TDAH : l'erreur de ne pas tenir compte de la dysrégulation émotionnelle

Ne pas tenir compte de la dysrégulation émotionnelle dans le TDAH est une erreur fondamentale. Elle impacte plus de 75 % des enfants TDAH, participant à la sévérité du TDAH et compliquant...

20 NOV. 2020 · Lecture : min.
TDAH : l'erreur de ne pas tenir compte de la dysrégulation émotionnelle

La dysrégulation émotionnelle est observée de manière plus ou moins lourde chez 75 % des enfants et adolescents atteints de TDA/H[1]. C'est une altération des processus adaptatifs.

Elle engendre des comportements à l'encontre des intérêts de l'individu. Elle englobe des expressions et des expériences émotionnelles excessives par rapport aux normes sociales et inappropriées par rapport au contexte : des changements émotionnels rapides et mal contrôlés, la "labilité de l'humeur", et une allocation anormale d'attention aux stimuli émotionnels.

Une expression de la dysrégulation émotionnelle est l'irritabilité, souvent liée à une agressivité réactionnelle et à des crises de colère. Très fortement exprimée chez les petits enfants, elle peut potentiellement « muter » en trouble anxieux à mesure que l'enfant grandit et qu'il tente de se contenir ou à l'inverse en trouble des conduites s'il ne peut les réprimer.

On sait depuis longtemps que la dysrégulation émotionnelle accroît beaucoup le handicap lié au TDAH, au point qu'elle était au premier plan dans le syndrome des "dommages cérébraux minimes", précurseur du TDA/H dans les années 1960. Et c'est seulement 20 ans plus tard, que les symptômes émotionnels ont été rétrogradés comme une "caractéristique associée" du TDA/H, et non pas un critère de diagnostic. Aujourd'hui tout de même, le DSM-5 liste la dysrégulation émotionnelle comme une caractéristique associée en faveur du diagnostic du TDAH, confortant le diagnostic[2].

Pour autant, elle ne fait pas partie des critères premiers de diagnostic et est de fait souvent isolée par les médecins mal informés, qui s'en vont "boucler" sur des problématiques éducatives ou – plus rarement sur d'autres troubles mentaux, ce qui est fort dommageable pour le patient, sa famille et... pour la médecine. Le trouble de dysrégulation émotionnelle rencontré dans le TDAH a été décrit comme une déficience de l'auto-régulation des émotions comme l'irritabilité, la frustration et la colère[3], et une faible tolérance à la frustration, des crises de colère, une impulsivité émotionnelle, et une labilité de l'humeur [4].

En comparaison aux échelles de notation des fonctions exécutives, les scores des tests de fonctions exécutives prédisent très mal le handicap dans un ensemble de domaines de la vie quotidienne[5].

Voilà aussi pourquoi les tests cognitifs ne sont pas des outils diagnostiques, encore moins à eux seuls, mais des outils qui peuvent aider à circonscrire le trouble, et à tenter d'approcher la difficulté en termes exécutifs de la personne atteinte de TDAH, enfant, ado ou adulte.

Attention donc aux médecins qui rejettent le diagnostic d'un confrère parce que des tests n'ont pas été établis.

L'entretien clinique est de loin l'outil premier, même s'il est qualitatif. Il est souvent guidé par des questionnaires, notamment le questionnaire de Conners, Adult ADHD self-report scale (ASRS-V1.1) Symptom checklist, SNAP-IV 26, WEISS symptom record II… Je les utilise moi-même au cabinet pour mieux définir le profil du patient. Le diagnostic du TDAH demande au diagnosticien une bonne maîtrise de l'entretien clinique, ce qui implique aussi humilité et expérience.

Finalement, le TDAH relèverait d'une faible maîtrise du contrôle exécutif ET émotionnel.

Selon R. Barkley[6], référence mondiale dans le domaine, le trouble est sous-tendu par des déficits des fonctions exécutives : de l'inhibition comportementale principalement, mais aussi chez certains patients de la mémoire de travail. Ces déficits ont à ses yeux pour conséquence inévitable une dysrégulation émotionnelle : dès lors que les patients souffrant de TDA/H ont du mal à inhiber les réponses motrices et comportementales spontanées suscitées par une stimulation de l'environnement, ils auront au moins autant de mal à inhiber ces réponses si cette stimulation produit également chez eux une réponse émotionnelle. Autrement dit, étant par définition impulsifs, ils le seront d'autant plus dans un contexte émotionnellement chargé. d'autant plus dans un contexte émotionnel.

La dysrégulation émotionnelle se caractérise par :

  1. un déficit d'autorégulation de l'excitation physiologique liée à de fortes émotions,
  2. des difficultés à inhiber le comportement inapproprié spontané suscité par une forte émotion positive ou négative,
  3. des problèmes à redéployer l'attention depuis des stimuli émotionnellement forts,
  4. une désorganisation dans la coordination du comportement en réponse à une activation émotionnelle.

À l'évidence, l'accompagnement du thérapeute doit tenir compte de ces mécanismes. La reconnaissance des problématiques émotionnelles comme faisant partie intégrante du trouble est la base d'un accompagnement pertinent. C'est un grand soulagement pour le patient et/ou son entourage, enfin entendu(s) et compris.

Photos : Shutterstock

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Écrit par

Marie-Amélie Garcia

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Bibliographie

  • [1] Sobanski E. and al. Emotional lability in children and adolescents with attention deficit/hyperactivity disorder (ADHD): Clinical correlates and familial prevalence, August 2010, Journal of Child Psychology and Psychiatry,51(8):915-2
  • [2] American Psychiatric Association (APA), DSM-5, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Elsevier Masson, 5ème édition, p. 69
  • [3] Skirrow C, Asherson P. Emotional lability, comorbidity, and impairment in adults with attention-deficit hyperactivity disorder. J Affect Disord 2013;147 (1-3): 80–6.
  • [4] Surman CB, Biederman J, Spencer T, Miller CA, McDermott KM, Faraone SV. Understanding deficient emotional self-regulation in adults with attention deficit hyperactivity disorder: a controlled study. Atten DeficHyperact Disord 2013;5(3): 273–81.
  • [5] Updated European Consensus Statement on diagnosis and treatment of adult ADHD, European Psychiatry, 2019;56:14-34[6] Barkley, R. (1997). Behavioral inhibition, sustained attention, and executive functions: constructing a unifying theory of ADHD. Psychol Bull., 121(1), pp. 65–94.

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Commentaires 1
  • Charlène

    Pour ce trouble le pédopsychiatre préconise du risperdal, ce traitement est pertinent à votre avis ? En sachant qu'il n'a rien pour le trouble de l'attention.

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