Je me sens tellement en décalage...
que j’ai passé toute ma vie pour ainsi dire, à chercher... quelqu’un ! Un interlocuteur digne de ce nom, avec lequel je pourrais partager d’égal à égal. Comment dire ? J’ai découvert le sujet de la douance l’année passée seulement : sur le coup, j’ai crié « eurêka ! », et très, très vite déchanté. Il y a tout un discours, un business, une demande qui se sont construits autour de ce thème : j’ai cru me retrouver dans un mauvais film, avec un mauvais scénario et des personnages caricaturaux. Plusieurs psys, de différentes branches pour ne pas dire obédience, consultés, dont un psychiatre, ont pourtant présumé chez moi d’un HQI voire même THQI. Je n’ai pas passé de tests : m’en sentant incapable dans le sens où je n’y... vois pas de sens justement ! Du moins concernant mon problème : HQI ou THQI rencontrés m’ont semblé non moins aussi terriblement limités que n’importe lequel de mes semblables ! À croire que je suis un mutant. Pourtant, j’ai déployé d’énormes efforts pour tenter de trouver ce quelqu’un, avec lequel je pourrais être pleinement moi-même et non en mode veilleuse. Même si je me contente des 3 dernières décennies, cela représente au moins une foule de 10.000 personnes, passé au scan de ce que j’appelle mon intuition, faute d’un meilleur terme, et qui ne m’a jamais trompé : ni sur les choses, ou les situations, ni sur les gens. Je fonctionne ainsi : j’ignore ce que les autres entendent par « analyser », car chez moi, c’est toujours sur une évidence qui m’est donnée immédiatement que se fon(den)t choix et actions de chaque instant, parfois, souvent en réalité, à l’encontre du sens commun et, pourtant, toujours avec raison au final. Mais impossible à justifier à priori : le premier, j’ai longtemps vécu dans l’incompréhension totale de ce qui se passait chez moi : dans le meilleur des cas, j’ai pensé qu’il ne se passait rien de spécial ; dans le pire, le plus souvent en fait, qu’il me manquait quelque chose de fondamental vis à vis d’autrui. Parce que, lorsque toutes les personnes que vous avez jamais rencontrées, alors même que vous avez, par nécessité, été bien au-delà des limites de votre milieu de naissance, allant, après épuisement des ressources directes et indirectes offerte par votre entourage au sens large du terme, jusqu’à interviewer (l’air de rien, toujours !) des artistes, des philosophes, des écrivains, des scientifiques connus pour certains, et vous heurtant chez tout le monde, sans aucune exception, à une limite, des limites, comment dire ? De quel ordre ? Mollesse, lenteur, superficialité. Mon vécu n’a rien de commun avec mes semblables : voilà ce que je peux dire avec certitude avec l’enquête approfondie que je mène depuis plus de 20 ans maintenant. J’éprouve, j’appréhende tout différemment : en chaque instant une myriade d’impressions, d’échos, de réflexions (réfleCTions plutôt) se produisent en moi, et me font voyager d’un univers à un autre (hum... non, non, je ne suis pas fou, j’ai métier, femme, enfants ; quoique... cela ne garantit rien !) ; ce n’est pas d’abord un plus, c’est différent, radicalement différent. D’ailleurs, j’ai rencontré de nombreuses personnes, en particulier parmi les surdoués, plus performantes que moi du point de vue cognitif comme on dit : mais d’une performance au sens de la machine, de l’ordinateur ; en terme de vitesse de traitement de données, capacités de stockage. Mais je les vois en temps penser, éprouver, vivre sur des bases extrêmement étriquées, d’une pauvreté qui me désespère souvent. J’ai l’impression d’être le seul adulte dans un monde peuplé d’enfants, conçus pour eux et par eux gouvernés. Tous à jouer un rôle, en ayant oublié que c’est un jeu, sans fair-play, sans recul, sans grandeur. Derrière les postures et les apparats, je vois les souffrances, les doutes, les faux-semblants. Évidemment : cela fait méprisant, j’en suis conscient ! D’autant plus conscient que ce genre de sentiment, justement, m’est totalement étranger, que j’ai seulement soif de dialogue, d’ouverture, de partage fondés sur le vivant, l’humain en nous, le potentiel extraordinaire - et commun à tous - que l’humain représente en terme de sensibilité, d’intelligence, de sens, et qu’il m’est donc particulièrement douloureux de passer pour méprisant. Et je trouve aberrant, absurde, et tragique qu’on en soit là, que toute capacité de dialogue soit limitée à peau de chagrin, et ce, quel que soit le statut de l’interlocuteur.