Psychanalyse : transfert, contre-transfert et supervision

Le transfert et contre-transfert. Qu'en est-il ? Quelles convergences et quelles divergences ? Et la supervision dans tout ça ?

3 AVRIL 2019 · Lecture : min.
Psychanalyse : transfert, contre-transfert et supervision

De prime à bord quand on parle de transfert et de contre-transfert on peut s'interroger sur qu'est-ce qu'on transfert ? Qu'est-ce qu'on mute ? Qu'est-ce qu'on déplace ? En effet, il s'agit de phénomènes qui se déplacent. Comme dans les résonances, on retrouve donc cette idée de mouvement des phénomènes du supervisé vers le superviseur et inversement.    

Le transfert

De prime à bord quand on parle de transfert et de contre-transfert on peut s'interroger sur qu'est-ce qu'on transfert ? Qu'est-ce qu'on mute ? Qu'est-ce qu'on déplace ? En effet, il s'agit de phénomènes qui se déplacent. Comme dans les résonances, on retrouve donc cette idée de mouvement des phénomènes du supervisé vers le superviseur et inversement.  

L'étymologie du mot remonte aux racines indo-européennes : « bher » qui se décline en « pher », en grec, donnant naissance à « pherein » : porter. En latin, c'est la filiation du verbe « ferre » : porter à travers, transporter. Le transfert selon le « Vocabulaire de la psychanalyse » désigne « Le processus par lequel les désirs inconscients s'actualisent sur certains objets dans le cadre d'un certain type de relation établie avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique. Il s'agit d'une répétition de prototypes infantiles vécue avec un sentiment d'actualité marqué. C'est le plus souvent le transfert dans la cure que les psychanalystes nomment transfert, sans autre qualificatif »[1]. « S. Freud nous affirme que le transfert existe dans toutes les relations entre individus (amoureuses, thérapeutiques, pédagogiques…) »[2]. Peut-on le transposer dans le cadre d'une supervision ? À mon sens, toutes proportions gardées, oui car le supervisé vient pour analyser des situations en fonction de sa propre histoire, de ce qu'il est, de ce qu'il perçoit et de ce qu'il vit. Le supervisé pourrait donc rejouer des événements de son vécu avec le superviseur en supervision.

Si je reprends la définition citée plus haut, il y aurait des désirs inconscients qui s'actualiseraient sur certains faits au moment de la supervision.

Il est intéressant pour le superviseur de prendre conscience de ces phénomènes de transfert. Le transfert en supervision c'est cette transposition des faits et du vécu du supervisé qu'il porte vers le superviseur. Puis-je alors émettre l'hypothèse que le transfert peut induire des résonances ? Je ne répondrai pas à cette question parce que ce n'est pas le thème que je traite. Toutefois, il me semble intéressant de la repérer dans ma pratique de la fonction de superviseur.

Le contre-transfert

Le contre-transfert désigne « l'ensemble des réactions inconscientes de l'analyste à la personne de l'analysé et plus particulièrement au transfert de celui-ci »[3]. C'est donc des réactions inconscientes du superviseur à l'égard du supervisé et du transfert qu'il effectue sur le superviseur.

Cet aspect de « réactions inconscientes », ne conviendrait pas, selon moi, en supervision. Je propose de ne pas en rester à cette définition et d'aller plus loin. En effet, une définition plus large donnée par le Dr Nicolas de Coulon[4] dit que le contre-transfert est l'ensemble des réactions conscientes et inconscientes de l'analyste au patient. On remarque que cette définition englobe les réactions conscientes de l'analyste. Il ajoute plus loin que ses réactions sont émotionnellement adéquates et utilisables dans l'immédiat.

C'est sans doute à cet effet que Mony Elkaïm différencie le concept des résonances du contre-transfert, par rapport à la définition que donne le « vocabulaire de psychanalyse. En effet il dit « Le contre-transfert est une réaction inconsciente du thérapeute vis-à-vis de son client. Par contre la résonance est la réaction du thérapeute liée au contexte »[5].

