Comment sortir de la spirale infernale des TCA
Bonjour,
J'ai 39 ans et je lutte contre des TCA depuis 20 ans.
Au départ il y avait un côté volontaire, aujourd'hui je ne contrôle plus rien.
A 18 ans j'ai quitté le domicile familial pour faire une prépa.
C'était dûr et je ne me sentais pas dans mon élément face à des gens très compétitifs et avec toute un cercle amical à reconstruire.
Je suis tombée amoureuse, follement. Un garçon de notre petit groupe avec qui je mangeais chaque midi.
J'ai pris la décision de ne quasiment plus manger, pour attirer son attention et celle des autres.
Je n'avais pas envie de perdre du poids, juste qu'on me remarque.
Pas de petit déjeuner, le midi je pouvais picorer quelques crudités au départ (puis j'ai arrêté) et je mangeais 1 yaourt. Idem le soir.
A l'époque je pensais qu'une femme avait besoin de mille calories par jour. Moins pour moi car je suis petite et n'ai aucune activité sportive. Donc pour perdre du poids je devais limiter fortement mon apport calorique, peut être à 400 ou 500 calories. Un yaourt de 125g ça devait au moins en faire 200.... Petit à petit je suis passée d'un yaourt midi et soir, à un demi, pour ne pas manger trop de calories. Je ne voyais pas la faille dans mon raisonnement. Je pensais qu'avec ça j'étais à 1/4 de mes besoins énergétiques.
Bref j'ai perdu du poids, vite. Mes amies se sont inquiétés, on scrutait ce que je mangeais et celui que j'aimais s'est inquiété, me parlait, me disait que je devais manger. J'étais contente.
Nous sommes sortis ensemble. C'était merveilleux, c'était mon roi, mon dieu, mon soleil. Je découvrais tout : premier baiser, premières caresses. Je l'aimais à la folie. Sa main sur ma joue, un baiser me procuraient des sensations folles ... j'étais totalement accro.
Et en même temps je me sentais indigne de son amour, maladroite, in-attirante, inintéressante, je me pensais d'une bêtise totale face à lui. Dès que nous étions séparés, je me torturais l'esprit, c'était infernal.
Notre merveilleuse histoire a duré une semaine ...
Il m'a quitté sans que je comprenne trop pourquoi, moi toujours follement amoureuse. Et je ne m'en suis pas remise. Pendant plus d'un an je pleurais tous les jours, revivant chaque seconde du temps passé ensemble. Même quand j'étais en couple plus tard, je pensais souvent à lui, à notre amour perdu. Je rêvais de nous ...
Ca semble fou mais je crois que j'ai mis 15 ans à réellement m'en remettre et me rendre compte que de toutes façons je ne pouvais rien y faire et qu'il fallait accepter.
En parallèle j'ai recommencé à manger. Ca ne servait plus à rien de chercher à attirer son attention, et prendre du poids après un chagrin amoureux tout le monde le comprendrait. J'ai recommencé à me nourrir un peu aux repas et j'ai commencé à grignoter en dehors des repas.
Une de mes amies avait une caisse sous son lit avec des friandises : je me suis dit que c'était super d'avoir des réserves comme ça; J'ai voulu l'imiter sauf que j'étais incapable de m'arrêter et que tout ce que j'achetais je le dévorais. Des milliers de calories, sous formes de bonbons, barres chocolatées etc.
je me souviens avoir pensé une fois "souviens toi de ce moment, dans quelques années, c'est celui où tu as commencé à prendre du poids".
Pendant 2 ans, j'ai repris un peu de poids mais réussissais à le contrôler en faisant beaucoup de sport. Tous les jours je faisais frénétiquement des exercices. Je savais exactement combien de calories j'avais ingérées et combien de sport je devais faire pour que ça ne se voit pas sur la balance.
En apparences j'allais bien. Je donnais le change, semblait heureuse, avait une vie sociale, était mince.
En vrai j'étais au plus bas. Tout tournait autour de la nourriture et du sport pour compenser. Je pleurais tout le temps, repensant à ce garçon que j'ai tant aimé, me sentant nulle, inintéressante ...
