vie, en partant souvent de ceux du présent, dans l'esprit et dans le corps. Ainsi l'exploration de périodes traumatiques, d'instants de sidération, de moments oubliés, se feront en tant qu'observateur. Par exemple, il ne s'agit plus de dire, en le revivant sans maîtriser son intensité : « quand j'ai vécu ça, c'était horrible… » mais plutôt : « je vois la souffrance de l'enfant que j'étais, à ce moment-là. »

Avant d'entamer un dialogue entre le patient, cet enfant qu'il était, et le praticien. Nous irons pour cela mettre notre attention sur celui ou celle que vous étiez, puis sur d'autres êtres émergents, si cela semble pertinent. Chaque accompagnement se fait dans la justesse de ce qui se présente à chaque instant chez le patient. C'est un questionnement, à l'image de Socrate et de la maïeutique. C'est un rebondissement permanent sur ce qui se joue dans l'immédiat, accompagné de messages de compréhension et de cohérence, quant aux raisons et à la façon dont les choses sont exprimées.

Qu'est-ce que la maïeusthésie ?

Notre attention pourra également se porter sur les personnes qui ont été proches de votre expérience de vie, qui en ont aussi été les acteurs (parents, fratrie,…). Nous pourrons aussi nous approcher des personnes liées malgré elles, directement ou indirectement, à cette expérience, et qui sont plus éloignées dans le temps ou la psyché (vos arrières grands parents, par exemple, que vous n'avez pas connu, mais dont les actions - ou inactions -remontent jusqu'à vous, bien malgré votre volonté). Que ces rencontres soient heureuses ou douloureuses, elles sont bénéfiques car elles appelles à travers vos symptômes. Ces êtres vers qui vous portez votre regard ont besoins d'être entendus pour s'apaiser, pour vous laisser reprendre les manettes de votre vie, et devenir celui ou celle que vous avez à être.

Il s'agit donc de parler tous ensemble, afin d'apaiser des symptômes devenus trop lourds. Le trauma est plus facilement accessible ainsi, car il s'agit d'une plongée profonde dans la psyché, loin des interprétations et synthèses intellectuelles que l'on peut être tenté d'élaborer, pour essayer de mieux se comprendre. Nous sommes directement dans « comment celui que j'étais à ce moment de ma vie a vécu cela, déjà ? Je l'avais oublié, je m'en était fait une représentation, un souvenir… ». Voici quelques points clés liés à cette forme de thérapie :

Non jugement de qui vous êtes, de ce que vous êtes, pensez ou avez fait. Ni vous, ni les êtres émergents qui peuvent apparaitre dans la conversation ne sont jugés. Cette ouverture à l'autre, que le praticien invite son patient à avoir envers lui-même et envers les êtres du passé (lui, ou ceux dont il est issu, par exemple) est bénéfique, car elle permet une observation des êtres et de leurs actes, sans passer par le filtre de la haine, du mépris, de la passion,…

Bienveillance envers celui que vous êtes, bien entendu, mais aussi envers ceux que vous avez été par le passé, ceux qu'ont été vos parents, grands-parents, arrières grands-parents,… jusque l'humanité toute entière. Ceci, afin de pouvoir observer en toute impartialité les actions du passé. Il ne s'agit ni d'excuser ni de changer ce qui a été fait et vécu, mais d'en percevoir la pertinence, même dans l'atrocité, et de les verbaliser, dans le dialogue et le questionnement, induits par le praticien.

Pas de chrono : en maïeusthésie une séance s'arrête là où il est pertinent de s'arrêter pour le patient. Il s'agit d'aboutir à un moment où il est juste de mettre fin à la séance, qui soit propice pour le patient à un mieux-être. Cette légèreté temporelle accentue la confiance, et devient source de calme, face à tout ce qui « doit » être dit par le patient, avant de se sentir compris par le praticien. Une séance n'est donc pas assimilée à une course contre la montre, mais plutôt à une machine à remonter le temps. Cette notion de temps disponible, d'écoute inconditionnelle, est très importante et contient en elle-même des effets thérapeutiques.

Le respect des symptômes et des résistances est aussi un précieux allié, menant à la source de ce qui appelle. Ils ne sont pas à combattre, mais à suivre ! Grâce à eux, des rencontres incroyables vont se faire, des réhabilitations vont devenir possibles, ainsi que des réjouissances liées à ces rencontres qui deviennent sources d'apaisement. La pulsion de survie maintenait ces évènements traumatiques à l'écart de la pulsion de vie, pour vous protéger. Mais cela demandait trop d'énergie, et cette part de vous s'est réintégrée partiellement, et dans la douleur (symptôme). Une fois écoutées, apaisées et réhabilitées, ces parts de vous réintègrent la place qui est la leur, dans une réjouissance qui peut-être surprenante par son ampleur, et permet à celui ou celle que vous êtes réellement, de pouvoir enfin vivre sans ce fardeau.