Dans ma pratique de ma fonction de superviseur, il me semble qu'être conscient de ce qui s'y déroule peut d'avantage aider le supervisé et la supervision en elle-même. Pour développer ce propos je m'appuierai sur des points qu'a développé Collette Chiland dans son ouvrage « L'entretien clinique »[6]. En effet, pour rendre conscient l'analyste aux phénomènes contre-transférentiels, elle nous parle de trois éléments essentiels : la sérénité, la bienveillance et la haine.

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La sérénité

Une anxiété peut provenir d'une identification à l'interlocuteur. Elle peut également provenir d'un contre-transfert éveillé par ses paroles. Si l'analysé perçoit de l'inquiétude chez l'analyste, celui-ci va se dire que son cas est grave. Cela va accroître son angoisse et son anxiété. Il y a donc un risque que l'analysé se cloître et ne s'ouvre pas. Il y aura aussi le risque que l'analysé amplifie ses inquiétudes. C. Chiland nous dit que l'analysé a besoin de sentir le clinicien impassible, calme afin de s'identifier à lui. Elle ajoute que si l'analyste ne peut pas maîtriser sa crainte, qu'il aille voir un spécialiste (peut-être intervision) pour voir clair sur les difficultés du cas. Dans son approche autour du contre-transfert, C. Chiland nous met en garde sur la préoccupation excessive d'un rapide résultat qui peut être nocive dans une relation d'aide. Elle peut bloquer l'évolution de l'analysé. Il convient de s'interroger sur ce qu'on veut faire vivre à l'analysé.

La bienveillance

Une empathie semble être nécessaire pour percevoir les états psychiques de l'analysé. Cela ne veut pas dire être bon. Cette sympathie bienveillante favorise l'acceptation de l'agressivité de l'analysé et permet d'en percevoir la signification profonde. Cette sympathie bienveillante (comme la nomme l'auteur) permet d'ouvrir ses propres horizons, sa propre pensée. L'analysant peut être en total désaccord avec ce que dit l'analysé. Il convient, alors, de laisser ses propres certitudes, cela ne peut qu'être enrichissant pour l'analysant. C. Chiland, nous dit qu'il est souhaitable que cette attitude provienne d'un désir maîtrisé.

Dans un processus de contre-transfert, une bienveillance surdimensionnée peut conduire l'analysé à se protéger de celle-ci afin de « garder sa dignité ». L'analysé peut, également, régresser et devenir dépendant de l'analysant. Il va perdre ainsi ses possibilités de réflexion personnelles.

La haine

Il est absolument nécessaire que l'analysant ait bien compris les sentiments de haine qu'il a refoulés. La connaissance de ses propres pulsions agressives aide à l'acceptation des hostilités manifestes et à leur compréhension. L'analysant doit agir dans le calme et avec une fermeté constante.

Ces trois points qui peuvent émaner dans un mouvement contre-transférentiel sont pertinents à prendre en considération quand on utilise les concepts de résonances dans la pratique de la supervision. C'est pour cela qu'on dit que le concept systémique est un concept intégratif. En effet, le superviseur peut être dans l'anxiété, une bienveillance surdimensionnée ou un sentiment de haine. Pour illustrer ce propos, il me semble bien que Mony Elkaïm tient compte du contexte dans lequel émergent les résonances.

Photos : Shutterstock

[1] « Vocabulaire de la psychanalyse », Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Edit PUF Quadridge.

[2] « La supervision d'équipes en travail social », Joseh Rouzel, Edit Dunod

[3] « Vocabulaire de la psychanalyse », Jean Laplanche, Jean-Bertrand Pontalis, Edit PUF Quadridge.

[4]Nicolas de Coulon est psychiatre-psychothérapeute. Il est Président de la Société Suisse de Psychanalyse.

[5] Conférence de Mony Elkaïm au Centre de formation de la thérapie familiale le 10.01.2002

[6] « L'entretien clinique » Colette Chiland. Edit PUF

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Écrit par

Hakim Ghemmour

Psychanalyste, psychopraticien. Reçoit sur RDV : Adultes, enfants, adolescents et couples. Superviseur dans le domaine de la santé et du travail social. Analyse des pratiques professionnelles. Répond aux différentes demandes: dépression, burn-out, addictions, TOC, anxiété, etc.

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