La prépa n'arrangeait rien : au lycée je me sentais un peu à part : bonne élève, j'avais l'attention des professeurs etc. En prépa j'étais une parmi tant d'autres, pour la première fois je n'étais pas la meilleure, pas la chouchoutte ... je ramenais des notes moyennes alors que jusque là j'étais une excellente élève; Mes parents m’engueulaient ... je me voyais comme un échec ambulant.
J'ai commencé à me faire du mal pour évacuer toute cette douleur mentale : me cogner les bras contre des angles d'armoires, le radiateur, me frapper avec un objet jusqu'à avoir des bleus, me bruler; j'ai été jusqu'à me mettre un coup de couteau. J'étais fascinée, je regardait les bords de la plaie, le sang qui coulait ... j'ai pris un peu peur quand j'ai vu que ça coulait plus que ce que j'imaginais et que je n'arrivais pas à stopper l'hémorragie mais c'était libératoire.
Après la prépa, les choses semblaient aller mieux : moins de pression, je retrouvais de bonnes notes et ce statut de bonne élève, j'étais en couple ... ni ronde ni maigre.
Mais dans ma tête cela n'allait pas mieux : je me sentais toujours aussi mal, je pensais toujours à mon ex avec beaucoup de force et étant en couple, je ne pouvais plus m'adonner à mes rituels ...
De la boulimie je suis passée à l'hyperphagie.
Plus de stratégies compensatoires.
Moins de crises, puisque mon copain était souvent présent et qu'en présence d'un tiers je mange normalement ..
Mais quand il était absent c'était le relâchement total. A manger jusqu'à me sentir mal, tout y passait, sucré, salé, re sucré. Je n'arrêtais que quand je n'avais plus rien, épuisée, le ventre me faisant mal, honteuse. Pourtant j'attendais ces moments dans la semaine où il ne serait pas là avec impatience. Je passais mon temps à planifier ma prochaine crise. Et je savais qu'une fois parti, j'allais passer des heures à manger : un seul repas, interminable; qui durait des heures.
Je pleurais toujours autant. Et mon copain le savait. Il ne voulait plus que je pleure. J'ai étouffé mes larmes. Mais je ne me sentais pas mieux.
Depuis cela reste mon mode de fonctionnement : peu de larmes, des repas sains une partie de la semaine et dès que je suis seule dévorer des quantités de nourriture qui ne m'apaisent plus, ne me consolent plus. Juste cet inconfort physique et ce sentiment de mal être profond et ce dégout envers moi.
Parfois je fais des régimes. Je perds du poids, et le reprends.
Mes crises reprennent sitôt le régime terminé.
Je joue au yoyo depuis des années, mais au final les kilos s'accumulent.
Depuis quelques années je n'ai même plus assez de volonté pour entamer un régime : rien que d'y penser me stresse, majore mes crises et au final je prends du poids avant de "commencer un régime" et abandonne l'idée même de me lancer.
Aujourd’hui je vis seule et avec le télétravail je suis tout le temps à la maison .... depuis 1 an c'est crise sur crise. il n'y a plus de jour normal, plus de jour sain, je ne fais que me remplir jusqu'à me sentir mal encore et encore.
J'ai pris 20kg en 2 ans. Je ne me supporte plus. Je ne me dégoute quand je me vois. mais je n'arrive pas à m'arrêter. Je me sens piégée dans ce mode de fonctionnement et ne sais pas comment m'en sortir.
J'ai contactée une première psy, qui se disait spécialiste en TCA. Le premier entretien était surprenant et elle m'a proposée de travailler sur pourquoi j'abandonne tous mes régimes.
J'ai fait quelques séances avec une autre, également spécialiste des TCA : le premier entretien montrait qu'elle connaissait effectivement très bien le sujet, mais ensuite on n'a parlé que de mon travail ... ce qui n'est pas le fond du problème je pense même si je suis parfois stressée par ça. J'ai donc arrêté après quelques séances.
Je ne sais pas vers qui me tourner.
Je ne sais pas comment faire pour me sortir des TCA et de ce dégout de moi même.