Il est à noter que le thérapeute n'est ni devant le patient, à le tirer là où il trouve que c'est mieux d'aller, ni à le pousser là où il pense que ce serait efficace de fouiller. Il y a un guidage, mais il est non-directif, c'est-à-dire que le praticien et le patient sont côte à côte, égal à égal, et cheminent ensemble là où il est le plus juste et le plus pertinent pour le patient d'aller. Les résistances et les hésitations font parties du parcours, ce sont d'inestimables alliés sur cette route. Pour donner une image, le patient conduit et a le trajet en tête, le praticien observe le parcours, les chemins secondaires, et a la boussole. Ce non-pouvoir sur le patient est indispensable, notamment dans la confiance qu'il y a à échanger et à se livrer totalement.

Thierry Tournebise a inventé cette pratiqueintégrative il y a une quarantaine d'années, avant de la théoriser et l'enseigner, depuis un peu plus de 20 ans. Basée sur son expérience de thérapeute dont il voyait les limites, et sur d'autres approches que nous détaillerons un peu plus loin, il a vu qu'un accompagnement, pour être efficace, ne doit pas vouloir l'être !

Qu'est-ce que la maïeusthésie ?

Cela repose sur trois concepts clés : le non-savoir, le non-pouvoir et le non-vouloir. Il invite le thérapeute à laisser derrière lui son savoir intellectuel, ses convictions, son assurance de bien comprendre la personne en face de lui. Cette « naïveté » invite le praticien à la candeur, au questionnement, à la réjouissance de ce qui est en action chez le patient.

Cela est directement lié au non-pouvoir. Au fait que le thérapeute ne tient (hélas) pas une baguette magique dans ses mains, mais un stylo. Le pouvoir d'aller mieux, de rompre des schémas infernaux, de vaincre des symptômes handicapants… tout cela, c'est le patient, qui l'a, pas le praticien. Celui-ci ne fait que questionner pour comprendre avec le patient ce qui se joue. La notion de non-pouvoir est aussi liée à la posture du thérapeute, et au guidage non-directif : il est l'égal de son patient, ce n'est pas le « sachant » dont la parole est péremptoire.

Qui plus est, si le praticien ne sait rien et ne peux rien, comment pourrait-il vouloir quoi que ce soit ? Le non-vouloir est une partie cruciale de la maïeusthésie. C'est le patient, qui veut aller mieux, qui veut se libérer de son fardeau. C'est le patient, qui en a les moyens et les ressources. Si cela devient aussi le projet du thérapeute, alors celui-ci commencera à le voir comme un « malade », à avoir un projet de « guérison », à suivre un fil rouge pour y amener son patient, à réfléchir pour insuffler ses raisonnements… et ne fera que s'éloigner de son patient, que dépenser en d'inutiles subterfuges son énergie et sa ténacité. Il n'y a donc pas de recherche de résultat de la part du praticien, mais une posture de proximité et de curiosité bien intentionnée.

Le thérapeute accueille, questionne, accompagne vos ressentis, et respecte vos résistances comme autant de nouvelles voies qui s'ouvrent. Ce respect des résistances est lié à l'haptonomie, fondée par Veldman, et son tact psychique. La maïeusthésie en est proche, ainsi que d'autres courants dont elle a pris l'essence qui lui semblait la plus pertinente, sans pour autant s'enfermer dans un théorie dogmatique. Cette pratique reste ouverte à la créativité, à d'autres pratiques, à d'autres thérapies, à la « couleur » de chaque thérapeute, à partir du moment où tout cela est bienveillant. Proche de Jung et de son idée du Soi et de la psyché, de Masslow dans la vision du symptôme qui n'est pas à combattre, de Gendlin et du focusing (écoute corporelle) ou de Rogers par la qualité de l'écoute, la maïeusthésie peut être considérée comme un processus d'évolution et de déploiement.

Il n'y a donc pas de schéma préconçu dans un accompagnement, mais une ouverture à la vie, inconditionnelle. Cela peut s'adresser à tous, quels que soient les symptômes : psychosomatiques, psychiques, relationnels, comportementaux… dès qu'il y a un écart entre « ce que je suis aujourd'hui » et « qui je voudrais être

Enfin, cerise sur le gâteau, notons que la maïeusthésie est aussi un apprentissage d'un mode d'écoute basé sur les ressentis, dont nous n'avons pas l'habitude dans notre société, où on nous enseigne davantage à les dissimuler pour « être forts ». C'est une rencontre, un partage : ce type d'écoute fait tout simplement du bien, et vous est accessible ensuite, dans votre vie personnelle et professionnelle.

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Écrit par

Grégory Boucheron

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Bibliographie

  • Tournebise, T (2018). Au cœur de la psychothérapie. ESF Sciences Humaines.
  • Tournebise, T (2018). L'écoute thérapeutique. Esf.

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